L’administration américaine autorise la vente à Taïwan de missiles pouvant atteindre la Chine

Début octobre, le conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, Robert O’Brien, a estimé que l’effort monumental consenti par la Chine pour renforcer ses capacités militaires navales visait avant tout à « chasser » les forces américaines du Pacifique occidental et de préparer une invasion de Taïwan, île considérée à Pékin comme étant une « province rebelle. »

Mais, en attendant, la Chine ne cesse d’intensifier ses activités militaires dans les environs de Taïwan, ce qui se traduit par des incursions répétées d’avions militaires chinois dans la Zone d’identification de défense aérienne [ADIZ] ainsi que par le franchissement désormais régulier de la ligne médiane du détroit de Formose, qui serait jusqu’alors de « frontière ».

La Chine « utilise des actions militaires unilatérales pour tenter de changer le statu quo dans le détroit de Taiwan, et en même temps, pour tester notre réponse, ce qui augmente la pression sur nos défenses aériennes et réduit notre espace d’activité », a récemment commenté le ministère taïwanais de la Défense.

Faire décoller en alerte des avions de combat n’est pas neutre sur le plan budgétaire. En effet, le ministre taïwanais de la Défense, Yen De-fa, a récemment indiqué que cela avait déjà coûté 886,19 millions de dollars depuis le début de cette année. Qui plus est, le potentiel des aéronefs s’amenuise dans le même temps…

Quoi qu’il en soit, et face aux déclarations martiales maintes fois répétées par les responsables chinois, Taipeh a annoncé une hausse de 10% de ses dépenses militaires pour le prochain exercice fiscal. Ce qui porterait le budget de ses forces armées à environ 15 milliards de dollars. Or, le problème pour Taïwan est d’être en mesure de se procurer des équipements militaires auprès de partenaires étrangers… D’où le lancement de programmes locaux d’armement, souvent difficiles à mener à bien, faute des savoir-faire nécessaire.

Cependant, pour David Helvey, secrétaire américain adjoint à la défense américain pour l’Asie de l’Est, cette hausse des dépenses militaires taïwanaises, si elle « va dans le bon sens », reste « insuffisante pour garantir que Taïwan puisse tirer de sa géographie, de sa technologie de pointe, de sa main-d’oeuvre et du patriotisme de sa population pour disposer d’une défense résiliente. »

« Alors que ses actions sont réelles et dangereuse, l’Armée populaire de libération [APL] n’est pas imbattable. Taïwan peut, grâce à des investissements intelligents, envoyer le signal clair à Pékin que ses forces armées et sa population sont résolument engagées dans sa défense », a fait valoir M. Helvey.

Et d’ajouter que les États-Unis encourageraient Taïwan à « investir dans un grand nombre de petites capacités » susceptibles de faire comprendre à la Chine qu’une « invasion ou une attaque ne se ferait pas sans un coût important ».

D’où les avis publiés le 21 octobre par la Defense Security Cooperation Agency [DSCA], l’agence chargée des exportations d’équipements militaires américains. Ainsi, cette dernière a recommandé au Congrès d’accepter la vente à Taïwan de 135 AGM-84 SLAM ER [Standoff Land Attack Missile / Expanded Response], soit des missiles de croisière capables de détruire des cibles terrestres et maritimes, immobiles ou en mouvement, situées à 270 km de distance. Pour rappel, la largeur du détroit de Formose est de 160 km. Le montant de vente est évalué à 1 milliard de dollars.

En outre, et pour 436 millions de dollars, la DSCA a également évoqué la vente de 11 M142 HIMARS, soit des systèmes d’artillerie pouvant tirer des roquettes GMLRS-U guidées par GPS et dotées d’une portée de 70 km ainsi que des missiles ATCMS [Army Tactical Missile System] pouvant atteindre une cible à 300 km de distance, quelles que soient les conditions météorologiques.

Enfin, un dernier avis recommande l’autorisation de la vente de six nacelles de reconnaissance MS-110 Recce Pods pour un coût estimé à 367.2 millions de dollars.

Ces ventes potentielles complètent une liste, déjà importante, d’autres équipements militaires que l’administration Trump a autorisé à transferer vers Taïwan, dont 108 chars de combat M1A2T Abrams, de 250 missiles sol-air Stinger [de type MANPADS, pour Man-portable air-defense systems] et, surtout, de 66 avions de combat F-16 Viper. D’autres sont attendues [mais leur sort dépendra sans doute du résultat de l’élection présidentielle américaine]. Ainsi, il est question de drones MQ-9 Reaper, de missiles anti-navire Harpoon et de mines sous-marines.

Sur ce point l’attitude du président Trump tranche avec celle de son prédécesseur, Barack Obama, qui se montrait plus prudent afin de ménager la Chine. D’ailleurs, cette dernière a immédiatement réagi à la publication des trois avis de la DSCA, en assurant qu’elle y apporterait une réponse « légitime et nécessaire. »

Cela étant, cette réponse a peut être déjà été apportée… En effet, le 18 octobre, le quotidien South China Morning Post [SCMP], édité à Hong Kong, a rapporté que l’APL venait de déployer des missiles hypersoniques DF-17 dans le sud est de la Chine, donc face à Taïwan.

Ces missiles « d’une portée plus longue sont capables d’atteindre des cibles avec plus de précision » que les engins DF-11 et DF-15 qu’ils renplacent, a expliqué une source du journal.

Récemment, notant qu’un « nombre énorme de missiles » étaient pointés sur Taïwan par la Chine, Robert O’Brien a estimé que Pékin pourrait « annihiler » l’île. « Mais je ne vois pas ce qu’ils [les Chinois] en retireraient », a-t-il dit, estimant que l’APL serait en mesure de lancer une vaste opération amphibie « dans dix ou quinze ans ». Et d’ajouter : « Je pense que Taïwan doit commencer à réfléchir à des stratégies asymétriques de déni d’accès […] et se fortifier de façon à dissuader la Chine de lancer toute sorte d’invasion amphibie. »

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