Le ministère des Armées a l’intention d’effectuer une étude « technico-opérationnelle » sur un avion spatial

Le projet de Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30, qui sera débattu en séance publique, à l’Assemblée nationale, le 22 mai, prévoit un investissement de 10 milliards d’euros [sur une enveloppe globale de 413 milliards, ndlr] en matière de recherche et de développement, l’objectif étant de « réussir des sauts technologiques ».

« L’innovation vise, entre autres choses, à offrir aux armées la maîtrise des nouveaux champs de conflictualité [espace, fonds marins, champ informationnel, cyber] à l’horizon 2030, que ce soit en captant des technologies et des capacités civiles ou en explorant des nouvelles technologies de rupture », est-il ainsi avancé dans le rapport mis en annexe du projet de LPM, sans plus de détails sur les axes d’effort envisagés.

Cependant, le gouvernement a l’intention de corriger ce texte via l’amendement n°302, déposé le 17 mai dernier. Amendement qui précise les « axes prioritaires » du ministère des Armées en matière d’innovation, tout en prévenant qu’ils sont « susceptibles d’évoluer au gré des ruptures technologiques ».

Sans surprise, les armes à énergies dirigées [laser] sont citées, de même que l’hypervélocité [les armes hypersoniques, ndlr], l’incontournable intelligence artificielle, laquelle servira notamment à mettre au point des systèmes autonomes [robots, essaims de drones, etc], la furtivité et les technologies quantiques [capteurs, informatique, etc]. Il y est aussi question de « spectre électromagnétique » et de « guerre électronique étendue ». À noter que les recherches éventuelles sur le « soldat augmenté », la convergence « neuroscience/numérique » ou encore les métamatériaux ne sont pas citées.

« Ces thématiques prioritaires seront portées par des démonstrateurs d’envergure parmi lesquels un drone sous-marin océanique, un véhicule d’action dans l’espace en orbite basse, ou encore un satellite à imagerie hyperspectrale », est-il précisé dans cet amendement.

Parmi ces projets, le drone sous-marin océanique, comme le DSMO de Naval Group, a déjà été cité dans le Document de référence de l’orientation de l’innovation de défense [DrOID], publié en 2022 par l’Agence de l’Innovation de Défense [AID].

Mais les domaines d’innovation cités dans cet amendement ne s’arrêtent pas là… En effet, il est question de mener des « analyses technico-opérationnelles » dans d’autres thématiques, dont les systèmes de protection active, le chiffrement post-quantique, les nouveaux modes de propulsion [hydrogène, biocarburants] et les canons électromagnétiques. Et cette liste se termine par deux surprises puisqu’elle mentionne un « hélicoptère de combat du futur », qui serait probablement le successeur du Tigre, dont la mise au standard 3 a été reportée [si ce n’est annulée], ainsi qu’un « avion spatial ».

L’idée de développer un avion [ou un drone] spatial dédié aux opérations militaires est sur la table depuis plusieurs années maintenant. Elle avait été défendue par Éric Trappier, le Pdg de Dassault Aviation, en 2018. « Qui contrôle l’espace, contrôlera ce qu’il y a en dessous. Il faudra être dans l’espace avec très certainement des avions spatiaux à un horizon de 15 à 20 ans « , avait-il en effet affirmé lors d’une conférence donnée devant l’association des Centraliens.

Puis elle avait été reprise par le général Philippe Lavigne, alors chef d’état-major de l’armée de l’Air & de l’Espace, ainsi que par les députés Jean-Louis Thiériot et Benjamin Griveaux, dans un rapport publié en 2020 au sujet de la relance de la Base industrielle et technologique de Défense [BITD] dans le contexte de la pandémie de covid-19. Alors directeur de l’AID, le Délégué général pour l’armement [DGA], Emmanuel Chiva, évoqua des discussions à se sujet avec Dassault Aviation en novembre 2021, à l’occasion d’un entretien donné à La Tribune.

En janvier dernier, alors que les arbitrages pour le projet de LPM était encore en cours, le général Philippe Adam, le « patron » du Commandement de l’Espace [CDE] confia aux députés de la commission de la Défense que les « avions spatiaux » faisaient l’objet d’une réflexion, notamment pour placer des charges en orbite. « On récupère ce qui rentre, on remet un coup de peinture, on le remplit de carburant et on le renvoie » et « le modèle économique est bien plus intéressant et tire les prix de lancement vers le bas », avait-il plaidé, insistant sur la « flexibilité » offerte par un tel système.

Et d’ajouter : « C’était l’idée de la navette spatiale, qui avait été abandonnée avec Hermès, mais qui reprend sérieusement de l’intérêt parce que la technologie le permet, que les usages sont probablement différents, et que cela se fera de façon plus automatisée – pas forcément pilotée comme peuvent l’être des drones ».

Photo : Dassault Aviation

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