ALAT : Le chef d’état-major de l’armée de Terre confirme la suspension du programme Tigre Mk3

En mars 2022, la France et l’Espagne lancèrent le programme visant à porter l’hélicoptère d’attaque Tigre au standard Mk3… mais avec une ambition revue à la baisse en raison du désistement de l’Allemagne. Ainsi, Paris devait investir 2,8 milliards d’euros pour moderniser 42 appareils sur les 67 en dotation au sein de l’Aviation légère de l’armée de Terre [ALAT] tandis que Madrid entendait débloquer une enveloppe de 1,18 milliard pour en faire de même avec 18 exemplaires.

Le contrat de développement du standard 3 du Tigre fut ainsi notifié par l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement [OCCAr] Airbus Helicopters, associé notamment à Thales, Safran et MBDA. L’enjeu était alors de maintenir cet hélicoptère au meilleur niveau opérationnel au-delà de 2050, en l’adaptant au combat collaboratif [avec la capacité de contrôler des drones] et en lui permettant d’emporter des missiles Akeron HT [ex-missile haut de trame]. Et l’ALAT devait recevoir ses premiers appareils ainsi modernisés en 2029.

Seulement, un an plus tard, l’avenir du Tigre Mk3 semble compromis, le rapport mis en annexe du projet de Loi de programmation militaire 2024-30 ne l’ayant pas cité. Cela étant, ce document est flou sur le format qu’aura l’ALAT en 2030 [ainsi qu’en 2035]. Aussi, l’audition du général Pierre Schill, chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT], par les députés de la commission de la Défense était-elle attendue afin d’obtenir quelques précisions.

Lors de celle-ci `[son compte-rendu vient d’être publié], le général Schill a ainsi confirmé que le programme Tigre Mk3 sera reporté, comme l’avaient suggéré les rumeurs ayant circulé avant la publication du projet de LPM 2024-30.

D’abord, s’agisant du format de l’ALAT, le général Schill a déclaré que celle-ci « réalisera sa mue depuis des parcs hétérogènes vers des parcs modernes et homogène par segment [hélicoptères de manœuvre, hélicoptères de reconnaissance et d’attaque] » au cours de la période 2024-30.

Ainsi, il est prévu la livraison de 20 NH-90 Caïman TTH, dont 18 au standard « Forces spéciales » et celle des 18 premiers Hélicoptères interarmées légers [HIL ou Guépard] à l’horizon 2030, afin de remplacer « progressivement le parc des Gazelle ». Ce qui suggère que ce type d’hélicoptère d’attaque restera en service jusqu’en 2035. Pour rappel, l’ALAT en comptait encore 87 au 1er juillet 2021.

En outre, le CEMAT n’a pas exclu une « diminution temporaire » du format de l’ALAT quand le retrait des hélicoptères de manoeuvre Puma sera décidé. « Nous reverserons donc à l’armée de l’air huit Caracal, de façon à unifier les flottes : l’armée de l’Air [et de l’Espace] aura tous les Caracal, quand nous aurons tous les COUGAR et les NH90 », a-t-il dit.

S’agissant des Tigre, le général Schill a indiqué que les 13 derniers exemplaires portés au standard HAD [appui et destruction] seront livrés.

Pour rappel, la décision de transformer la trentaine de Tigre HAP [appui et protection] que possédait alors l’ALAT en Tigre HAD fut prise en 2015. Ce programme est arrivé à mi-parcours en décembre 2022, avec la livraison du 19e appareil.

Dans le même temps, il avait également été décidé de porter les Tigre au standard 2. À cette fin, et pour le compte de la France, l’OCCAr avait notifié des contrats à Airbus Helicopters et TDA Armements [intégré depuis à Thales LAS] en décembre 2016.

« Ces contrats couvriront les activités de développement, de production et de soutien nécessaires à la mise à niveau d’une flotte de 24 HAD français vers la configuration Mark II. La première livraison est prévue pour mi-2020. La production durera jusqu’à fin 2023 », avait expliqué l’OCCAr à l’époque. Et d’ajouter que cette modernisation porterait sur l’intégration de roquettes à guidage laser ACULEUS de 68 mm [commandées à Thales par la DGAen 2016, ndlr], d’un nouveau récepteur GPS et d’une antenne diagramme de rayonnement contrôlé [CRPA] « TopShield ».

Ce programme a pris du retard, l’expérimentation technico-opérationnelle [EXTO] du Tigre Mk2 n’ayant été achevée par le Groupement aéromobilité de la Section technique de l’armée de Terre [GAMSTAT] qu’en octobre 2021.

Or, d’après le général Schill, les 67 Tigre de l’ALAT seront tous portés au standard 2 d’ici 2030. « L’évolution de ces appareils vers un standard ultérieur est actuellement en discussion, notamment avec les Espagnols, avec lesquels nous sommes associés dans ce programme », a-t-il dit aux députés.

« Nous devrons aussi tenir compte des éléments que nous fournira le conflit en Ukraine pour préciser les conditions d’emploi de ces hélicoptères, en fonction notamment de l’évolution de la capacité des drones aériens, car les hélicoptères qui succéderont au Tigre standard 2 auront consubstantiellement la capacité de guider certains drones aériens ou d’opérer avec eux », a ensuite expliqué le CEMAT.

À ce propos, évoquant les drones et les intentions de l’ALAT au sujet du Guépard, le général Schill a expliqué que la « question centrale sera de savoir quelle est la part des plateformes pilotées et celle des plateformes non pilotées ».

« La brigade d’aérocombat, composée d’hélicoptères modernisés, qui peut être engagée de nuit très près du sol, est une des pépites des capacités de l’armée de Terre française », a-t-il poursuivi, avant d’estimer que « ce que nous observons en Ukraine ne remet pas en cause la capacité des forces aéromobiles à agir dans les intervalles et contre les arrières de l’ennemi, en particulier de grandes unités en mouvement ».

Aussi, a continué le CEMAT, « nous consoliderons cette force au cours des prochaines années ». Cependant, a-t-il conclu, il « n’est pas exclu que, du fait des évolutions rapides en matière de défense sol-air, de défense antidrones et de l’ensemble de cette dimension multicouches, la question se pose pour la génération suivante : nous ne savons pas quelle sera la situation à l’horizon de 2035-2040 ».

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