Une mission parlementaire fixe des bornes aux externalisations de certaines fonctions du ministère de la Défense

Pour que les armées puissent se concentrer sur leur « coeur de métier », c’est à dire l’opérationnel, et avec l’objectif de réaliser des économies, le ministère de la Défense a externalisé certaines fonctions qu’il assumait jusqu’alors, notamment dans les domaines de la restauration, de la formation, de l’entretien, de la maintenance des véhicules et même du transport aérien (par exemple, le contrat SALIS, avec l’achat d’heures de vol d’avions gros porteurs).

Cela a été rendu nécessaire avec la fin de la conscription, voilà maintenant 10 ans. Depuis, la part des externalisations dans le budget de la Défense est passée de 592 millions à 1,695 milliard d’euros en 2008, ce qui représente une progression de 186%. Pour autant, cette proportion est encore loin d’atteindre celle du ministère britannique de la Défense, qui est de 25%.

En 2008, il a été fixé quatre principes pour engager une externalisation. Ainsi, elle doit « préserver les intérêts des personnels tout en ne portant pas atteinte à « la capacité des armées à réaliser leur mission opérationnelle », « veiller notamment à la place des PME » et « dans la durée des gains économiques et budgétaires significatifs ».

Justement, sur ce dernier point, et après un rapport prudent rédigé par la Cour des comptes à la demande de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, la Mission parlementaire d’évaluation et de contôle (MEC) sur les externalisations dans le domaine de la Défense a recommandé, dans un document publié [pdf] la semaine passée, de ne pas externaliser certaines fonctions pour « satisfaire un besoin de trésorerie ».

L’un des rapporteurs du rapport, le député PS Bernard Cazeneuve, est allé plus loin en considérant que ces externalisations contribuent « à la désorganisation du ministère » sans que les « économies promises » soient prouvées. A contrario, son collègue, Louis Giscard d’Estaing (UMP), a estimé qu’elles sont « une source potentielle d’économies » et « d’amélioration du service rendu ».

Quoi qu’il en soit, le rapport recommande qu’une étude comparative « approfondie » soit menée et que ses résultats soient présentés aux « partenaires sociaux » avant toute décision concernant les projets d’externalisation. « Le ministère doit lever toute ambiguïté statistique et indiquer clairement combien de postes sont concernés par les externalisations et si ces postes viennent, comme le pense la mission, en sus des 54.000 suppressions annoncées dans le cadre des restructurations » des armées, ont par écrivent les auteurs du document.

D’ailleurs, les gains économiques des externalisations ne sont pas toujours évidents, notamment en raison du décret du 21 septembre 2010 qui impose à l’administration de financer la différence de traitement d’un agent mis à la disposition d’une entreprise bénéficiaire d’une fonction externalisée ou encore de l’acquittement de la TVA. Aussi, avant d’externaliser une fonction, les députés recommandent de rationaliser d’abord les services en régie (assurés par l’Etat) et de pousser davantage l’interarmisation, source d’importantes économies potentielles.

Le rapport met aussi en garde contre la tentation d’établir un partenariat public-privé (PPP) dans le domaine des satellites de communication. Le ministère de la Défense a un projet en la matière (opération Nectar), consistant à céder l’usufruit des satellites Syracuse à un opérateur privé, lequel revendrait les capacités non utilisées par les armées.

D’où l’avertissement de la MEC, qui « attire l’attention du gouvernement sur les dangers induits par une perte de compétence dans un domaine aussi technique et essentiel pour le caractère opérationnel des armées. A la lumière des expériences étrangères, notamment britanniques, ils constatent qu’une compétence perdue l’est généralement de manière irréversible ». Et de recommander l’abandon de cette opération, compte tenu « du risque réel d’une rentabilité négative ».

Les idées venues d’outre-Manche, souvent mise en avant pour justifier les réformes françaises, ne sont pas non plus à suivre, selon le rapport, dans le domaine du ravitaillement en vol, par ailleurs particulièrement sollicité pour les opérations en Libye. « Compte tenu des inconvénients liés à l’éventuelle externalisation du ravitaillement en vol, notamment au vu de l’expérience britannique et compte tenu du fait que la composante aéroportée de notre dissuasion stratégique repose sur le ravitaillement en vol, la Mission préconise fermement l’achat patrimonial de ravitailleurs MRTT » est-il écrit dans le document.

Enfin, la MEC recommande « la plus extrême prudence » à l’égard des Sociétés militaires privées (SMP), notamment pour les missions qui leur sont confiées et les agréments dont elles pouvent bénéficier.

Une autre limite aux externalisations serait le risque de voir une entreprise bénéficiaire d’un contrat être mise en liquidation judiciaire. C’est la mésaventure qu’a connue la société Vitruve DS, qui avait proposé au ministère de la Défense de mettre à disposition de l’Ecole des Troupes aéroportées de Pau (ETAP) un CASA 235, ce qui aurait permis de faire passer le coût unitaire d’un saut en parachute de 194 à 150 euros. Toutefois, ce projet avait été rejeté par l’Hôtel de Brienne en février dernier.

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