Mme Parly annonce la création d’une « Task Force Énergie » pour rendre les véhicules militaires plus « verts »

Le 2e Régiment Étranger du Génie [REG], implanté à Saint-Christol, figure sans doute parmi les unités des forces françaises les plus vertueuses en matière de préservation de l’environnement.

En effet, ce régiment s’est doté d’une chaufferie biomasse, c’est à dire système de réseau de chaleur alimenté par des matières végétales, ainsi qu’un champ solaire thermique de 1.000 m2. Et cela lui aurait permis de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 90% ainsi que sa consommation d’énergie [fossile] de 45% par rapport à 2010.

C’est donc « naturellement » que la ministre des Armées, Florence Parly, a choisi le 2e REG pour donner le détail de la politique qu’elle entend mener au niveau environnemental. Ce qui, avec un ministère particulièrement gourmand en énergies fossiles, n’est pas une mince affaire. « C’est parce que nous avons l’empreinte environnementale la plus importante de l’État que nous avons l’impérieux devoir d’être un acteur volontaire et engagé de la transition énergétique », a-t-elle justifié.

Cela étant, sur ce point, les choses risquent de ne pas s’arranger avec le programme SCORPION, les nouveaux véhicules de l’armée de Terre étant plus imposants et donc « énergivores ». Le Service des essences des Armées [SEA] anticipe d’ailleurs une hausse de 20% des consommations de carburants, lesquelles devraient atteindre 1 million de mètres cube par an. Et, déjà, avec le choix de remplacer le diesel par des moteurs « classiques » à essence a fait grimper la demande en essence de 97,5% entre 2016 et 2018.

Quoi qu’il en soit, pour la ministre, les sujets environnementaux et ceux de la défense se rejoignent. « Tout, absolument tout est lié. Et lorsque la planète se sera essoufflée, ce sont les Armées qui seront en première ligne », a-t-elle lancé. « Les sécheresses, les crues et la montée des eaux, l’érosion des coraux ne sont pas que des événements naturels, ou mêmes seulement humains. Ce sont aussi des événements stratégiques. Ils redessinent les cartes. Ils créent de nouvelles tensions. Ils déplacent des populations, créent de nouvelles failles, de nouveaux conflits. Ils amplifient les menaces traditionnelles », a-t-elle fait valoir.

Et de citer l’Arctique qui, comme le disait Michel Rocard, ex-Premier ministre, pourrait ressembler « à un deuxième Moyen-Orient », avec des appétits qui s’aiguisent à mesure que les glaces fondent, la mer de Chine méridionale et… la Guyane, où les forces françaises luttent contre l’orpaillage clandestin dans le cadre de l’opération Harpie.

« L’Atlas mondial des flux financiers illicites révélait en 2018 que la criminalité environnementale – c’est ainsi que se nomme l’exploitation illégale des ressources naturelles – était aujourd’hui la première source de financement des groupes terroristes. À la fois protéger l’environnement et lutter contre les activités qui financent le terrorisme, c’est tout le sens de la périlleuse et nécessaire opération Harpie », a souligné la ministre.

Aussi, Mme Parly veut faire du ministère des Armées un « acteur majeur de la transition énergétique et de la préservation de notre environnement », dans le cadre d’une stratégie en quatre points.

Le premier concerne la prévention des risques environnementaux. Il s’agira de conduire des études « d’anticipation environnementale » et d’établir une cartographie des risques.

Ensuite, cette stratégie vise à faire en sorte que les Armées puissent « maîtriser » leur énergie et leur « empreinte carbone. » Ainsi, les véhicules de la gamme commerciale du ministère laisseront la place à des voitures hybrides et électriques. Du moins, ce sera le cas pour la moitié du parc d’ici… 2030.

En attendant, la ministre a dit souhaiter que l’ensemble des bases de défense organise « mieux les transports de personnels » en recherchant, « chaque fois que possible les meilleures solutions avec les collectivités locales. »

En outre, a détaillé Mme Parly, la rénovation énergétique de 5.300 logements domaniaux sera engagée. « Et pour intensifier encore la réduction de notre consommation d’énergie, j’ai décidé d’accélérer le rythme d’établissement des contrats de performance énergétique [CPE] sur les emprises du ministère, ainsi que le plan de mise aux normes énergétiques de nos bâtiments », a-t-elle ajouté.

S’agissant de la réduction des gaz à effet de serre, la ministre a dit avoir pris la décision de supprimer les chaufferies au charbon et au fioul lourd dans les « meilleurs délais ». Et de préciser que, en remplacement, le « raccordement de nos sites aux réseaux de chaleur urbains ou à défaut l’utilisation de chaufferies biogaz ou biomasse » sera privilégié.

Le troisième axe de cette stratégie porte sur le développement des énergies renouvelables. La ministre n’a pas dit un mot sur les éoliennes qui, par ailleurs gourmandes en métaux rares, n’ont pas bonne presse auprès des militaires, et en particulier des aviateurs. En revanche, l’accent sera mis sur l’énergie solaire, notamment via le plan gouvernemental « Place au soleil« . Le ministère des Armées proposera 2.000 hectares de terrains pouvant accueillir des panneaux photovoltaïques. Les entreprises qui les exploiteront lui reverseront ensuite une redevance.

Mais il s’agit d’aller plus loin. « Je souhaite que le ministère anticipe les évolutions nécessaires à nos équipements de défense, pour prendre en compte la problématique des nouvelles énergies », a affirmé la ministre, qui a évoqué des solutions de « caburant alternatif » étudiées par le SEA ainsi que « l’hybridation électrique de certains matériels terrestres. » Aussi a-t-elle annoncé la création prochaine d’une « Task Force Energie » qui se saisira de ces questions.

Enfin, le dernier point porte sur la préservation des espèces menacées.

« 80% de nos terrains militaires en métropole font l’objet d’une protection au titre de la biodiversité. C’est une donnée que nous avons intégrée : nous adaptons les activités des sites militaires pour protéger les espèces, en particulier si celles-ci sont menacées », a souligné Mme Parly.

Photo : le VAB Electer, à propulsion hybride (c) ARQUUS

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