La Russie a-t-elle perdu un missile « Burevestnik » à propulsion nucléaire?

En mars dernier, lors d’une adresse au Parlement, le président russe, Vladimir Poutine, présentait de nouvelles armes censées être « invincibles », dont le missile de croisière « Burevestnik » qui, à propulsion nucléaire, aurait une portée théoriquement illimitée.

Cet engin reprend en réalité un concept abandonné voilà plus de 60 ans. Dans les années 1950, en effet, l’US Air Force avait lancé le programme « Supersonic Low Altitude Missile », visant à développer une telle arme. Mais elle y renonça en 1961, les missiles balistiques intercontinentaux apparaissant alors bien plus fiables (et moins coûteux à developper) pour effectuer une frappe nucléaire. De plus, il y avait également des problèmes des rejets radioactifs.

Selon des sources du renseignement américain, citées par la chaîne d’information CNBC, les forces russes auraient procédé à quatre essais du missile Burevestnik entre novembre 2017 et février 2018. Mais, a priori, les premiers tests auraient commencé en juin 2016. Et, apparemment, aucun ne fut concluant. Le test le plus court a duré seulement 4 secondes, l’engin ayant parcouru 8 kilomètres. Et le meilleur des quatre a été celui pendant lequel le missile a volé sur 35 km avant de s’écraser après une perte de contrôle.

Évidemment, la Russie a nié l’échec de ces essais. Comment le renseignement américain a-t-il pu être au courant de ces derniers? Peut-être que la perquisition faite en juillet dernier par le FSB à l’Institut central de recherche scientifique sur les constructions mécaniques [TsNIImach] a-t-elle un lien avec cette affaire, le quotidien Kommersant ayant évoqué une enquête pour « haute trahison », avec des employés soupçonnés d’avoir « transmis sciemment aux services secrets étrangers des informations classées secrètes sur les projets hypersoniques russes. »

En outre, les essais du Burevestnik, dont le mode de propulsion est censé émettre des particules radioactives, expliqueraient également l’envoi au Royaume-Uni, en février 2017, d’un des deux Boeing WC-135 « Constant Phoenix » utilisés par l’US Air Force pour détecter la radioactivité.

Quoi qu’il en soit, au cours d’un essai, sans doute celui effectué en novembre, un missile Burevestnik aurait été perdu en mer de Barents, précisement dans le secteur de l’île Ioujny qui, dans les années 1950, avaient été évacuée pour y réaliser des tests nucléaires.

Or, début août, une flottille de 8 navires a quitté Severomorsk pour mener un « exercice » en mer de Barents. Seulement, la composition de ce détachement intrigue puisque le navire-grue KIL-143 en fait partie, tout comme le destroyer « Vice-amiral Koulakov », spécialisé dans la lutte anti-sous-marine. Il n’en fallait pas plus pour lancer les spéculations sur le but réel de cette expédition.

Cela étant, il n’a pas été fait mention de la présence du Yantar, un navire océanographique rattaché à la Direction principale des plongées et études en eaux profondes du ministère russe de la Défense. Ce bâtiment avait attiré l’attention quand il fut remarqué qu’il suivait les lignes suivies par les câbles sous-marins de communication. Pas plus que n’a été évoqué le déploiement des sous-marins russes spécialisés BS-136 Orenbourg et BS-64 Podmoskovye… Ce qui est normal, au regard de la confidentialité qui entoure leurs missions.

La présence du destroyer « Vice-amiral Koulakov » peut s’expliquer par le fait que l’US Navy serait susceptible de tenter de récupérer le missile « Burevestnik » supposé perdu. Pour cela, elle dispose du sous-marin USS Jimmy Carter. Ce dernier fit récemment parler de lui, lors de son retour à la base navale de Kitsap [État de Washington], car il avait déployé le pavillon « Jolly Roger » au côté de la bannière étoilée, ce qui signifiait qu’il venait d’accomplir une mission réussie.

Pour autant, le Kremlin a fait savoir qu’il ne possédait « pas d’informations » au sujet d’un essai raté du missile « Burevestnik ». Ainsi, interrogé au sujet des informations publiées par CNBC, son porte-parole, Dmitri Peskov, a conseillé de s’adresser « à nos spécialistes en la matière », c’est à dire au ministère russe de la Défense. « Écoutez le président russe Vladimir Poutine et ayez confiance en lui », a-t-il ajouté à l’endroit des journalistes russes.

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