La Corée du Nord obtient gain de cause

Selon l’édition du 9 octobre du journal sud-coréen Chosun Ilbo, qui s’est appuyé sur des informations émanant de services de renseignements sud-coréens et américains, la Corée du Nord aurait été sur le point de tirer une dizaine de missiles à partir d’un îlot situé au nord du pays. Le même jour, Pyongyang a interdit l’accès des installations du complexe nucléaire de Yongbyon aux inspecteurs de l’Agence internationale à l’énergie atomique (AIEA). La veille, le chef d’état-major sud-coréen avait par ailleurs avancé que Pyongyang était en train de mettre au point « une petite ogive nucléaire ».

Toutes ces informations faisaient suite à la décision du régime nord-coréen, prise le 26 août, de suspendre le processus de dénucléarisation qu’il avait entamé après un accord signé en février 2007 avec les Etats-Unis, la Chine, la Corée du Sud, la Russie et le Japon. Après avoir fourni un inventaire de ses activités nucléaires en juin dernier et annoncé le démantèlemement du complexe de Yongbyon, Pyongyang s’attendait à ne plus faire partie de la liste américaine des Etats soutenant le terrorisme dès le 11 août dernier, ce qui ne fût pas le cas.

Or, depuis samedi dernier, Washington a décidé de retirer la Corée du Nord de cette liste noire, sur laquelle elle figurait depuis le 20 janvier 1988 pour des soupçons portant sur sa responsabilité dans l’explosion en vol d’un avion de ligne sud-coréen, l’année précédente. L’inscription d’un Etat sur ce registre américain, mis en place en 1979, bloque l’accès de l’impétrant aux mécanismes de financement internationaux et lui impose des sanctions commerciales, en vertu du Trading with Enemy Act qui oblige les Etats-Unis à s’opposer à tout commerce et à tout crédit que des institutions internationales sont susceptibles d’accorder.

Si cette décision s’explique par la volonté de l’administration Bush de quitter le pouvoir sans avoir obtenu une avancée sur ce dossier, il n’en reste pas moins qu’elle ne fait pas l’unanimité, même si un compromis sur les modalités de contrôle des sites nucléaires nord-coréens (accès à toutes les installations déclarées, « consentement mutuel » pour celles qui ne le sont pas, analyses d’échantillons pris sur place, etc…).

En effet, et contrairement à la Corée du Sud, le Japon a estimé « extrêmement regrettable » la décision américaine. Jusqu’à présent, Tokyo s’est toujours opposé au retrait de la Corée du Nord de la liste des Etats soutenant le terrorisme en raison de l’affaire des rapts, au cours des années 1970 et 1980, de citoyens japonais par Pyongyang pour former des agents secrets à la langue et à la culture nipponnes. « J’estime que les enlèvements sont comparables à des actes terroristes » a déclaré le ministre japonais des Finances, Shoichi Nakagawa.

L’opposition à la décision prise par l’administration Bush vient du propre camp de l’actuel locataire de la Maison Blanche. Ainsi, pour le néo-conservateur John Bolton, l’ancien représentant des Etats-Unis à l’ONU, cet accord est « pathétique ». Candidat républicain à l’élection présidentielle américaine de novembre prochain, John McCain a reproché à George W. Bush d’avoir cherché « un accord à tout pris », pendant que son adversaire démocrate, Barack Obama s’est montré plus en retrait en parlant de « modeste pas. »

Quoi qu’il en soit, et au vu de l’expérience passée, rien ne dit en l’état actuel des choses que le dénucléarisation de la Corée du Nord est acquise. Elle pourrait être remise en cause, par exemple, par un changement à la tête du régime de Pyongyang. Et comme la menace de reprendre des activités nucléaires a finalement bien marché, il pourrait être tentant d’y recourir à nouveau pour obtenir d’autres concessions.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]