Un officier canadien radié de l’armée pour avoir achevé un insurgé blessé en Afghanistan

Les faits remontent au 19 octobre 2008, dans la province du Helmand, en Afghanistan. Ce jour-là, le capitaine Robert Semrau, des Forces armées canadiennes, est en en patrouille avec des soldats afghans qu’il est chargé de former lorsque des insurgés ouvrent le feu. L’intensité de l’accrochage oblige l’aviation américaine à intervenir pour un appui au sol.

A l’issue des combats, les soldats afghans progressent à nouveau et découvrent un insurgé, qui, atteint par les tirs d’un hélicoptère, est grièvement blessé. Et le capitaine Semrau lui donne le coup de grâce. Le corps du rebelle est laissé sur place et il ne sera jamais récupéré.

Mais cette affaire n’en reste pas là pour l’officier canadien puisqu’il est accusé par la justice militaire de son pays de meurtre non prémédité, de tentative de meurtre et de conduite déshonorante et de négligence dans l’exécution d’une tâche. De quoi lui valoir 25 ans de prison.

Pour sa défense, l’officier a indiqué avoir voulu abréger les souffrances du blessé. Et cela a été confirmé par le capitaine afghan Shafigullah, qui faisait partie de la patrouille au moment des faits. « Ses jambes (ndlr, du blessé) étaient sectionnés. Ses intestins étainet exposés. Il respirait difficilement (…) Ses chances de survie étaient nulles. Il pouvait mourir d’ici 5 à 10 minutes » a-t-il ainsi déclaré aux membres du tribunal qui avaient fait le déplacement en Afghanistan pour recuillir son témoignage.

Finalement, au terme d’un procès qui aura duré près de 7 mois, le juge militaire, le lieutenant-colonel Jean-Guy Perron, a rendu son verdict le 5 octobre dernier.

Après avoir évoqué les qualités du capitaine Semrau, décrit comme étant un officier exemplaire et courageux, le juge a estimé que son geste « n’était pas dans sa nature » mais qu’il ne diminuait pas pour autant la « gravité » de sa faute.

« Vous avez personnellement échoué à obéir à l’un de nos plus importants principes : celui de l’utilisation de la force en accord avec des ordres légitimes » a déclaré le juge militaire. « Nous avez pu être déchiré entre vos valeurs morales personnelles et vos devoirs en tant que soldat canadien » a-t-il poursuivi. Mais étant donné que le capitaine était « en position d’autorité », le lieutenant-colonel Perron a demandé « comment peut-on s’attendre à ce que nos soldats respectent les règles de la guerre si nos officiers ne le font pas? ».

Rappelant, par ailleurs, l’illégalité du suicide assisté au Canada, le juge a donc condamné le capitaine Semrau à la radiation de l’armée et à être rétrogradé au rang de sous-lieutenant, alors que l’accusation avait demandé la démobilisation de l’officier et une peine de deux ans de prison.

Pour le brigadier général Gaston Côté, actuellement en retraite et cité par Radio Canada, les militaires doivent « obéir aux conventions de Genève qui demandent justement à ce que l’on prenne soin des ennemis blessés de la même façon que si c’était l’un de nos propres soldats ».

Selon les Conventions de Genève, peuvent être considérées comme prisonniers de guerre les personnes appartenant à un « mouvement de résistance » pourvu que ce dernier ait à sa tête une personne responsable pour ses subordonnés, porte ouvertement les armes, dispose d’un signe distinctif reconnaissable à distance et se conforme, dans ses opérations, aux lois et aux coutumes de la guerre.

Au moment de l’ouverture de la prison de Guantanamo, l’administration Bush avait décidé d’appliquer la convention de Genève relative au prisonniers de guerre aux combattants taliban capturés en Afghanistan mais pas aux membres d’al-Qaïda, considérés alors comme des mercenaires.

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