Budget des armées : Les industriels de la Défense s’invitent dans l’élection présidentielle

Lors de son audition par les députés de la commission de la Défense, Amélie Verdier, la directrice du Budget, à Bercy, s’est interrogée sur la pertinence de l’objectif visant à porter les dépenses militaires à 2% du PIB, conformément à l’engagement pris par la France lors du sommet de l’Otan tenu à Newport (Pays-de-Galles) en septembre 2014.

« Il nous semble […] important de raisonner, au-delà d’un objectif purement quantitatif, sur la manière d’améliorer l’efficacité, l’efficience de la dépense militaire », a dit Mme Verdier. Et d’ajouter : « Au sein des quelque 32 milliards de la politique de défense, il y a des dépenses plus ou moins efficaces, qui répondent plus ou moins à l’objectif de capacité opérationnelle; il y a aussi des marges de manœuvre qui peuvent être dégagées, pas forcément pour baisser les crédits, mais pour retrouver un effort capacitaire. »

Sur ce point, le chef d’état-major des armées (CEMA), le général Pierre de Villiers, n’est pas du tout de cet avis : « Pour ceux qui croient nous pourrions encore réaliser des économies, nous en pleine réforme, nous l’avons été sans discontineur depuis 2008 […] et nous allons continuer jusqu’en 2020. […] On a déjà donné, pour ne pas dire qu’on a déjà tout donné », a-t-il affirmé devant la même commission, quelques jours plus tard.

Quoi qu’il en soit, pour la directrice du Budget, les « dépenses militaires ont une dynamique intrinsèque […] En tant que telles, certaines dynamiques ne sont pas alignées sur celle de la croissance ou de ce que l’on appelle le ‘prix du PIB’, qui n’est pas seulement l’inflation des prix à la consommation, mais la manière dont se fabrique le PIB en valeur, au-delà du PIB en volume. En outre, s’agissant des fameux 2% de la richesse nationale, Mme Verdier a rappelé que les modes de calcul sont différents d’un pays membre de l’Otan à l’autre.

Par ailleurs, elle a aussi précisé qu’il « existe d’autres référentiels au sein de l’Otan » et « outre l’effort global en faveur de la défense, qui n’intègre pas toutes les dépenses de recherche ou les efforts en faveur du monde combattant, peut également être pris en compte l’objectif de dépenses militaires d’investissement, que nous dépassons aujourd’hui : l’objectif OTAN est à 0,4 % du PIB, et nous sommes autour de 0,5 %. »

Ce « questionnement » de la direction du Budget au sujet des 2% du PIB devant être dédiés aux dépenses militaires a fait monter le Conseil des Industries de Défense Françaises (CIDEF) au créneau.

« À l’heure où les grandes puissances dans le monde et nos alliés décident d’investir de nouveau – et ce massivement – dans leur Défense (+8% en Allemagne en 2017!), les industries de Défense françaises souhaitent rappeler qu’il ne s’agit pas seulement de défendre un pourcentage mais bien un montant, celui d’un effort additionnel substantiel rapide consacré au fonctionnement des Armées et à leurs équipements », a fait valoir le CIDEF, via un communiqué diffusé le 9 mars.

Pour les industriels de la Défense, il est même urgent de « mesurer l’ampleur des défis capacitaire à venir » si la France veut « préserver son outil militaire dans un contexte sécuritaire fragilisé ». Ce que le CEMA avait rappelé lors de son audition.

Dans les années qui viennent, il faudra en effet renouveler les composantes de la dissuasion nucléaire ainsi que les matériels mis à rude épreuve sur les théâtres extérieurs, éviter les ruptures capacitaires (patrouilleurs hauturieurs, avions ravitailleurs), acquérir de nouvelles capacités (cyberespace, drones) et soutenir la recherche et le développement (R&D) en vue des ruptures technologiques qui s’annoncent.

« Alors que les zones de crise permanente se sont multipliées, les contrats opérationnels de nos forces ne pourront être assurés en totalité faute d’effort budgétaire sur le maintien en service de leurs équipements et nos industries nationales de défense risquent de perdre des domaines de compétences de façon irréversible. Il n’existe plus de marge de manœuvre », prévient encore le CIDEF. Là encore, on ne pourra pas dire que personne n’a été prévenu.

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