Les États-Unis soupçonnent la Russie de violer le Traité sur l’interdiction complète des essais nucléaires

Le Traité sur l’interdiction complète des essais nucléaires [TICE], ouvert à la signature depuis septembre 1996, stipule dans son article 1 que « chaque État s’engage à ne pas effectuer d’explosion expérimentale d’arme nucléaire ou d’autre explosion nucléaire et à interdire et empêcher toute explosion de cette nature en tout lieu placé sous sa juridiction ou son contrôle. »

Parmi les pays disposant de forces nucléaires, seuls le Royaume-Uni, la France et la Russie ont signé et ratifié ce texte. Les États-Unis l’ont signé en 1996 mais le Congrès a refusé de le ratifier depuis.

Cela étant, dans le cadre de ce traité, un Système de surveillance international [SSI] a été mis en place, sous l’égide de l’Organisation du traité d’interdiction complète des essais nucléaires [OTICE/CTBTO], afin de détecter, localiser et confirmer tout essai nucléaire dont la puissance serait supérieure à 1 kilotonne.

Ce SSI est en réalité un réseau comprenant 321 stations de détection réparties sur l’ensemble du globe ainsi que 16 laboratoires d’analyses de radionucléides]. Aussi, un essai nucléaire peut passer difficile inaperçu, sauf si sa puissance est très limitée.

Pour autant, lors d’une conférence organisée par le Hudson Institute, le 29 mai, le général Robert Ashley, le chef de la Defense Intelligence Agency [DIA, le renseignement militaire américain, ndlr] a affirmé que la Russie « ne respectait probablement pas le moratoire sur les essais nucléaires », c’est à dire ses engagements pris au titre du TICE.

« Notre analyse […] nous conduit à penser que les activités menées par la Russie en termes d’essais permettraient d’améliorer ses armes nucléaire », a précisé le général Ashley.

Selon le Wall Street Journal, qui cite des responsables américains, la Russie est effectivement soupçonnée d’avoir effectué en secret un certain nombre d’essais nucléaires à très faible rendement sur le site de Nova Zemlya [Nouvelle-Zemble], dans l’Arctique.

L’an passé, il avait été avancé que la Russie avait conduit, dans ce secteur, des tests de missiles à propulsion nucléaire « Burevestnik », dont un aurait été perdu en mer de Barents.

Cela étant interrogé ensuite par un journaliste, le chef de la DIA a tempéré son propos. « Je dirais qu’ils ont la capacité de le faire », a-t-il répondu au sujet de ces éventuels tests susceptibles de violer les dispositions du TICE.

Cela expliquerait, sans doute, l’envoi inattendu au Royaume-Uni, en février 2017, d’un des deux avions WC-135 « Constant Phoenix » de l’US Air Force, dont la mission est de détecter la présence de particules radioactives. À l’époque, il avait été constaté un niveau anormalement élevé d’iode 131 dans l’atmosphère du nord de l’Europe. La source d’émission de radionucléide d’origine artificielle demeure inconnue à ce jour.

Côté russe, l’ambassadeur de Russie en poste à Washington, Anatoly Antonov, a « réfuté catégoriquement » les soupçons américaines. « Ils n’ont pas mis cela en avant lors des consultations mais l’ont fait par le biais des médias. Cela ressemble à une attaque bien planifiée et orchestrée, non seulement contre la Russie, mais aussi contre le régime de contrôle des armements dans son ensemble », a-t-il ajouté.

Président du comité de la Défense de la chambre basse du Parlement russe [Douma], le général Vladimir Chamanov, s’en est pris vertement au général Ashley. « Il serait impossible de faire une déclaration plus irresponsable. […] Ces mots d’un responsable du renseignement américain indiquent qu’il n’est qu’une personne accidentelle dans cette profession et qu’il occupe le mauvais travail », a-t-il dit.

Quoi qu’il en soit, l’OTICE a fait savoir que son Système de surveillance international n’avait détecté « aucune activité inhabituelle ».

« L’OTICE a pleinement confiance en la capacité du système de surveillance de détecter les explosions d’essais nucléaires », a souligné l’organisation, basée à Vienne.

L’IMS compte 170 stations sismiques, 80 stations radionucléides, 60 stations infrasons et 11 stations hydroacoustiques. De quoi détecter un essai nucléaire souterrain [via les ondes sismiques, aérien [perturbations acoustiques, détection de particules] ou sous-marin [ondes acoustiques se propageant à très grande distance dans l’eau].

Reste que pour un haut responsable de l’administration Trump, cité par le Wall Street Journal, s’ils n’ont pas l’intention de mener à nouveau des essais nucléaires, il n’est pas question que les États-Unis soient « soumis à des normes différentes de celles de la Russie et de la Chine. »

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