Par crainte d’une invasion russe, la Lituanie sensibilise ses citoyens aux risques d’espionnage

Lors de son passage devant la commission sénatoriale des Affaires étrangères et des Forces armées, le général André Lanata, le chef d’état-major de l’armée de l’Air, a souligné l’intense activité que connaissent les 4 Mirage 2000-5 du Groupe de chasse 1/2 Cigognes depuis leur déploiement en Lituanie, dans le cadre de l’opération de l’Otan « Baltic Air Policing ».

« Nos Mirage, en état d’alerte maximum, ont ainsi décollé 6 fois en 24 heures ce week-end [du 8 octobre, ndlr] pour intercepter une dizaine d’avions russes, dont des avions de chasse » et « depuis le 31 août 2016, le détachement a déjà effectué 16 décollages sur alerte, alors que le détachement précédent n’en avait effectué que 4 au total », a précisé le général Lanata. Et, pour lui, ce « constat, somme toute assez exceptionnel, reflète bien la tension croissante face à la Russie. »

Le fait est que les incidents impliquant les forces russes se multiplient dans la région de la Baltique, laquelle est stratégique pour Moscou, pour des raisons à la fois militaires, énergétiques et économiques. Ainsi, par exemple, la Finlande a récemment fait état de la violation de son espace aérien à deux reprises en moins de 24 heures par des Su-27 Flanker. En outre, des missiles balistiques Iskander ont été déployés dans l’enclave russe de Kaliningrad.

Depuis l’annexion de la Crimée, en mars 2014, l’activité militaire russe dans la région est au plus haut. « Cette évolution fait qu’en matière de sécurité, la situation dans le voisinage immédiat des pays nordiques s’est sensiblement dégradée au cours de l’année écoulée », avait estimé, en avril 2015, les ministres de la Défense des pays scandinaves. Et cela conduit ces derniers à revoir à la hausse leurs dépenses militaires, voire à remettre au goût du jour la conscription.

Quant aux pays baltes, bien que membres de l’Otan et de l’Union européenne, ils s’estiment en première ligne face à la Russie. Et le souvenir de leur invasion par les forces d’une Union soviétique finissante, en janvier 1991, quand les projecteurs étaient braqués sur la guerre du Golfe, est encore vivace. En outre, ils comptent une importante minorité russophone au sein de leur population, ce qui leur fait craindre d’être à leur tour visés par la Russie.

C’est donc la raison pour laquelle le département lituanien de la sécurité de l’État a édité un livret de défense civile pour donner à la population des conseils ainsi que des consignes à suivre dans l’éventualité d’une agression russe.

« Il est plus qu’important que les citoyens sachent quelle est la situation et soient en capacité de résister. (…) En pareil cas, un agresseur a beaucoup plus de difficultés à instaurer un contexte propice à une invasion », peut-on lire dans ce livret, d’après la BBC.

Parallèlement à la diffusion de ce livret, un numéro téléphonique d’urgence a été mis en place, dans le cadre d’une campagne de sensibilisation aux risques d’espionnage. Il s’agit ainsi de pouvoir faire « remonter » les tentatives d’infiltration et les activités d’espionnage de services de renseignement étrangers, en particulier russes.

« Les menaces militaires, hybrides ou de guerre de l’information » constituent un réel danger, a fait valoir Darius Jauniskis, le directeur du département de la sécurité de l’État. « Mais l’activité des services de renseignements hostiles représente un danger tout aussi important pour la sécurité de l’Etat et chaque citoyen lituanien peut en devenir la cible », a-t-il ajouté.

En outre, depuis le 27 octobre, les chaînes de télévision diffusent trois petits films de quelques minutes et inspirés de faits réels pour sensibiliser les Lituaniens aux risques d’espionnage.

« La Russie utilise les techniques hybrides, ils travaillent avec la société en leur faisant passer des messages. Nous aussi, nous devons travailler avec notre société en les prévenant des risques possibles », a commenté, pour l’AFP, Margarita Seselgyte, spécialiste des questions de sécurité à l’Université de Vilnius. « Si sur 300 ou 400 appels, un s’avère important, ce sera déjà une victoire », a-t-elle ajouté.

La Lituanie n’est évidemment pas le seul pays confronté aux activités liées à l’espionnage. En septembre, le BIS, le service de contre-espionnage tchèque, avait dénoncé la guerre de l’information menée par la Russie, en soulignant la présence importante d’agents travaillant sous couverture à l’ambassade russe.

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