Centrafrique : Le Conseil de sécurité des Nations unies ouvre la voie à un assouplissement de l’embargo sur les armes
Si, en Centrafrique, les groupes rebelles n’ont aucune difficulté à se procurer des armes et des munitions par l’entremise de trafiquants soudanais, il n’en va pas de même pour les forces armées centrafricaines [FACa], étant donné que leur pays est soumis à un embargo décidé par les Nations unies.
« Le gouvernement respecte l’embargo alors que les groupes armés reçoivent des armes. Le peuple centrafricain ne peut pas comprendre cette loi de deux poids, deux mesures », a ainsi résumé Mathieu Simplice Sarandji, le Premier ministre centraficain, le 28 janvier.
Pourtant, fin 2017, et après avoir levé des réticences exprimées par la France, Moscou obtint une dérogation à cet embargo auprès du Conseil de sécurité des Nations unies. Et, 900 pistolets Makarov, 5.200 fusils d’assaut, 140 fusils de précision, 840 fusils mitrailleurs Kalachnikov, 270 lance-roquettes RPGs et 20 armes anti-aériennes furent livrés en deux fois aux FACa. Depuis, la Russie a renforcé son influence en Centrafrique, via notamment la présence d’instructreurs « militaire civils », qui sont en réalité des salariés de la société militaire privée [SMP] Wagner.
La France, engagée depuis longtemps en Centrafrique, demanda également, avec succès, une dérogation pour livrer 1.400 fusils d’assaut AK-47 Kalachnikov, précédemment saisis lors d’une opération de la Marine nationale au large du Yémen. En revanche, la Chine, adressa une requête similaire au Conseil de sécurité, fut déboutée.
Cela étant, le 30 janvier, Moscou et Pékin ont de nouveau demandé une dérogation à cet embargo. Et, selon des diplomates cités par l’AFP, les deux requêtes ont été acceptées, après que Paris a levé ses objections… et que la Chine a reformulé sa requête, laquelle portait initialement sur des livraisons d’armes létales et d’armement anti-aérien.
Quoi qu’il en soit, le Conseil de sécurité devrait prolonger, pour un an supplémentaire, cet embargo sur les armes. Et cela, alors que, en décembre, lors d’une visite à Bangui, la ministre française des Armées, Florence Parly, a déclaré, que Paris n’avait « aucun obstacle de principe » pour le lerver définitivement.
Toutefois, et comme le laissait entendre le dernier rapport du groupe d’experts des Nations unies sur la Centrafrique, lequel se disait « conscient » que les forces centrafricaines « ne disposaient pas encore de suffisamment d’armes et de munitions pour être formées et pleinement opérationnelles », on s’achemine vers un allègement de cette disposition.
En effet, le projet de résolution présenté par la France exprime, pour la première fois, « l’intention » du Conseil de sécurité d’assouplir cet embargo d’ici au 30 septembre prochain. Cela dépendra de la situation de la Centrafrique, c’est à dire d’une évaluation des progrès en matière de sécurité selon des « critères-clés clairs et bien identifiés » qui restent à établir. Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres sera chargé d’en faire un rapport d’ici le 31 juillet.
Les critères en question porteront sur la réforme du secteur de la sécurité, le processus de désarmement, de démobilisation, et processus de réintégration des combattants ainsi que sur la gestion des armes et des munitions.
Sur ce point, tout reste à faire, ou presque. Dans son dernier rapport, le Groupe d’experts souligne en effet que « les questions de gestion, en particulier l’inspection, le stockage et le contrôle des armes, devraient être traitées en priorité » et estime « urgent qu’un logiciel de gestion des armes [stocks, attribution, distribution, contrôle et traçage] soit mis au point. »
À cet égard, l’exemple des livraisons d’armes russes, en janvier et en février 2018, est éloquent.
« En septembre 2018, avec la participation de représentants de la Fédération de Russie et l’appui opérationnel et la coordination de la MINUSCA [Mission des Nations unies en Centrafrique, ndlr], le ministère de la Défense [centrafricain] a procédé, avec du retard, à une inspection minutieuse des armes obtenues en janvier et en février 2018, laquelle a révélé que les numéros de série de plusieurs armes, tels que mentionnés dans la liste originale soumise au Comité des sanctions, ne figuraient pas sur les armes livrées et que ceux de plusieurs armes contrôlées sur place n’étaient pas sur ladite liste », lit-on dans le rapport du groupe d’experts.
Et ce dernier d’expliquer que, « étant donné que la majorité des armes avaient déjà été distribuées à des soldats des FACa, à des policiers et à des gendarmes formés et déployés sur l’ensemble du territoire centrafricain, seul l’examen des dossiers répertoriant les armes distribuées pouvait permettre de vérifier les numéros de série de nombreuses armes. »
Photo : EUTM RCA