Ministère de la Défense : La piste Juppé

Le sort de l’actuel ministre de la Défense, Hervé Morin, semble scellé à l’approche du prochain remaniement ministériel, lequel fait couler beaucoup d’encre et de salive ces dernières semaines. Et plusieurs noms ont été avancés pour lui succéder.

Ainsi, il a été question d’Eric Woerth, actuellement au ministère du Travail. Cette hypothèse, soulevée dans un premier temps par le Nouvel Observateur, a de quoi susciter le scepticisme, étant donné que l’architecte de la réforme du système des retraites est aux prises avec l’affaire Bettencourt.

D’autres personnalités seraient également en lice. Cela est notamment le cas de Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’Etat en charge de la Prospective et du développement de l’économie numérique. Le fait d’avoir été auditrice à l’IHEDN plaide en faveur de cette polytechnicienne de 36 ans.

La candidature de Pierre Lellouche, le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, est à prendre en considération. Un temps représentant spécial de la France pour la région Af/Pak, il a notamment présidé l’Assemblée parlementaire de l’Otan entre 2004 et 2006. Le choix d’Hervé Mariton obéirait à une certaine logique puisque ce polytechnicien, atlantiste et ancien villepiniste est en charge des questions de défense à l’UMP. Le nom de Philippe de Villiers a été cité sur certains forums. D’ailleurs, son départ de la présidence du Conseil général de Vendée aurait été motivée, dit-on, par une entrée au gouvernement.

Mais, à la lecture de certains quotidiens du week-end, il se pourrait fort bien qu’aucune de ces pistes ne soient retenues. En effet, Le Figaro et Le Journal du Dimanche ont tous les deux donné le nom d’Alain Juppé pour remplacer Hervé Morin à l’Hôtel de Brienne. Avec une différence, toutefois, concernant leur « joker ». Ainsi, le quotidien évoque une possible arrivée de Xavier Bertrand, le patron de l’UMP, dans le cas où le maire de Bordeaux serait nommé à l’Ecologie. Et l’hebdomadaire dominical fait le pronostic, pour le moins surprenant, de Roselyne Bachelot. Pas sûr que les crocs roses s’accomodent forcément avec le kaki…

Si l’on en croit donc la presse parisienne, la piste d’Alain Juppé serait donc la plus probable. Officier de réserve de l’armée de l’Air, l’ancien Premier ministre de Jacques Chirac s’est exprimé à plusieurs reprises, au cours de ces dernières années, sur des questions de défense. Avec Michel Rocard, Alain Richard, l’ancien ministre de la Défense du gouvernement Jospin, et le général Norlain, il a plaidé pour un « désarmement nucléaire mondial » dans une tribune commune publiée par Le Monde en octobre 2009.

« La réussite de la non-prolifération est une nécessité première pour la paix, et elle repose sur des initiatives urgentes et beaucoup plus radicales des cinq puissances nucléaires reconnues par le traité de 1968. Elles doivent engager un processus conduisant de manière planifiée au désarmement complet, y associer pleinement les trois puissances nucléaires de fait, écarter tout projet de développement d’arme nouvelle, prendre plus d’initiatives et de risques politiques pour surmonter les crises régionales majeures » pouvait-on ainsi lire. Rappelons que le président Sarkozy a affirmé que la dissuasion nucléaire était « l’assurance vie de la nation » et qu’il n’était pas question pour la France de faire plus en matière de désarmement étant donné qu’elle avait déjà fait beaucoup dans ce domaine, notamment sous le gouvernement d’un certain… Alain Juppé.

Quant au retour de la France au sein du commandement militaire intégré de l’Otan, Alain Juppé avait estimé, en février 2009, qu’il fallait « y regarder à deux fois », alors que son gouvernement avait engagé un processus de rapprochement avec l’Alliance dès 1995. Cependant, l’affaire tourna court car, sans entrer dans les détails, Washington n’avait pas accepté les revendications françaises à l’époque.

En tant que chef de gouvernement (1995-1997), Alain Juppé a géré, avec le ministre de la Défense de l’époque, Charles Millon, l’une des plus importantes réformes des armées, avec la suspension de la conscription en 1996, ce qui s’est traduit par une nombre important de dissolution d’unités. Sur le plan industriel, il a tenté de privatiser le groupe Thomson, en cédant la branche défense à Matra (groupe Lagardère) et la partie électronique grand public (Thomson Multimedia) à Daewoo pour un euro symbolique, après une recapitalisation de 11 milliards de francs. Finalement, l’opération ne s’est pas faite, Thomson CSF étant devenu, en 2000, Thales, après le rachat du britannique Racal Electronics et Thomson Multimedia ayant pris le nom de Technicolor en 2010.

Enfin, Alain Juppé a eu à s’impliquer dans des affaires délicates sur le plan international lorsqu’il était le ministre des Affaires étrangères du gouvernement d’Edouard Balladur (1993-1995). Son passage au Quai d’Orsay a été salué par bon nombre d’observateurs, de gauche comme de droite. Il aura eu notamment à s’occuper de l’affaire rwandaise, ce qui l’a conduit à défendre l’idée d’une intervention militaire (opération Turquoise, décidée par la résolution 929 du Conseil de sécurité des Nations unies) ainsi que de la situation dans les Balkans, et, en particulier, en Bosnie-Herzégovine.

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