Pour le président du comité militaire de l’Otan, la Russie ne présente pas une « menace imminente »

pavel-20160608Dans le cadre de la préparation du prochain sommet de l’Alliance atlantique, qui se tiendra, début juillet, à Varsovie, la commission sénatoriale des Affaires étrangères et des Forces armées a reçu, en mai dernier, le général Petr Pavel, le président du comité militaire de l’Otan. Le compte-rendu de cette audition vient d’être publié.

À cette occasion, l’ancien chef d’état-major des armées de la République tchèque a longuement évoqué les menaces actuelles, lesquelles se développent selon un « arc de crise ou d’instabilité qui entoure la majorité des pays d’Europe et affecte chaque pays de l’Alliance, du Grand Nord jusqu’aux côtes du Maghreb ».

Pour résumer, deux principales menaces préoccupent les pays de l’Otan, mais à des degrés divers. Ainsi, les pays d’Europe centrale et orientale se focalisent sur la Russie, tandis que ceux d’Europe occidentale et méridionale sont davantage préoccupés par le terrorisme et les flux migratoires.

« À l’est, ce défi sécuritaire se concentre sur la Russie, et revêt la forme d’une compétition traditionnelle entre États. Pour être franc, cela rend la tâche des experts militaires et internationaux plus facile », a commencé par dire le général Petr Pavel, pour qui Moscou « ne vise pas uniquement une influence régionale, mais essaie de restaurer son statut de puissance mondiale. »

Cela étant, la Russie est active aussi bien sur le flanc oriental que sur le flanc sud de l’Otan. « En Méditerranée, a en effet affirmé le général Pavel, Moscou « ne limite pas son action au soutien du régime de Bachar al-Assad » car « ses objectifs sont complémentaires de ceux qu’elle a en Europe de l’Est. »

D’ailleurs, a-t-il continué, avant de souligner la « nette » amélioration des forces russes, « les opérations récentes de Syrie ont démontré que la Russie vise des intérêts mondiaux et dispose de capacités armées pour défendre ses intérêts. »

En outre, a poursuivi le général tchèque, les « Russes ont étudié la structure militaire de l’Otan et s’y sont adaptés » et « si l’on relie ceci à la stratégie militaire que la Russie poursuit depuis 2010, on peut dire que le président Poutine a envoyé à l’Occident des messages très clairs pour expliquer ses intentions, mais nous n’avons pas voulu les entendre. »

Cela étant, le général Pavel a affirmé que « l’Alliance ne considère pas la Russie comme une menace imminente », après avoir mis en avant la « complexité » des relations avec Moscou.

« Des intérêts communs existent entre l’Alliance, l’Union européenne, nos propres pays et la Russie. Nous devons accepter que la Russie puisse être un concurrent, un compétiteur, un adversaire, un pair ou un partenaire – voire tout cela en même temps », a expliqué le président du comité militaire de l’Otan. Et, a-t-il insisté, « cette complexité est une réalité de notre environnement stratégique contemporain » et cela « demande une approche pratique et sophistiquée qui prend en compte le fait que la Russie veut devenir un partenaire mondial et acquérir un pouvoir mondial. »

Aussi, pour le général Pavel, il faudrait admette qu’un « certain nombre de défis sécuritaires » pourraient être mieux gérés en « partenariat avec la Russie », ou « en tous cas sans opposition directe avec ce pays », comme en Syrie ou dans le domaine du contre-terrorisme.

« Seulement, a-t-il estimé, pour poursuivre ce dialogue, nous devons leur [aux Russes, ndlr] inspirer confiance, faire état de notre force et apparaître prévisibles. À partir de là, nous pourrons négocier efficacement et obtenir des résultats tangibles. » Et de préciser : « La dissuasion est basée sur un mélange entre force militaire, réactivité et dialogue. À Varsovie, l’Otan va donc se concentrer sur cet équilibre entre dissuasion, défense et dialogue. »

Alors qu’il faudrait que l’Otan déploie « 7 divisions dans les Etats baltes et en Pologne pour éviter une défaite dans la région », le général Pavel a fait valoir que la « Russie agit comme un acteur rationnel » et que si « le président russe peut être parfois imprévisible dans certaines situations, il n’est pas naïf. »

Mais, a expliqué le général tchèque, « La menace russe est un mélange de capacités et d’intentions ». S’il n’y a pas de doute sur les capacités, il y a moins de certitudes au sujet des intentions. « Je ne crois pas que ce serait dans l’intérêt stratégique de la Russie d’entrer dans une confrontation militaire avec l’Otan », a-t-il cependant estimé.

Toutefois, l’on ne peut pas exclure l’hypothèse de voir le président russe « défier l’Otan », dans la mesure où les États baltes ont des points communs avec l’Ukraine (importante minorité russe, proximité géographique, poids de l’histoire, etc…). Et cela « permettrait de placer l’Otan dans l’embarras en l’obligeant à prendre des décisions très difficiles, en usant des tactiques hybrides », a prévenu le général Pavel.

« Il s’agirait d’une agression, mais non visible, qui ne déclenche pas automatiquement l’application de l’article 5 du traité. Je suis désolé d’être aussi direct, mais c’est un fait », a-t-il ajouté. D’où, a-t-il conclu, la nécessité de « fournir des éléments de dissuasion suffisamment forts pour éviter ce type de comportement de la part de la Russie. »

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