Porte-avions : Les catapultes électromagnétiques manquent encore de fiabilité, selon un rapport

En décembre, à l’occasion d’une visite du président Macron au site de Framatome au Creusot, il a été confirmé que le porte-avions de nouvelle génération [PA-NG] serait propulsé par deux chaudières nucléaires K22 tout en étant doté de catapultes électromagnétiques [EMALS – ElectroMagnetic Aircraft Launching System], lesquelles succéderont donc à celles à vapeur qui équipent actuellement le « Charles de Gaulle ».

Normalement, et même si cela n’a pas été précisé, le dispositif d’arrêt hydraulique, qui met en oeuvre les brins que les aéronefs doivent accrocher au moment d’apponter, devrait laisser la place à l’Équipement d’arrêt avancé [AAG – Advanced Arresting Gear], dont le fonctionnement repose sur un moteur électrique à induction couplé à des turbines hydrauliques. Ce système exigerait moins de maintenance et donnerait plus de souplesse aux opérations aériennes. Comme les EMALS que l’on trouve à bord de l’USS Gerald Ford, qui inaugure une nouvelle classe de porte-avions aux États-Unis.

Ces dernières reposent sur un moteur à induction linéraire. Des courants électriques de part et d’autre d’un rail de catapultage générent un champ magnétique qui va mettre en mouvement un chariot mobile sur lequel est fixé l’aéronef. L’alimentation du moteur est ajustée à la masse de l’appareil qui doit être catapulté.

Théoriquement, les catapultes électromagnétiques permettent de faire décoller des avions et des drones davantage chargés en carburant et en munitions, d’augmenter la fréquence des catapultages et de réduire les contraintes mécaniques. Le tout avec une maintenance réduite.

En février 2020, l’US Navy indiqua que les catapultes éléctromagnétiques et le dispositif AAG, fournis par General Atomics et qui représentent 25% du coût de l’USS Gerald Ford [13,5 milliards de dollars, nldr] allaient être qualifiés.

Sauf que, quatre mois plus tard, le système EMALS du nouveau porte-avions tomba en panne. « Le défaut est apparu dans le système de gestion de l’énergie, lors d’une réinitialisation manuelle du système », avait alors expliqué la marine américaine, via un communiqué.

Les choses rentrèrent apparemment dans l’ordre puisque, en septembre, un C-2A Greyhound eut le « privilége » d’effectuer le 4.000e catapultage depuis le pont d’envol de l’USS Gerald Force… Et un avion d’entraînement T-45C Goshawk eut celui d’effectuer le 4.000e appontage.

Pour autant, le directeur des tests opérationnels et de l’évaluation du Pentagone [DOT&E, Director, Operational Test & Evaluation Office], Robert F. Behler, est loin d’être satisfait de la performance des systèmes EMALS et AAG. En 2018, il avait déploré leur faible fiabilité… Et, trois ans plus tard, il a formulé le même reproche, dans un rapport auquel l’agence Bloomberg a eu accès.

« La fiabilité médiocre ou inconnue des nouveaux systèmes technologiques essentiels pour les opérations aériennes, dont les EMALS et l’AAG, pourrait nuire à la capacité de l’USS Gerald Ford à générer des sorties [aériennes] », a écrit le DOT&E.

Normalement, le système EMALS doit être en mesure d’assurer 4.166 catapultages avant de connaître éventuellement des problèmes techniques. Or, il en a eu… à 181 lancements. Ce qui est « bien en deçà des exigences », souligne Robert Belher, dont l’évaluation couvre 3.975 opérations de lancement et d’appontage réalisées entre novembre 2019 et septembre 2020.

Selon le DOT&E, ces problèmes de fiabilité sont « exacerbés » par une « conception qui empêche les opérations de maintenance durant les opérations aériennes ». Cela étant, le rapport ne précise pas la gravité des soucis recontrés par le système EMALS.

Quant à l’AAG, sa fiablité est aussi mise en cause par le DOT&E, avec, en moyenne, 48 appontages entre deux problèmes techniques… Ce qui est « bien en deçà des exigences », écrit-il. Et il a fallu sept jours pour réparer un condensateur de ce dispositif tombé en panne.

« Les problèmes de fiabilité sont amplifiés » par la conception actuelle qui limite « la maintenance corrective des équipements sous le pont pendant les opérations aériennes », explique Robert Behler.

Sollicité par Bloomberg pour évoquer ces soucis de fiabilité des systèmes EMALS et AAG, le capitaine de vaisseau Danny Hernandez, le porte-parole du responsable des acquisitions au sein de l’US Navy, a botté en touche. « Je ne vais pas commenter un rapport qui n’a pas encore été publié », a-t-il répondu.

Photo : US Navy

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