Le président Hollande dévoile les capacités nucléaires françaises

À plusieurs reprises, le président Hollande a affirmé sa volonté de préserver les deux composantes de la force de frappe française. Il l’avait notamment fait en publiant une tribune dans les colonnes du Nouvel Observateur, en décembre 2011, puis, après avoir été élu, en embarquant à bord du sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) « Le Terrible ». Chose qui n’avait pas été faite depuis Valéry Giscard d’Estaing, en 1974.

Lors de sa dernière conférence de presse semestrielle, le chef de l’État avait fait allusion à la modernisation prochaine de la « force de dissuasion » française. Modernisation qui est déjà engagée, avec des études sur le SNLE de 3e génération, le missile ASN4G qui devrait être hypersonique ou encore sur l’engin balistique M51.3. Sa visite à la base aérienne 125 d’Istres, où sont implantées plusieurs unités relevant des Forces aériennes stratégiques (FAS), devait donc être l’occasion d’aborder plus longuement ces questions.

Ainsi, le président Hollande n’a pas changé d’un iota sa position à l’égard de la dissuasion nucléaire, cette dernière, a-t-il fait valoir, n’étant pas « dépassée » étant donné que le « contexte international n’autorise aucune faiblesse ». Et d’insister : « Dans un monde dangereux, et il l’est, la France ne veut pas baisser la garde ». Car, a-t-il ajouté, il « est particulièrement grave de le constater que la possibilité de conflits étatiques futurs nous concernant directement ou indirectement ne peut pas être écartée ».

En outre, a-t-il assuré, « la prolifération [d’armes nucléaires] est une menace pour la France même si elle ne se sent pas agressée, même si elle n’a pas d’ennemis déclarés ». À ce sujet, François Hollande a évoqué le cas du nucléaire iranien.

« L’accroissement du nombre d’États possédant l’arme nucléaire un risque majeur pour la paix (…) C’est le sens de notre position déjà depuis plusieurs mois, sinon des années dans les négociations avec l’Iran : oui au nucléaire civil, non à l’arme nucléaire (…) Le problème est que pour l’instant, l’Iran ne nous a pas encore démontré qu’il voulait renoncer à la bombe. Mais dès qu’il le fera, l’accord sera conclu », a-t-il dit.

Quant à la doctrine de la dissuasion, le président Hollande a rappelé que cette dernière « vise à défendre notre pays contre toute menace étatique contre ses intérêts vitaux, d’où qu’elle vienne et que quelle que soit sa forme ». Là-dessus, il n’a donc pas annoncé d’inflexion majeure, contrairement à Jacques Chirac, en 2006, qui avait affirmé que la force de frappe pouvait s’adresser aux « dirigeants d’Etats qui auraient recours à des moyens terroristes contre nous ». Son successeur, Nicolas Sarkozy, était ensuite revenu à une posture plus classique.

« L’arme nucléaire n’a pas sa place dans une stratégie offensive, elle n’est envisagée que dans une logique défensive », a encore souligné M. Hollande, qui a aussi réaffirmé « solennellement que la France n’utilisera pas l’arme nucléaire contre des pays qui n’en sont pas dotés« , pourvu qu’ils respectent leurs engagements pris dans le cadre du Traité de non prolifération nucléaire.

Par ailleurs, le chef de l’État a indiqué partager « l’objectif de supprimer à terme les armes nucléaires »… Mais uniquement « lorsque le contexte stratégique le permettra ». Ce qui n’est donc pas pour demain. Sur ce sujet, François Hollande a souligné l’attitude de la France. « Nous n’avons pas parlé du désarmement, nous l’avons fait », a-t-il dit, en rappelant le principe de stricte suffisance. « Si les autres arsenaux devaient baisser, la France en tirerait les conséquences. Nous en sommes loin aujourd’hui », a-t-il ajouté.

Le président Hollande a ensuite mis en avant deux priorités, qui figure d’ailleurs dans le Livre blanc de 2013 : l’entrée en vigueur du traité sur la suppression des essais nucléaire et la suppression de la production des matières fissiles permettant de fabriquer des armes. « Nous proposerons un traité ambitieux sur ces questions dans les semaines à venir », a-t-il annoncé.

Au passage, le locataire de l’Élysée avait promis de la transparence… Et il a tenu sa promesse en dévoilant les capacités nucléaires françaises. « Je ne crains pas d’informer que la France dispose de trois lots de 16 missiles M51 portés par sous-marins et de 54 vecteurs (missiles) ASMP-A », mis en oeuvre par les Rafale B F3 et les Mirage 2000N des escadrons 1/91 Gascogne et 2/4 La Fayette. « Et je souhaite que tous les Etats disposant de l’arme nucléaire fassent le même effort de vérité pour toutes les catégories d’armes de leur arsenal nucléaire », a-t-il ajouté.

Pour le reste, le chef des armées a renvoyé les opposants à la composante aéroportée des forces stratégiques françaises à leurs chères études. Pour lui, ces dernières permettent une gradation de la réponse à apporter en cas ce crise tout en prenant une part active aux missions conventionnelles.

Plus généralement, la dissuasion nucléaire, qui est également sous contrainte budgétaire tout en ne renonçant pas aux efforts nécessaires pour assurer sa crédibilité, tire les forces conventionnelles vers le haut. Sans l’ASMP-A, par exemple, il n’y aurait sans doute pas de missile de croisière Scalp.

« Certains moyens, qui concourent à la dissuasion, sont utilisés : satellites, ravitailleurs, chasseurs de mines », a d’ailleurs rappelé M. Hollande, qui a aussi souligné la force de frappe « stimule nos efforts de recherche et de développement et concoure à la compétitivité de notre industrie ».

« La défense n’est pas une charge, n’est pas qu’un investissement. Elle est ce qui nous permet d’être libres », a estimé le chef de l’État. Or, « il n’y a pas d’indépendant s’il n’y a pas de liberté », a-t-il ajouter. Avant d’insister à nouveau : « La dissuasion nucléaire nous permet de vivre libres ».

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