La tension monte lentement mais sûrement entre la Russie et l’Ukraine en mer d’Azov
Le 25 mars, un chalutier russe fut arraisonné par les garde-côtes ukrainien, alors qu’il naviguait en mer d’Azov, qui, bordée au nord-ouest par l’Ukraine, à l’est par la Russie et au sud par la Crimée, est reliée à la mer Noire par le détroit de Kertch.
La raison? Le navire, venu de Crimée et battant pavillon russe, avait été repéré dans les eaux territoriales ukrainiennes. Et cela donna lieu à une nouvelle dispute diplomatique entre Kiev et Moscou, le consulat russe ayant tenté d’exfiltrer les marins du chalutier retenus par les autorités ukrainiennes.
L’affaire n’en resta pas là car, le 4 mai, la marine russe arraisonna à son tour un navire ukrainien croisant dans les eaux de la mer Noire et interpella son équipage. Mais ces bisbilles n’expliquent pas à elles seules la montée progressive des tensions en mer d’Azov.
Depuis l’inauguration, le 15 mai, du pont de Kerch, qui relie la Crimée à la Russie, la marine russe a accentué sa présence (avec 12 bâtiments légers et en triplant le nombre de bateaux des garde-frontières) et son emprise sur la mer d’Azov, en y contrôlant quasiment systèmatiquement tous les navires de commerce se rendant à des ports ukrainiens.
Désormais, un navire marchand qui s’aventure en mer d’Azov peut être immobilisé pendant deux, voire quatre jours, ce qui commence à revenir cher aux armateurs (une immobilisation peut leur coûter entre 15.000 et 20.000 dollars). En outre, le trafic des ports urkainiens, comme celui de Marioupol, s’en ressent immanquablement.
Côté russe, on explique que ces contrôles visent à protéger le pont de Kertch. Ce dernier, a résumé Mykhailo Samus, un expert militaire ukrainien, dans les colonnes du quotidien La Croix, est « un nouvel outil de la Russie pour contrôler la navigation dans la mer d’Azov. »
Avec un trafic commercial ayant chuté de 50%, le port de Marioupol se trouve dans une situation délicate, avec des conséquences sur l’économie ukrainienne… De quoi susciter des tensions sociales à quelques mois des élections, prévues en mars 2019.
Secrétaire du Conseil ukrainien de défense et de sécurité nationale, Oleksandr Turchynov a expliqué que le renforcement de la présence militaire russe est associé à une « violation brutale du droit maritime international dans la mer d’Azov, qui se traduit notamment par l’illégalité la construction du pont de Kerch et le nombre croissant d’incidents impliquant la détention de navires. » Et d’ajouter : « Nous voyons les efforts de la Russie pour imposer un blocus militaire et économique du littoral ukrainien donnant sur la mer d’Azov. »
Aussi, Kiev a décidé de muscler son dispositif militaire dans ce secteur. « Nous prévoyons non seulement de renforcer notre présence [militaire] en mer [d’Azov] mais aussi prendre des mesures pour défendre la côte », a en effet annoncé, en août, le général Viktor Moujenko, le chef d’état-major des forces armées ukraniennes.
Depuis, ce renforcement est en train de devenir réalité. « En réponse aux mesures agressive prises par la Russie en mer d’Azov, les forces de défense territoriale, des unités d’artillerie ainsi que l’aviation militaire ont établi une présence permanente dans la mer d’Azov afin d’assurer une défense côtière fiable », a ainsi indiqué le général Serhiy Popko, le chef des forces terrestres urkainiennes, le 11 septembre. Ce dispositif comprend des canons, des chars ainsi que des missiles.
Quant à la marine urkranienne, elle a annoncé le déploiement de deux vedettes de type Gurza-M (affichant un déplacement de seulement 54 tonnes). Une troisième unité est attendue prochainement. Leur mission sera d’assurer la protection des deux principaux ports donnant sur la mer d’Azov, c’est à dire Marioupol et Berdiansk.
Outre ces renforts militaires, Kiev a aussi communiqué, en août, sur l’essai réussi du missile anti-navire « Neptun », qui, d’une portée maximale de 280 à 300 kilomètres, est développé par Ukroboronprom.
À cette occasion, M. Turchynov, a expliqué que ces « Neptun » permettront de « défendre de manière fiable les côtes de la mer Noire et d’Azov, ainsi que les ports où ils seront déployés. » Mais pas seulement car il a également déclaré que des variantes de ces missiles pourraient « être utilisés pour cibler les infrastructures militaires », en particulier les « ponts stratégiques » et les navires d’assaut amphibie « en cas d’agression contre l’Ukraine ».
Photo : Vedette de type Gurza-M