Elections 2012 : Tour d’horizon des programmes de quelques candidats en matière de politique de défense

Nul ne sait pour le moment combien de candidats seront sur la ligne de départ à l’occasion de la prochaine élection présidentielle. Cela étant, plusieurs personnalités ont exprimé le souhait d’en être. Ce qui sera le cas si elles réussissent à obtenir les 500 signatures d’élus nécessaires pour prétendre à briguer la magistrature suprême.

Il a déjà été question, ici-même, des propositions faites par l’UMP, le Parti socialiste, les les écologistes et le Front national en matière de politique de défense. Reste à voir ce qu’ont à dire sur ce sujet les autres prétendants, à environ 100 jours du premier tour.

Autant le dire, la consultation des différents programmes disponibles – qui peuvent par ailleurs être encore modifiés chez certains – a de quoi rendre inquiet quant à la place des affaires militaires dans le débat public.

Candidat du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon ne semble pas manifester un intérêt certain pour les questions de défense. Une recherche avec les mots clés « défense » et « armée » sur son site de campagne le montre. L’on peut cependant trouver au moins deux articles, qui ne sont d’ailleurs pas de sa main. L’un conteste la réintégration de la France au sein du commandement militaire intégré de l’Otan. L’autre déplore l’indifférence dans laquelle s’est tenue la « semaine du désarmement 2011 » et exige « l’enclenchement d’un processus de désarmement nucléaire multilatéral et contrôlé » dans lequel la France devrait avoir un rôle moteur.

Ancien ministre de la Défense (1988-1991) et actuellement vice-Président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées au Sénat, Jean-Pierre Chevènement est attendu au tournant. Mais son programme, disponible depuis son site de campagne, ne compte que 10 points. Cependant un objectif y est affirmé : « Maintenir notre indépendance stratégique et faire de la France le principal vecteur d’une « Europe européenne », capable de maîtriser son destin et d’être elle-même un pôle dans le monde multipolaire de demain ».

Cela étant, Jean-Pierre Chevènement est l’un des (rares) hommes politiques qui s’est le plus exprimé sur les questions de défense au cours de ces dernières années. L’on sait ainsi qu’il a déploré le retour de la France dans les structures militaires de l’Otan et qu’il est attaché à la dissuasion nucléaire. Récemment, au Sénat, il a déclaré qu’il « est temps de mettre un terme aux réductions de format des armées », en soulignant que « l’outil militaire (français) est menacé par le future Pacte de stabilité », lequel « entend imposer aux autres Etats de la zone euro un strict contrôle de leur budget par des institutions européennes ».

Candidat « souverainiste » en rupture de ban avec l’UMP, Nicolas Dupont-Aignan (Debout La République) défend une ligne proche de celle affichée par Jean-Pierre Chevènement. Du moins pour les questions militaires. Egalement hostile au retour de la France au sein du commandement militaire intégré de l’Otan, « une organisation archaïque issue de la guerre froide, qui, comme le pacte de Varsovie, n’a plus lieu d’être », le député-maire d’Yerres (Essonne) tient une rubrique « défense nationale » sur son blog. Cependant, elle n’a pas été mise à jour depuis octobre 2009 et les billets que l’on y trouve évoquent surtout l’Afghanistan.

Cela étant, Nicolas Dupont-Aignan propose, dans son programme, le maintien du budget du ministère de la Défense à environ 2% du PIB ainsi que celui de la force de dissuasion, la réalisation d’un second porte-avions, et la création d’une agence européenne de la défense, dont « l’objet serait de coordonner les politiques de l’armement, de favoriser l’interopérabilité des armées nationales » dans le cadres de « coopérations à géométrie variable ». Une telle structure existe déjà : l’Agence européenne de défense (EDA) a été mise en place en 2004, afin justement « de promouvoir la coopération européenne dans le domaine de l’armement ».

Ancien ministre du logement (2007 à juin 2009) et député des Yvelines, Mme Christine Boutin (Parti Chrétien Démocrate) évoque la mise en place d’un « nouveau service national obligatoire, occasion d’un vrai brassage social, d’un engagement au service de la collectivité et d’une découverte de l’autorité » dans ses 12 mesures phares pour 2012. Son programme ne s’arrête pas là car, à l’instar de Nicolas Dupont-Aignan, elle propose de « rétablir » le budget de la Défense à 2% du PIB et de conserver la dissuasion nucléaire. Il y est aussi question de « recenter les forces sur la défense du territoire national », de « constituer une garde nationale » et de « conserver à la gendarmerie son statut militaire ».

Quant à Dominique de Villepin, ancien patron du Quai d’Orsay, ministre de l’Intérieur et Premier ministre, la politique de défense est réduite à la portion congrue dans les propositions qu’il a formulées récemment. En attendant un éventuel nouveau programme d’ici le premier tour de l’élection présidentielle, l’on a qu’une brève allusion aux opérations extérieures dans le chapitre consacré aux affaires internationales ainsi qu’à l’Otan.

« Pour toutes nos opérations extérieures, un cadre aux engagements militaires de la France doit être fixé : mandat international, calendrier initial contraignant, définition claire des missions » peut-on lire dans le programme de son mouvement « République solidaire ». « Nous avons aussi un devoir d’indépendance, impliquant la remise en cause de notre présence dans le commandement intégré de l’Otan ainsi que des progrès significatifs de l’Europe de la Défense », y est-il aussi écrit. Bref, tout cela reste très vague.

Chez les centristes, l’on ne peut pas dire que les affaires militaires – pourtant régaliennes et, faut il le rappeler, le président de la République est le chef des armées – fassent un tabac. Une récherche avec le terme « défense » faite sur le site de campagne de François Bayrou, renvoie à une occurrence. Déception : il y est question de défense de la nature et non de défense nationale.

Plus généralement, plusieurs thèmes y sont développés : la laïcité, Hadopi, la vie des femmes, l’homoparentalité, l’Afrique, l’agriculture et bien évidemment, l’Europe. Aucun n’a trait aux forces armées.

Et la même chose peut être constatée chez le frère ennemi de François Bayrou, à savoir Hervé Morin, qui a été, faut-il le rappeler, ministre de la Défense entre 2007 et novembre 2010. Pas moins de 21 thèmes sont déclinés sur son site de campagne, pas un de concerne les forces armées et la politique de défense, même au niveau européen.

Alors, il peut se passer plein de choses d’ici avril prochain. Sans doute, et c’est à espèrer, que les programmes des candidats en matière de défense seront un peu plus étoffés qu’ils ne le sont à l’heure actuelle. Mais il est toutefois singulier de constater que les forces armées ne fassent pratiquement l’objet d’aucun débat, alors que les ressources qui leur sont affectées chaque année (plus de 31 milliards, hors pensions) constituent le troisième poste de dépenses de l’Etat, après l’Education (61 milliards) et les intérêts de la dette (48 milliards).

Photo : Illustration trouvée dans le manuel de savoir vivre à l’intention des futurs officiers. Bien évidemment, elle montre ce qu’il ne faut pas faire…

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