Dassault Aviation prêt à faire beaucoup de concessions pour imposer le Rafale au Canada

Initialement, le Canada avait annoncé, en 2010, l’achat de 65 exemplaires du  F-35 Ligthning II de Lockheed-Martin, en cours de développement, pour rempacer ses CF-18 Hornet. Et cela, sans appel d’offres. Cette décision pouvait se comprendre dans la mesure où l’industrie aéronautique canadienne est impliquée dans ce programme américain, par ailleurs financé à hauteur de 168 millions de dollars par Ottawa.

Retards, surcoûts, problèmes techniques et surtout facture très élevée ont nourri l’opposition à ce projet d’achat, qui a en outre fait l’objet de plusieurs rapports critiques, dont un publié en avril 2012 par le Vérificateur général du Canada. Par la suite, une étude menée par le cabinet KPMG à la demande du gouvernement canadien avait estimé que les coûts complets sur sur l’ensemble du cycle de vie du F-35 allaient atteindre les 46 milliards de dollars. D’où la décision prise par Ottawa de suspendre le processus d’acquisition et d’ouvrir une procédure d’appel d’offres.

En janvier 2013, le ministère canadien des Travaux publics, qui, aussi étonnant que cela puisse paraître, est désomais en charge du dossier, a sollicité 5 constructeurs aéronautiques, dont Lockheed-Martin pour le F-35, Boeing (F-18 Super Hornet), le consortium Eurofighter (Typhoon), Saab (Gripen) et Dassault Aviation (Rafale).

Traditionnellement, le Canada est une chasse gardée des industriels américains de la défense. Encore que, dans certains domaines, comme celui des chars, cela n’est pas toujours le cas. Qu’en sera-t-il dans celui de l’aviation de combat?

Quoi qu’il en soit, avec 65 appareils en jeu (soit plus que les contrats brésilien et suisse) Dassault Aviation est bien décidé à jouer sa carte à fond, même si ses concurrents américains paraissent les mieux placés, en particulier Boeing avec le F-18 Super Hornet. Et le dossier canadien a d’ailleurs été évoqué lors de la conférence de presse organisée le 13 mars pour présenter les résultats pour l’année 2013 du constructeur français.

« Malheureusement, malgré les surcoûts, peu de pays vont annuler leur commande de JSF. Notre seul espoir, c’est le Canada. S’ils abandonnent le JSF, le Rafale a de bonnes chances », a ainsi affirmé Eric Trappier, le Pdg de l’avionneur, qui a pris l’exemple des Pays-Bas, qui, « pour le prix prévu dans le contrat pour 65 appareils » en ont commandé 37… « Si le contrat avait été signé avec Dassault, les Pays-Bas auraient eu 65 Rafale pour le même prix. Il y a chez certains pays une volonté d’acheter américain quel que soit le prix, quelle que soit la performance de l’avion », a-t-il déploré.

Visiblement, Dassault Aviation est prêt à faire beaucoup de concessions à Ottawa pour remporter la partie face à ses concurrents. Du moins, c’est ce que l’on peut retenir de l’entretien donné à Radio Canada, Yves Robins, son directeur des relations extérieures.

« Nous pensons qu’il est indispensable d’ouvrir cette compétition de manière à ce que chacun des concurrents puisse faire la meilleure proposition, la plus compétitive et la plus avantageuse pour le Canada », a d’abord affirmé Yves Robins.

« Le Rafale répond parfaitement aux besoins des forces armées canadiennes et pourrait procurer davantage de retombées économiques que le F-35 de l’Américain Lockheed Martin », a-t-il fait valoir.

Et d’ajouter : « Nous proposons de transférer l’intégrité de l’entretien, de la maintenance, de la modernisation de l’avion ici au Canada auprès des industries canadiennes, avec les droits de propriétés intellectuelles et tous les transferts de technologie pour lesquels nous avons l’autorisation du gouvernement français, sans aucune restriction ».

Mais Dassault Aviation pourrait encore aller plus loin. « Non seulement nous sommes prêts à transférer l’assemblage final de l’avion ici, au Canada, mais nous sommes également prêts à associer l’industrie aéronautique canadienne à la production de certains éléments de cet avion », a expliqué Yves Robins.

Ces arguments peuvent faire mouche. Car suite aux polémiques suscitées par les dérapages des programmes d’équipements des forces armées canadiennes, Diane Finley, ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, a récemment déclaré que « dorénavant, nous tirerons profit de nos investissements en vue de créer des emplois bien rémunérés et hautement spécialisés ici, au Canada ». Reste désormais à voir jusqu’où sont prêts à aller les concurrents de Dassault.

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