L’armée allemande est un « monstre bureaucratique », dénonce un rapport
La hausse prévue de 4,3 milliards d’euros du budget allemand de la Défense, en 2019, fera-t-elle en sorte que le prochain rapport de Hans-Peter Bartels, le commissaire parlementaire auprès des forces armées, soit différent de celui qu’il vient de rendre, lequel est d’ailleurs quasiment identique aux précédents?
Comme l’an passé, M. Bartels a encore souligné les gros problèmes de disponibilité des matériels de la Bundeswehr. Et l’impression qui se dégage est qu’aucun progrès, même infime, n’a été réalisé au cours de ces douze derniers mois.
Ainsi, moins de la moitié des avions de combat Panavia Tornado et Eurofighter Typhoon sont en état de voler tandis que les chars Leopard 2 à peine « prêts » à être utilisés. La situation de la marine allemande n’est guère plus enviable, avec des « équipages entiers bloqués à terre », faute de navires disponibles pour naviguer comme prévu. » C’est notamment le cas des sous-marins et des bâtiments ravitailleurs. La raison est connue : les difficultés d’approvisionnement en pièces détachées.
Aussi, M. Bartels propose de constituer un « stock complet de pièces de rechange » et un recours accru aux réparations « faites en internes », afin de moins dépendre de la « rationalité économique des entreprises privées ».
En outre, des équipements de base, comme des gilets pare-balles ou des jumelles de vision nocturne font toujours défaut, ce qui ne permet pas de mettre « chaque soldat sur un pied d’égalité ». Aussi, avance M. Bartels, « la gestion de la rareté reste un phénomène courant. »
« Une action immédiate est nécessaire. Il est absolument essentiel que les achats soient accélérés », a-t-il estimé. « Les soldats ont besoin de cet équipement maintenant pour faire leur travail », a-t-il insisté.
Par ailleurs, si elles ont connu un succès d’audience sur les réseaux sociaux, les campagnes de communication de la Bundeswehr ne se sont pas traduites par un afflux de candidats à un engagement. En 2018, note M. Bartels, 52.200 jeunes allemands ont poussé la porte d’un bureau de recrutement, soit 6.239 de moins sur un an. Et le nombre d’engagés est tombé à son plus bas niveau, soit 20.012 contre 23.000 en 2017. Et cela alors que 21.500 postes restent vacants au sein des forces allemandes. Ce qui fait que l’objectif de disposer 203.000 militaires en 2025 est pour le moment compromis.
« De nombreux leviers ont été mis en place, des papiers ont été écrits, des résolutions politiques ont été prises, des fonds supplémentaires sont à venir, la Bundeswehr grossit. Cela doit être reconnu », a admit M. Bartels, issu du Parti social-démocrate. Toutefois, fait-il valoir, « il y a encore trop d’obstacles bureaucratiques, anciens et nouveaux. » Au point même que les militaires allemands parlent eux-même d’une armée vue comme un « monstre bureaucratique. »
Le quotidien Die Welt n’a pas ménagé ses critiques. « L’économie de la pénurie continue et l’administration de cette pénurie échoue à cause de l’irresponsabilité organisée », a-t-il commenté, estimant que le « le rapport du commissaire fédéral se lit – dans une large mesure – comme la description d’une économie socialiste ». Aussi, « la Bundeswehr a besoin de réformes. Ce serait fatal si cela ne venait pas », a-t-il conclu.
Le budget de la Bundeswehr sera porté à 43 milliards d’euros cette année . Aussi, la question est de savoir si cela permettra d’améliorer effectivement la situation. Remplir un seau percé donnera toujours le même résultat, même si on augmente le débit de l’eau…
« J’aimerais aussi que beaucoup de choses aillent plus vite, mais 25 ans de recul et de réductions dans la Bundeswehr ne peuvent être inversés en quelques années », a répondu Ursula von der Leyen, la ministre allemande de la Défense.
Justement, cette dernière est dans le collimateur de la commission de la défense du Bundestag, laquelle a décidé, le 30 janvier, de se doter de pouvoirs d’enquête pour examiner les conditions dans lesquelles la ministre a fait appel à des consultants extérieurs pour les besoins de son ministère.
En effet, rien qu’entre 2015 et 2016, la Défense allemande a ainsi versé plus de 250 millions d’euros à des consultants privés, sans toujours avoir suivi les procédures en vigueur en matière d’appels d’offres.
« Si la Bundeswehr fait appel à des services externes, elle doit en prouver la nécessité, en vérifier la rentabilité et, en règle générale, le faire savoir publiquement afin de faciliter la concurrence. Or, la Cour des comptes fédérale a toutefois constaté que cela n’était pas le cas dans de nombreux endroits », relève le quotidien Tagesspiegel.