L’US Air Force veut remonter le temps pour faire voler ses futurs avions de combat d’ici cinq ans

Les avions de combat américains F-100 Super Sabre [North Americain], F-101 Voodoo [McDonnell], F-102 Delta Dagger [Convair], F-104 Starfighter [Lockheed], F-105 Thunderchief [Republic] et F-106 Delta Dart ont le point commun d’avoir été développés et mis en service au sein de l’US Air Force [USAF] quasiment tous à la même période, c’est à dire entre 1953 et 1959. Et on pourrait ajouter à cette liste les programmes qui ont été annulés [notamment les XF-103, F-107 et XF-108 Rappier].

Et chacun de ces avions, qui appartiennent à la « Century Series Fighters », ont affiché des performances et des capacités en constante évolution, en fonction des avancées technologiques de l’époque. Cette approche est mille lieues de celle appliquée au programme Joint Strike Fighter [F-35, ndlr], avec toutes les difficultés que l’on sait.

Alors qu’il a été lancé en 2001, l’US Air Force ne dispose pour le moment que de 120 F-35A sur les 1.641 commandés, censés remplacer les F-16 et les A-10. Dans le même temps, l’âge moyen de ses avions de combat actuellement en service dépasse les 25 ans et elle ne dispose que de seulement 178 F-22 Raptor, un appareil de supériorité aérienne de 5e génération. Et le projet d’acquérir une poignée de F-15EX [dernière version du chasseur proposé par Boeing] sera insuffisant.

En clair, la supériorité aérienne américaine est désormais loin d’être garantie, d’autant plus que la Chine et la Russie ne sont pas restées les deux pieds dans même sabot.

Or, « ce qui était était autrefois ‘la menace de demain’ est maintenant la réalité d’aujourd’hui », ont fait valoir deux ex-généraux de l’US Air Force, dans une étude récemment publiée par le Mitchell Institute. « L’avantage militaire des États-Unis se réduit au pire moment. La réapparition de la concurrence des grandes puissances signifie qu’ils sont confrontés à leur plus grand défi stratégique depuis la fin de la Guerre Froide. Et le reste du monde est aussi complexe et instable que jamais », font-ils valoir. Or, sans supériorité aérienne, il est difficile d’espérer s’imposant dans un potentiel conflit.

Et comme le rappellent ces anciens officiers, certains responsables ont, au cours de ces dernières années, réfuté l’idée d’une possible guerre de haute intensité, allant à qualifier les avions de supériorité aérienne comme le F-22 de « reliques dorées » de la Guerre Froide. Aussi, dénoncent-ils, il n’est « donc pas surprenant que les compressions budgétaires et les décisions du Pentagone ont coûté à l’US Air Force plus d’avions que n’importe quel adversaire depuis 1947. »

Cela étant, pour tenter de remédier à cette situation, l’US Air Force a d’abord publié une étude intitulée « Air Superiority 2030 » et lancé, en conséquence, le programme « Next Generation Air Dominance » [NGAD]. Comme le Système de combat aérien du futur [SCAF] européen, il s’agit de mettre au point un « système de systèmes » autour d’un avion de combat de « 6e génération », appelé « Penetrating Counter Air » [PCA] et devant remplacer, à terme, les F-22A Raptor et les F-15.

Et il a été avancé que ce PCA sera un avion de supériorité aérienne « habité », également capable d’effectuer des frappes de précison et de tirer des missiles de très longue portée, voire de mettre en oeuvre des armes à effet dirigé [laser]. Furtif et devant permettra la « fusion de capteurs », il bénéficierait des avancées en matière d’intelligence artificielle. Enfin, il pourrait également évoluer avec des essaims de drones. En décembre dernier, le mensuel Popular Mechanics s’est risqué à avancer un prix pour ce mouton à cinq pattes : 300 millions de dollars l’unité. Et encore, c’est sans compter sur les difficultés, les retards [et donc les surcoûts] qui ne manqueront pas d’affecter la conduite d’un projet d’une telle complexité.

Or, comme la « menace de demain étant la réalité d’aujourd’hui », l’US Air Force n’a nullement envie de se trouver embarquée dans un programme long et coûteux…. Aussi, avant l’été, le général Mike Holmes, le commant de l’Air Combat Command, avait évoqué l’idée de revenir à l’approche des années 1950, laquelle permit de développer les « Century Series Fighters ». En clair, il s’agirait de mettre rapidement au point de nouveaux avions avions, appelés à rester en première ligne pendant six ou sept ans.

Cela lui permettrait de conserver une supériorité aérienne et de maintenir actifs de nombreux programmes actifs, tout en intégrant rapidement et fréquemment les améliorations les plus prometteuses et les plus efficaces aux avions en production, voire en développant de nouveaux appareils sous réserve ce que ces derniers présentent un avantage significatif. Un autre avantage est que l’achat et la maintenance de ces chasseurs seraient moins coûteux.

Secrétaire à l’Air Force pour l’acquisition, la technologie et la logistique, Will Roper a défendu cette approche des « Century Series Fighters » à plusieurs reprises. D’abord dans les colonnes d’Aviation Week, puis, pour préciser son propos, dans celles de Defense News.

« En fonction de ce que l’industrie pense pouvoir faire et de ce que mon équipe me dira, nous devrons définir avec précision la rapidité avec laquelle nous pensons construire un nouvel avion à partir de zéro. À l’heure actuelle, mon estimation est de cinq ans. […] J’espère que nous pourrons aller plus vite que cela – je pense que cela sera insuffisant à long terme [pour faire face aux menaces futures] – mais cinq ans, c’est beaucoup mieux que là où nous en sommes avec une acquisition normale », a ainsi expliqué M. Roper, dans un entretien publié par Defense News, le 16 septembre.

Cette approche signifie donc que plusieurs avions de combat verraient le jour. « Le résultat serait une famille de chasseurs en réseau – certains plus interdépendants que d’autres – développés pour répondre à des besoins spécifiques et intégrant les meilleures technologies à bord d’une cellule unique. Un avion pourrait être optimisé autour d’une capacité révolutionnaire, comme un laser aéroporté. Un autre pourrait donner la priorité aux capteurs de pointe et inclure l’intelligence artificielle . On pourrait être un drone chargé de bombes », résume le magazine américain.

En outre, au regard des progrès en matière d’ingénierie, adopter l’approche qui était en vigueur dans les années 1950 serait plus facile aujourd’hui…

Ainsi, M. Roper a cité les méthodes dites « agiles », qui reposent sur un cycle de développement itératif, incrémental et adaptatif [en informatique, par exemple, l’idée est d’écrire, tester et publier rapidement un code tout en sollicitant les utlisateurs tout au long du processus de création], l’architecture ouverte et l’ingénierie assistée par ordinateur, qui permet un gain de temps considérable.

Reste à voir si l’US Air Force réussira à convaincre le Congrès de la pertinence de cette approche. Pour le moment, le comité des Forces armées de la Chambre des représantants a déjà proposé de réduire l’enveloppe dédiée au programme NGAD dans le budget 2020… Ce qui part plutôt mal.

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