Le général Schill écarte l’hypothèse d’une solution intermédiaire pour remplacer les chars Leclerc
La décision de l’état-major russe d’envoyer en Ukraine des chars T-62, conçus il y a une soixantaine d’années, a suscité bien des sarcasmes… Pourtant, ce sera l’âge qu’aura le Leclerc en 2045/50, s’il n’est pas remplacé d’ici-là…
Or, le successeur du Leclerc doit être développé dans le cadre du programme franco-allemand [MGCS – Main Ground Combat System / Système principal de combat terrestre], lequel connaît quelques difficultés en raison de désaccords entre les industriels impliqués.
En avril, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, avait fait part de son inquiétude devant le retard pris par ce projet. Mais lors de sa dernière audition au Sénat pour évoquer le projet de Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30, il a fait état « d’avancées » après avoir abordé le sujet avec Boris Pistorius, son homologue allemand.
« Au moment où je vous parle, les armées de Terre des deux pays sont en train de se parler pour s’accorder sur les attendus du projet : cavalerie blindée horizon 2040, téléopérable à distance, rapport aux drones autour du char, interconnexion et connectivité, etc », a dit M. Lecornu, le 3 mai. Et d’annoncer qu’une « ministérielle » avec M. Pistorius se tiendra avant le 14 juillet pour aborder le MGCS.
Ce dialogue entre les états-majors avait pourtant été engagé peu après le lancement du programme MGCS.
« Le char de bataille est un élément structurant de l’armée de terre allemande, et les Allemands sont sensibles aux questions de l’armement principal de cet engin, de sa motorisation et de sa protection », avait en effet déclaré le général Jean-Pierre Bosser, alors chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT]. « Mon objectif initial est que nous nous mettions d’accord sur le besoin militaire dans un premier temps », avait-il ajouté… Et nous étions en… novembre 2018.
Quoi qu’il en soit, le retard du MGCS pourrait conduire à adopter une solution intermédiaire. A priori, c’est la voie qu’entend emprunter Berlin, avec la commande annoncée de chars Leopard 2A8. En France, le débat est ouvert… Le Pdg de Nexter, Nicolas Chamussy ayant défendu l’option de l’EMBT [produit avec Krauss-Maffei Wegmann] pour faire le pont entre le Leclerc et le char franco-allemand du futur.
« Il faudra une solution intermédiaire, d’une manière ou d’une autre, pour succéder au char Leclerc. Solution qui s’impose petit à petit, du fait du contexte ukrainien et de l’arrivée de chars avec de nouvelles capacités », a-t-il en effet soutenu devant les députés de la commission de la Défense, le 4 mai.
Mais tel n’est pas le point de vue du général Pierre Schill, l’actuel CEMAT. Et il s’en est expliqué lors d’une audition à l’Assemblée nationale [et dont le compte-rendu vient d’être publié].
« En ce qui concerne les chars, se posent une question de court terme et une autre de moyen terme. À court terme, les 200 Leclerc de notre parc doivent continuer à combattre dans les forces terrestres durant les prochaines années. La question de savoir ce que nous devons faire pour cela n’est pas complètement détachée du système principal de combat terrestre », a-t-il d’abord affirmé.
« Nous travaillons, notamment avec notre partenaire allemand, à la question de moyen terme, à savoir le système de chars qui entrera en service à l’horizon de 2040. Indépendamment du développement industriel, le programme MGCS nous permet de travailler sur ce que seront les caractéristiques du système de chars futur et les briques technologiques nécessaires », a ensuite poursuivi le CEMAT, pour qui la partie robotisée de ce programme est l’une des raison du retard actuel. « C’est plutôt à l’horizon de 2045-2050 qu’à l’horizon de 2040 que nous disposerons d’un engin robotisé sur Terre réellement opérationnel, contribuant au combat », a-t-il précisé.
Dans ces conditions, a continué le CEMAT, « mon objectif de court terme est donc de prolonger les Leclerc jusqu’en 2040 ou 2045 » car « j’estime qu’il est possible de le faire en les modernisant, notamment en numérisant la tourelle, en modifiant le viseur et en pérennisant le moteur ».