Général Ract-Madoux : Les objectifs de « dépyramidage » pour l’armée de Terre sont « déraisonnables »

En 2012, la masse salariale du ministère de la Défense a été supérieure de 474 millions d’euros par rapport à ce qui avait été prévu par la loi de finances initiale (LFI) alors que, justement, la déflation des effectifs aurait dû permettre de faire des économies. Outre les dysfonctionnements dans le versement des soldes (Louvois), une des raisons données pour expliquer cette situation est le « pyramidage », c’est à dire qu’il y aurait un taux d’encadrement trop important.

D’où la décision de ramener ce taux d’encadrement de 16,75% à 16% dans le cadre des 23.500 suppressions de postes prévus par la prochaine Loi de Programmation Militaire (LPM) pour la période 2014-2019. Et cet effort portera surtout sur l’armée de Terre, étant donné qu’elle dispose (encore) des effectifs les plus importants.

« Pour ramener le taux d’encadrement « officiers » à 16 % à l’échelle du ministère, il est prévu de conduire une réduction drastique de leur nombre dans l’armée de terre, où ce taux n’est pourtant que de 12 %. C’est difficilement compréhensible pour mes subordonnés », a expliqué son chef d’état-major (CEMAT), le général Bertrand Ract-Madoux, qui n’a pas manqué de faire part de ses réserves à se sujet, lors de son audition devant la commission Défense de l’Assemblée nationale.

Premier point, le CEMAT a d’abord fait remarquer que l’armée de Terre « maîtrise parfaitement sa masse salariale », signe, selon lui, qu’elle « contrôle ses effectifs » étant donné qu’en 2013, mis à part les problèmes générés par Louvois, elle devrait être « en excédent de 6 millions d’euros, après avoir été à l’équilibre en 2011 et en 2012, hors mesures exogènes telles que la refonte des grilles indiciaires ou les mesures de revalorisation des bas salaires. » Et le général Ract-Madoux d’insister : « Je peux donc vous affirmer que, pour la catégorie du personnel militaire dont elle a la charge, l’armée de terre est un bon gestionnaire ».

Quant « repyramidage » des effectifs, qui expliquerait cette hausse de la masse salariale, le CEMAT a observé que « le titre 2 du BOP Terre (c’est à dire les dépenses de personnels  du Budget opérationnel de programme, ndlr) a diminué de 10% entre 2010 et 2012 » et constaté que, dans le même temps, « au sein du ministère, entre 2008 et 2013, le nombre d’officiers a diminué de l’ordre de 5% tandis que celui du personnel civil de catégorie A a augmenté d’environ 25% ».

S’agissant du taux d’encadrement, le général Ract-Madoux a ainsi valoir que celui de l’armée de Terre est « inférieur à 12% » – il tombe même à « 8% dans les forces terrestres » – alors qu’il est d' »environ de 14% aux Etats-Unis et au Royaume-Uni ».

« C’est pourquoi elle (ndlr, l’armée de Terre) éprouve des difficultés à adhérer à l’objectif visant à ramener le taux d’encadrement ‘officiers’ du ministère à 16 %, ce qui implique un effort de déflation considérable sur cette catégorie de personnel », a fait valoir le CEMAT. Et d’ajouter : « En dépit des nouveaux leviers d’aide au départ, au demeurant plus attractifs et donc plus incitatifs que les précédents, le bilan des années passées m’a conduit à considérer que les objectifs fixés à l’armée de terre en la matière étaient déraisonnables au regard des effets déstructurants dont ils sont porteurs. Un arbitrage est attendu sur ce point ».

Le général Ract-Madoux a par ailleurs affirmé avoir eu « parfois des discussions franches avec les responsables concernés », c’est à dire en premier lieu avec le directeur des ressources humaines du ministère de la Défense (DRH-MD), lequel assure le suivi de la déflation des effectifs, avant de préciser que cela « n’enlève rien à la confiance mutuelle que nous nous manifestons et au fait que nous travaillons ensemble ».

De 2008 à 2019, l’armée de Terre aura supprimé 35.000 postes et transféré 22.000 autres. « Au total, 57 000 hommes et femmes de l’armée de terre auront été touchés par les réformes », a rappelé le CEMAT, qui a également précisé qu’en 10 ans, le recrutement direct d’officiers avait diminué de 38%.

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