Le Système de combat aérien du futur franchit une nouvelle « étape clé »
Le vote du Bundestag, c’est à dire la chambre basse du Parlement allemand, n’était pas forcément acquis. En effet, les députés d’outre-Rhin ont exigé d’Airbus Defence & Space des garanties sur la part qu’aura l’industrie allemande dans le programme SCAF [Système de combat aérien du futur], conduit par la France. Finalement, le 6 juin, après avoir obtenu, difficilement, les informations demandées, ils ont débloqué une enveloppe de 32,5 millions d’euros pour financer une première étude sur les moteurs de cet avion de combat du futur, qui remplacera les Rafale et autres Eurofighter Typhoon à l’horizon 2035/40.
Ce point de blocage ayant été levé et à l’occasion du salon de l’aéronautique et de l’espace du Bourget, qui a ouvert ses portes ce 17 juin, les ministres Florence Parly [France], Ursula von der Leyen [Allemagne] et Margarita Robles [Espagne] ont pu signer l’accord-cadre relatif au programme SCAF, « véritable engagement juridique pour la construction d’un système complet d’avions de combat et de drones, qui entrera dans les forces armées d’ici 2040 », précise le ministère français des Armées.
« Cette signature concrétise une étape clé de la construction de l’Europe de la défense, alliant excellence technologique, volonté politique et coopération industrielle », ajoute la même source.
De leur côté, Dassault Aviation et Airbus ont remis une offre industrielle conjointe aux gouvernements impliqués dans ce programme en vue de la « Phase initiale de démonstration du SCAF ».
Cette phase de démonstration sera conduite à partir de 2019 jusqu’à la mi-2021. Elle marquera le point de départ du développement des démonstrateurs et des technologies du chasseur de nouvelle génération [NGF], des drones d’appui [Remote Carriers] et d’un ‘Air Combat Cloud’ [ACC], en vue d’un vol inaugural d’ici à 2026″, précise Dassault Aviation.
« L’Étude de concept commune attribuée à Dassault Aviation et Airbus en janvier 2019 a été la première étape d’une coopération fructueuse entre les deux entreprises », a souligné Éric Trappier, le Pdg du constructeur aéronautique français.
« La phase initiale de démonstration marque un nouveau jalon décisionnel majeur dans l’organisation industrielle du Système d’armes de nouvelle génération NGWS [Next Generation Weapon System], dont le chasseur de nouvelle génération, qui sera fabriqué par Dassault et Airbus, sous la maîtrise d’œuvre de Dassault Aviation, les drones d’appui et l’Air Combat Cloud, dont Airbus assurera la maîtrise d’œuvre, constitueront les principales composantes du Système de combat aérien futur », a encore expliqué M. Trappier.
« Les principes de notre coopération industrielle incluent un processus décisionnel commun, une structure de gouvernance très claire, des méthodes de travail transparentes ainsi qu’un mode commun de préparation et de négociation des activités de cette phase initiale de démonstration », a précisé Dirk Hoke, le Pdg d’Airbus Defence & Space.
Cette nouvelle étape franchie par le SCAF fait suite à l’accord de coopération industrielle signé en février dernier par les motoristes Safran [France] et MTU [Allemagne], le premier étant « leader » sur l’architecture et l’intégration des moteurs destinés au futur avion de combat, le second devant se concentrer sur la partie des services.
Quoi qu’il en soit, une maquette à l’échelle 1 du « New Generation Fighter » a été dévoilée en présence du président Macron afin d’illuster la signature de cet accord cadre entre la France, l’Allemagne et l’Espagne.
Cette maquette, a fait valoir la Direction générale de l’armement [DGA] présente « l’aboutissement des travaux de concept et d’architecture des industriels Dassault et Airbus. » Et d’ajouter : « Concrétisation des premiers choix importants concernant l’avion de combat du futur, il ne s’agit pas d’une simple vue d’artiste mais du résultat des premières décisions technologiques actées entre les pays concernés. »
Au passage on notera que, contrairement aux ébauches diffusées précédemment, le futur avion de combat aura bel et bien deux dérives…
Cela étant, il reste encore d’autres obstacles à surmonter pour le SCAF, qui se veut un « système de systèmes », soit un réseau de plusieurs types d’appareils au centre duquel on trouvera le NGF, qui, selon les explications données par le général Philippe Lavigne, le chef d’état-major de l’armée de l’Air, sera un vecteur [piloté ou non selon les circonstances] « capable de recevoir une grande quantité d’informations […] utiles pour gagner la ‘guerre des opportunités’ c’est à dire engager les moyens les plus adaptés lorsqu’il y a une faille dans le dispositif ennemi : un avion, un missile, un drone ou autre chose. »
En premier lieu, il faudra que la France et l’Allemagne trouvent un terrain d’entente pour régler définitivement les questions relatives à l’exportation. En clair, il n’est pas question pour Paris que Berlin puisse bloquer des ventes, comme c’est actuellement le cas. Sur ce point, les discussions n’avancent pas vite….
« Nous avons l’ambition d’investir sur quarante ans avec notre partenaire allemand dans des programmes structurants, mais nous avons besoin de savoir dans quelles conditions ces équipements pourront être exportés. Si nous devions par principe limiter le champ de nos exportations à l’Union européenne, j’en serais ravie, mais il faudrait que nos partenaires cessent d’acheter majoritairement américain! », a ainsi récemment fait valoir Mme Parly, lors d’une audition au Sénat.
Et d’ajouter : « Il faut de surcroît que nous dépassions les blocages qui se sont manifestés sur les programmes existants, et qui sont d’autant plus forts que la part qu’y prend l’industrie allemande est faible. Peut-être l’attitude allemande serait-elle différente si ses industriels y prenaient une plus forte part… Il faut que de simples composants ne deviennent pas des éléments bloquants pour l’exportation. Nous discutons donc avec l’Allemagne pour fixer un seuil en-deçà duquel on ne pourra bloquer l’exportation. Pour l’instant, ces discussions n’ont pas abouti. »
Par ailleurs, le développement du SCAF exigera des investissements importants. Selon les sources, il est question de 8 à 10 milliards d’euros sur 20 ans… Et il faudra, dès l’automne, financer une demi-douzaine d’études sectorielles qui mobiliseront entre 200 et 300 millions d’euros. Qu’en dira le Bundestag?
Là est d’ailleurs un autre risque pour le SCAF… Au Parlement allemand, ce programme ne fait pas forcément l’unanimité. Ainsi en est-il chez les Verts, qui ont le vent en poupe outre-Rhin, à en juger par les dernières élections européennes [les « Grünen » sont désormais la deuxième force politique du pays, derrière les conservateurs de la CDU/CSU, en perte de vitesse, ndlr].
« Le gouvernement fédéral est plus intéressé par une belle cérémonie de signature au Bourget que par la clarification à l’avance dse questions ouvertes et extrêmement sensibles comme contrôle des exportations pour cet avion de combat », a ainsi raillé Tobias Lindner, l’expert « defense » du parti écologiste allemand.