L’US Navy souhaite développer des synergies entre ses F-35C et les Rafale de la Marine nationale

Cette semaine, le chef d’état-major de la Marine nationale [CEMM], l’amiral Pierre Vandier, s’est rendu aux États-Unis pour voir de plus près les technologies que développe l’US Navy et déterminer celles qui pèseront dans « la guerre navale de demain ».

Ainsi, à San Diego [Californie], le CEMM a eu l’opportunité de visiter le « destroyer » USS Monsoor, de la classe Zumwalt, un navire de 15’500 tonnes mis en oeuvre par un équipage réduit de à 130 marins, grâce à une automatisation poussée, et capable de produire suffisamment d’énergie pour alimenter l’équivalent de 78’000 foyers…. et éventuellement mettre en oeuvre des armes élecromagnétiques.

Ayant la signature radar d’un bateau de pêche malgré ses dimensions imposantes [186 mètres de long pour 24,4 mètres de large, ndlr], un « destroyer » de la classe Zumwalt est doté de 80 cellules de lancement vertical pour des missiles de croisières Tomahawk, anti-navires Harpoon, anti-sous-marins et anti-missiles [IM-161 SM-3 et RIM-162 Evolved SeaSparrow – ESSM]. Seulement trois navires ont été construits pour 22,5 milliards de dollars… alors que l’US Navy devait initialement en disposer 24 exemplaires.

Au-delà la visite de l’USS Monsoor, l’amiral Vandier s’est surtout intéressé « aux navires de surface autonome, aux nouveaux systèmes de communication discrets, à la furtivité et au développement logiciel sécurisé avec les technologies du ‘Cloud' ».

En matière de navires autonomes, la marine américaine a pris un temps d’avance, notamment avec le Sea Hunter [qui a visiblement inspiré son homologue chinoise, celle-ci ayant récemment testé en un bateau au profil quasiment identique], le programme « Ghost Fleet Overlord », la création de la « Task Force 59″ au sein de sa cinquième flotte et de l' »Unmanned Surface Vessel Division » [USVDIV], intégrée à sa flotte du Pacifique.

« Avec la Direction générale de l’armement [DGA], nous essayons de faire les bons choix pour trouver le ‘mix’ idéal. Ne pas sombrer dans le ‘tout techno’ mais faire les bons choix pour demain afin de rester interopérables avec nos alliés », a expliqué l’amiral Vandier, via Twitter.

En matière de navires autonomes, la Marine nationale est dans la course, avec le Système de Lutte Anti-Mines navales Futur [SLAM-F] et les projets relatifs aux grands fonds marins. L’amiral Vandier entend-il aller plus loin, alors que des industriels français s’y intéressent de près [comme, par exemple, le groupe SeaOwl] et que la France a rejoint une initiative de l’Otan visant à mettre au point des « systèmes navals sans équipage »?

Quoi qu’il en soit, et d’après les confidences qu’il a faites à la presse d’outre-Atlantique alors qu’il était reçu par l’amiral Mike Gilday, son homologue américain, l’amiral Vandier a surtout insisté sur les technologies ayant trait au numérique en général et au traitement de données massives [Big Data] en particulier, domaine où, a-t-il dit, « de nombreux pays européens sont en retard ». Et d’ajouter : « Nous devons faire les bons choix à l’avenir pour être interopérables dans la gestion d’énormes quantités de données. »

Justement, à ce propos, l’amiral Gilday a rappelé que Lloyd Austin, le chef du Pentagone, a demandé à l’US Navy de travailler avec ses proches partenaires sur les « opportunités de partage d’informatons et de transfert de technologie ». Un « bon exemple », a-t-il continué, serait « d’apprendre à exploiter les avions de combat F-35 et les vastes quantités de données qu’ils collectent avec les chasseurs Rafale de quatrième génération de la marine française ».

Jusqu’à présent, le porte-avions Charles de Gaulle n’a pas l’opportunité d’opérer aux côtés d’un groupe aéronaval américain doté de F-35C, le premier déploiement opérationnel de cet appareil ayant commencé en août 2021, à bord de l’USS Carl Vinson, engagé dans région Indo-Pacifique. Mais ce n’est qu’une question de temps pour que cela arrive.

Aussi, pour l’amiral Gilday, les groupes aéronavals français et américains devraient « s’assurer qu’ils tirent collectivement le meilleur parti des données auxquelles ils ont accès ». Et cela est aussi valable avec les Britanniques, qui disposent également de F-35B.

Cela étant, un F-35C peut échanger des données avec un Rafale Marine grâce à la Liaison 16 [ou L16]. Seulement, celle-ci peut être détectée par un adversaire potentiel, ce qui ferait perdre à l’appareil américain l’un de ses principaux atouts, c’est à dire sa furtivité.

Aussi, il faudrait une « passerelle » de communication entre la L16 et le MADL [Multi Function Advanced Data Link], le système de liaison de données qui permet à des F-35 de communiquer entre eux en toute discrétion. Ce défaut d’interopérabilité est aussi un souci pour l’armée de l’Air & de l’Espace, qui en a fait un enjeu prioritaire.

Quoi qu’il en soit, ce sujet fait certainement partie du « plan stratégique d’interopérabilité » que la Marine nationale et l’US Navy ont approuvé en décembre dernier.

« Ce plan, fruit d’un travail initié il y a deux ans, fixe des objectifs précis destinés à améliorer continuellement, pendant les 20 prochaines années, l’interopérabilité entre les deux marines et comporte notamment un effort ciblé sur le haut du spectre opérationnel : maitrise des espaces océaniques et projection de puissance. Il facilite les contacts entre les états-majors et prévoit l’établissement du cadre autorisant l’échange d’informations et de données classifiées », avait expliqué la Marine nationale, au moment de sa signature.

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