Syrie : La Russie et les Etats-Unis sont au moins d’accord sur un point

Voilà maintenant un an que le régime de Bachar el-Assad est contesté par une partie de la population syrienne. Et force est de constater que, malgré la violence de la répression des différentes manifestations, la situation du pays est dans une impasse.

Depuis le 15 mars 2011, à l’instar du CNT libyen, plusieurs mouvements de l’opposition se sont regroupés au sein du Conseil national syrien (CNS), qui n’est d’ailleurs pas épargné par les divisions internes et l’influence des Frères musulmans. Cette structure est accompagnée par l’Armée syrienne libre (ASL), laquelle compte dans ses rangs des soldats ayant fait défection.

Cela étant, la répression de ces mouvements d’opposition par le régime de Bachar el-Assad a provoqué la réprobation de la communauté internationale, à l’exception de la Chine et de la Russie, qui bloquent, au sein du Conseil de sécurité des Nations unies, tout projet de résolution visant à imposer des sanctions à Damas.

Récemment, l’armée régulière syrienne a repris le contrôle de trois villes jusque-là aux mains de l’insurrection, à savoir Homs, Idleb et Deraa, en employant une tactique qui n’est pas sans rappeler celle qu’avait utilisé les forces russes en Tchétchénie (bouclage de la périphérie, bombardement pour faire fuir les civils et assaut). Aussi, des pays comme l’Arabie Saoudite et le Qatar se sont dits favorables à l’envoi d’armes aux insurgés.

Seulement, cette position n’est nullement partagée par les Etats-Unis et la Russie. Au moins, si ces deux pays ne sont pas d’accord sur le dossier syrien, cette question a au moins le mérite de les rapprocher.

La raison de l’opposition commune de Washington et de Moscou à la livraison d’armes à l’insurrection syrienne s’explique par la présence, dans ses rangs, de militants d’al-Qaïda venus de l’Irak voisin.

Le 26 février dernier, la secrétaire d’Etat américain, Hillary Clinton, a ainsi affirmé que la livraison d’armes à l’opposition syrienne serait de nature à aider al-Qaïda et le Hamas, ces deux organisations ayant exprimé leur soutien aux insurgés syriens.

« Nous ne savons vraiment pas qui pourrait être armé » a-t-elle affirmé lors d’un entretien accordé à la chaîne de télévision CBS. « Soutenons-nous al-Qaida en Syrie?, le Hamas soutient maintenant l’opposition. Soutenons-nous le Hamas en Syrie? » s’est-elle interrogée.

La présence de jihadistes dans les rangs des insurgés syriens, « souvent » ignorée par ces derniers, selon James Clapper, le patron du renseignement américain, a été établie grâce à la bonne entente la CIA et les services secrets de Bagdad, laquelle a permis de reconnaître des militants d’al-Qaïda sur de nombreux clichés pris à Homs par des observateurs irakiens. D’ailleurs, deux attentats commis en Syrie ont été revendiqués par un groupe faisant partie de la nébuleuse terroriste fondée par Ben Laden.

Et Moscou a fait le même constat. Quelques jours après les déclarations faites par Hillary Clinton, la présence d’al-Qaïda a été évoquée par le porte-parole de la diplomatie russe, Alexandre Loukachevitch. « Ce n’est un secret pour personne que nos propositions (concernant la crise syrienne) sont rejetées par l’Occident ou bloquées par l’opposition radicale syrienne sans parler d’unités armées au sein desquelles luttent des combattants d’Al-Qaïda et d’autres extrémistes contre les forces gouvernementales » a-t-il ainsi affirmé, selon l’agence Itar-Tass.

Le ministère russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, est une nouvelle fois revenu sur cette question, le 13 mars dernier. « On reconnaît que des armes sont livrées pour l’Armée syrienne libre et pour d’autres groupes. Ces armements sont fournis par l’intermédiaire des pays voisins, et il ne s’agit pas seulement d’armes légères, mais également d’équipements plus dangereux » a-t-il dit, à l’issue d’une rencontre avec Albert del Rosario, son homologue philippin.

« Mais n’oublions pas les informations faisant état de la présence d’Al-Qaïda en Syrie (…). Les armes fournies en Syrie pourraient tomber entre les mains de cette organisation. Et conformément aux résolutions du Conseil de sécurité de l’Onu, tous les pays membres des Nations unies doivent non seulement empêcher des livraisons d’armes à Al-Qaïda, mais aussi éviter tout contact avec ce groupe » a-t-il encore ajouté.

Par ailleurs, la France est également hostile à la livraison d’armes à l’insurrection syrienne. « Le peuple syrien est profondément divisé et si nous donnons des armes à une certaine fraction de l’opposition en Syrie, nous allons organiser une guerre civile entre les chrétiens, les alaouites, les sunnites et les chiites, ça pourrait être une catastrophe encore plus grande que ce qui existe aujourd’hui », a déclaré Alain Juppé, le ministre française des Affaires étrangères, sur les ondes de France Culture.

Cependant, si, manifestement, Paris, mais surtout Washington et Moscou sont sur la même longueur d’onde pour refuser d’armer les rebelles syriens, en revanche, la Russie continue de livrer des matériels militaires à Bachar el-Assad, via sa société d’exportation Rosoboronexport. Et cela pourrait avoir une conséquence sur le dossier afghan.

En effet, le Pentagone a signé avec cette entreprise un contrant d’un montant de 900 millions de dollars et concernant des hélicoptères Mi-17 prévus pour équiper les forces aériennes afghanes. D’où la démarche d’élus du Congrès, qui ont demandé à Leon Panetta, le secrétaire à la Défense, de mettre fin aux relations entretenues jusque-là avec Rosoboronexport, au motif que les « contribuables américains ne devraient pas être mis dans une situation où ils subventionnent indirectement les meurtres de masse de civils syriens ». Nous vous encourageons à utiliser tous les leviers à votre disposition pour faire pression sur la Russie et les entités russes afin de mettre fin à leur soutien au régime de Assad » ont-ils fait ajouté.

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