Afghanistan : Transition prévue pour 2014 et négociations en vue avec les insurgés

Les premiers fruits de la stratégie de l’Otan en Afghanistan sont attendus d’ici à la fin de l’année, voire en 2011. D’ailleurs, à Paris, le ministre de la Défense, Hervé Morin, a récemment indiqué, lors d’une audition à l’Assemblée nationale, que l’objectif est de pouvoir commencer à transférer la sécurité des zones actuellement sous responsabilité française à l’armée nationale afghane à partir de l’an prochain.

Mais plus globalement, le président afghan, Hamid Karzaï, s’est dit déterminé à ce que ses forces de sécurité soient en mesure d’assumer la sécurité sur l’ensemble du territoire et d’y conduire des opérations militaires d’ici à la fin 2014. C’est en tout ce qu’il a affirmé lors de la Conférence internationale sur l’Afghanistan, qui s’est tenue le 20 juillet à Kaboul.

Pourtant, le président Barack Obama a d’ores et déjà annoncé que le début du retrait des forces américaines déployées en Afghanistan commencerait en juillet 2011. « Cette date est le début d’une nouvelle phase, pas la fin de notre implication » a expliqué Hillary Clinton, la secrétaire d’Etat.

« Cette transition ne se fera pas sur la base d’un calendrier artificiel. Elle se fera sur la base d’évaluations claires de la situation politique et militaire dans chaque région et, partout où elle sera appliquée, elle sera irréversible » a, pour sa part, estimé Anders Fogh Rasmussen, le secrétaire général de l’Otan, dans une tribune publiée par le quotidien Le Monde.

Par ailleurs, les participants à cette Conférence internationale ont salué et appuyé « le principe du Programme pour la paix et la réconciliation en Afghanistan », qui concerne les insurgés qui renonceraient à la lutte armée et qui n’auraient pas « de liens avec des organisation terroristes internationales ». Il s’agit d’encourager les combattants qui ont rejoint l’insurrection pour des raisons financières et non idéologiques.

Cependant, et si l’on en croit les informations du quotidien britannique The Guardian, cette réconciliation pourrait inclure de hauts responsables du mouvement taleb. Déjà, Kaboul a déjà eu des discussions avec certains cadres, dont le mollah Baradar, l’ancien numéro deux du mollah Omar, arrêté au début de l’année au Pakistan. Selon al-Jazeera, des contacts auraient été établis aux Seychelles avec des représentants du réseau Haqqani, très actif dans l’est de l’Afghanistan et soutenu par les services de renseignements pakistanais. Enfin, des négociations ont eu lieu avec des représentants du Hezb-e-Islami, le mouvement du seigneur de guerre Gubbuldin Hekmaktyar.

« La solution militaire n’existe plus (…) ce qui veut dire que nous devons trouver autre chose » a estimé un responsable de la Maison Blanche, cité par le quotidien britannique. Au Congrès américain, le scepticisme est également de mise. « Beaucoup se demandent si nous suivons la bonne stratégie. Certains suggèrent que la cause est perdue. C’est le moment de poser les questions difficiles » a déclaré John Kerry, le président de la Commission des Affaires étranègères au Sénat.

Cela étant, Washington poserait trois conditions pour commencer d’éventuelles négociations : la rupture avec al-Qaïda, le renoncement à la violence et le respect de la Constitution afghane.

Ce possible revirement à l’égard des chefs taliban contredit le secrétaire général de l’Otan, selon qui « l’engagement militaire va dans la bonne direction », malgré « des pertes trop lourde » qui sont « le résultat des renforts de la coaltion envoyés sur le terrain, ce qui suppose plus de combats et plus de pertes pour déloger les taliban de leurs fiefs dans la province du Helmand et de Kandahar ». « Les taliban savent que s’ils perdent ces fiefs, ils perdront tout. C’est pourquoi ils contre-attaquent durement, ce qui entraîne et entraînera malheureusement plus de pertes dans les rangs de la coalitoon, dans les semaines et les mois prochains » a-t-il encore estimé lors d’une déclaration faite à Kaboul, le 19 juillet.

Quoi qu’il en soit, si des négociations avec les responsables taliban doivent avoir lieu, elles risquent de prendre du temps. D’après The Guardian, le Pakistan – qui soutient les taliban afghans, ou qui ne font pas grand chose contre ceux qui sont réfugiés sur son territoire – et l’Arabie Saoudite, pourraient servir d’intermédiaires.

Cette solution n’est pas nouvelle. C’est celle que préconise le chercheur Gilles Dorronsoro, un chercheur reconnu spécialiste de l’Afghanistan. « Je dis qu’il faut essayer de négocier, parce que nous n’avons pas d’autre choix. Nous sommes en train de perdre la guerre. Il n’y a plus de stratégie américaine si ce n’est une stratégie médiatique, comme on l’a vu lors de l’offensive sur Marjah dans le Helmand (*). Il n’y a pas de vrai plan sur Kandahar. Compte tenu de cette situation, il n’y a pas d’autre solution que de négocier une porte de sortie qui préserve nos intérêts vitaux, notamment le non-retour d’Al-Qaeda. Je ne vois pas de plan B » avait-il récemment déclaré dans les colonnes de l’Express.

(*) Les résultats de l’opération Mushtarak, qui s’est déroulé à Marjah et dans le district de Nad-e-Ali sont constrastés. La situation reste précaire dans la première zone tandis qu’elle s’améliore dans la seconde. C’est du moins ce qu’a indiqué une récente étude du Royal United Service Institute britannique.

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