Le chef de la diplomatie allemande plaide pour une relance du dialogue Otan/Russie

Les oreilles des dirigeants russes ont dû siffler le 2 décembre. Ce jour-là, les 28 ministres des Affaires étrangères des pays membres de l’Otan ont condamné, lors d’une réunion à Bruxelles, la « déstabilisation continue et délibérée par la Russie de l’est de l’Ukraine  » et demandé à Moscou de revenir sur l’annexion de la Crimée, ancien territoire ukrainien. Et les reproches n’ont pas manqué.

Depuis le cessez-le-feu conclu à Minsk le 5 septembre dernier entre Kiev et les rebelles du Donbass (sud-est de l’Ukraine) appuyés par Moscou (qui s’en défend), « la Russie a envoyé plusieurs centaines de pièces d’équipements militaires, dont des chars, des blindés et de l’artillerie lourde, directement aux séparatistes pro-russs en Ukraine », a ainsi accusé John Kerry, le secrétaire d’État américain. « Les forces militaires russes opèrent toujours dans l’est de l’Ukraine, où elles soutiennent les séparatistes sur le plan du commandement », a-t-il poursuivi, lors d’une conférence de presse.

« Les accords de Minsk [dont celui sur le cessez-le-feu] restent un cadre qui pourrait ouvrir la voie à une solution pacifique », a, pour sa part, déclaré Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Otan. « L’Ukraine s’est véritablement efforcée de respecter ses engagements. Ce que n’ont pas fait la Russie et les séparatistes soutenus par Moscou.  Nous appelons la Russie à honorer ses obligations. Elle doit pour cela retirer ses forces et son équipement militaire déployés en territoire ukrainien et le long de la frontière avec l’Ukraine. Et permettre un contrôle international effectif de la frontière », a-t-il ajouté.

Les ministres ont aussi condamné le « renforcement du dispositif militaire russe en Crimée » et « exprimé leurs préoccupations concernant le nouveau renforcement du dispositif militaire auquel la Russie prévoit de procéder dans la région de la mer Noire ». La semaine passée, le général Philip Breedlove, le commandant suprême des forces alliées en Europe (SACEUR) s’en était inquiété.

« Les équipements qui sont en train d’être installés en Crimée (…), les missiles de croisière et les missiles anti-aériens sont capables d’avoir à leur portée la totalité de (la région) de la mer Noire », avait-il affirmé, en disant craindre également le déploiement dans l’ancienne péninsule ukrainienne « d’armes nucléaires ». Dans les faits, la Russie a décidé d’y installer une station d’alerte antimissile et d’allouer 1,75 milliards d’euros d’ici 2020 au développement et à la modernisation de sa flotte de la mer Noire. En outre, 14 nouveaux avions de combat y ont été affectés (10 Su-27 et 4 Su-30 M2).

Cela étant, et à en croire la presse d’outre-Rhin, le ministre allemand des Affaires étrangères, Franz Walter Steinmeier, a un peu surpris ses homologues en prônant une relance du Conseil Otan-Russie (COR), une instance créée après la fin de la Guerre froide qui n’a plus été convoquée depuis l’annexion de la Crimée.

« Avec la suspension complète du Conseil Otan-Russie, nous avons réduit les relations sur tous les fronts (avec la Russie) », a ainsi déclaré M. Steinmeier. « Dès lors, nous avons actuellement très peu de moyens pour parler d’événements qui surviennent soudainement, comme par exemple les manoeuvres internationales, les survols (d’avions) ou la présence de navires de guerre russes dans des régions éloignées du monde, et nous n’avons pas la possibilité de juger quelle en est la motivation et s’il faut s’en inquiéter ou pas », a-t-il expliqué, en disant craindre, à l’avenir, des situations « hors de contrôle ».

Il faut dire que M. Seteinmeier est issu du parti social-démocrate (SPD), qui, sous l’impulsion de Willy Brandt mit un terme à la doctrine « Hallstein », adopta l’Ostpolitik, c’est à dire une politique de rapprochement et de détente avec le bloc de l’Est, du temps de l’URSS.

Cependant, la chancelière allemande, Angela Merkel, n’est pas tout à fait sur cette ligne et se veut plus ferme à l’égard du Kremlin. Récemment, elle a fait part de ses inquiétudes sur les manoeuvres russes dans les Balkans, en Géorgie et en Moldavie. L’hebdomadaire Der Spiegel a d’ailleurs fait état d’une note du gouvernement allemand sur la « stratégie diplomatique agressive » suivie par Moscou dans la région.

Quoi qu’il en soit, la proposition de M. Steinmeier, qui a parlé d’une reprise des contacts avec la Russie « au niveau des ambassadeurs » ou des « experts militaires », aurait reçu le soutien des Pays-Bas et de l’Italie. En revanche, elle n’a visiblement pas reçu un bon accueil chez certains alliés, comme la Pologne et les pays baltes, pour qui réunir à nouveau le Conseil Otan-Russe serait un « signal de faiblesse » envoyé à Moscou.

« Les canaux de communication politiques restent ouverts et il y a toujours des contacts de militaires à militaires entre l’Otan et la Russie », a, de son côté, commenté M. Stoltenberg. « Mais il doit y avoir une volonté des deux côtés », a-t-il souligné. « Je suis d’accord pour dire que nous avons besoin de contacts », mais ces discussions doivent avoir du « contenu (…) afin d’arriver à plus de transparence et de prévisibilité », a-t-il conclu.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]