Le massacre de Kandahar aurait-il pu être évité?

Au cours de la nuit du 10 au 11 mars, dans le district de Panjwai (province de Kandahar, sud de l’Afghanistan) un sergent américain a quitté sa base en étant lourdement armé pour tuer 16 civils afghans qui se trouvaient alors endormis dans leurs maisons. Ensuite, il est revenu au sein de son unité pour se constituer prisonnier.

Nul ne sait encore quelles seront les conséquences à long terme de cet acte. En tout cas, il a pour le moment compliqué davantage les négocations que mène Washington en vue d’établir un accord de parteneriat stratégique avec Kaboul.

Et le mouvement taleb, pourtant accusé d’avoir perpétré deux attentat ayant tué 21 civils dans la province d’Uruzgan, ont promis de se venger. Ce qu’il a d’ailleurs commencé à faire en attaquant une délégation du gouvernement afghan dans l’un des village où le soldat américain a commis son carnage.

Pour le moment, le sergent en cause, qui risque la peine de mort lorsqu’il passera devant une cour martiale de son pays, a été exfiltré vers le Koweït. Son identité n’a pas été révélée mais l’on connaît déjà beaucoup de détails le concernant.

Ainsi, comme il a déjà été dit ici, il s’agit d’un homme de 38 ans, affecté à la base de Lewis-McChord (Etat de Washington). Originaire du Midwest, marié et père de deux enfants, il a effectué trois missions en Irak par le passé, ce qui lui a valu plusieurs décorations, mais aussi un traumatisme cérébral dû à l’explosion, en 2010, d’un engin explosif improvisé (IED). Pour cela, il a été soigné à Fort Lewis avant d’être jugé apte à reprendre le service. En 2008, ce sous-officier a subi un contrôle psychiatrique afin de pouvoir suivre une formation de tireur d’élite.

Selon la presse américaine, ce sergent aurait eu des problèmes conjugaux avec son épouse au retour de sa dernière mission en Irak. Et à la veille de commettre l’irréparable, il se serait disputé avec elle. Ce qu’a toutefois démenti John Henry Browne, son avocat, lequel a mis en avant le fait qu’un de ses camarades avait été gravement blessé à ses côté.

Toujours d’après cet avocat, le sous-officier était « dans des conditions de stress particulièrement fortes ». Ayant rejoint, en décembre et pour la première fois, l’Afghanistan, il se trouvait « dans cette petite base (ndlr, le camp de Belambay) de 20 personnes, au milieu de nulle part ». Et il lui aurait été promis, après ses trois missions en Irak, qu’il « ne serait plus envoyé à l’étranger ». Et selon sa hiérarchie, il n’est pas exclu qu’une consommation excessive d’alcool ait pu jouer un rôle.

A cela s’ajoute la tension nerveuse, permanente, que l’on peut imaginer quand l’on sait que plusieurs militaires de l’Otan ont été victimes de soldats afghans qu’ils côtoyaient alors régulièrement. De plus, la durée des missions des militaires américains sur un théâtre d’opérations extérieur est désormais de 15 mois, essentiellement à cause des problèmes d’effectifs. Or, les médecins estiment qu’il ne faudrait pas dépasser les trois mois de déploiement, d’autant plus que le contexte afghan est extrêmement compliqué.

« Le plus difficile, c’est la menace aveugle : les roquettes, les engins explosifs improvisés. C’est un peu la roulette russe » a confié au Figaro le docteur-psychiatre Yann Andruetan, de l’hôpital d’instruction des armées Saint-Anne de Toulon.  » Ce qui est perturbateur, car faisant naître un sentiment nouveau, le doute, c’est l’évènement exceptionnel, la surprise. Quand vous subissez des tirs de roquettes nocturnes dans un camp, vous avez un sentiment de vulnérabilité qui est épuisant » a-t-il encore expliqué.

Ainsi, un soldat ayant subi un traumatisme crânien causé par l’explosion d’un IED, ayant probablement des difficultés familiales aurait-il dû être envoyé en Afghanistan, après trois longues missions en Irak? C’est la question posée, le 13 mars, par Bill Pascrell, un élu démocrate du Congrès américain et par ailleurs président d’une commission parlementaire.

Ce dernier a demandé au secrétaire à la Défense, Leon Panetta, de lui donner des précisions sur la nature de la blessure reçue par le sergent lorsqu’il était en Irak. « J’essaie simplement de savoir si le feu vert n’a pas été donné prématurément » a-t-il expliqué. Ce n’est en rien une excuse pour cet acte haineux (qui) nous a tous rendus malades. Mais mince, nous avons tous l’obligation d’empêcher ce genre de choses d’arriver », a-t-il ajouté.

D’autres palementaires partagent les interrogations de l’élu démocrate, comme le sénateur de l’Etat de Washington, Patty Murray, qui se demande si « la santé mentale est prise ou non au sérieux au sein des forces armées ».

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