Les sanctions contre Moscou vont-elles affecter les lancements de satellites militaires américains?
Le vice-premier ministre russe, Dmitri Rogozine, en charge du complexe militaro-industriel, a vivement réagi à l’annonce de nouvelles sanctions prises par Washington à l’égard de Moscou pour son rôle dans la crise ukrainienne. « S’ils veulent frapper le secteur russe des fusées, ils (ndlr, les Américains) vont automatiquement, par rebond, exposer leur cosmonautes de la Station spatiale internationale (ISS) », a-t-il déclaré.
« Des sanctions, ce sont toujours un boomerang qui revient vers son lanceur pour le frapper très violemment », a-t-il même ajouté, le 28 avril.
Pour rappel, le seul moyen d’envoyer des astronautes à bord de la station spatiale est d’avoir recours à des vaisseaux Soyouz, les navettes américaines ayant été retirées du service. Seulement, il n’y a pas que l’ISS qui est susceptible d’être touchée par ces sanctions : le lancement des satellites de l’US Air Force pourrait également en souffrir si jamais cette situation venait à s’éterniser.
En décembre 2013, des contrats portant sur 36 lancement de satellites d’ici 2030 pour 70 milliards de dollars, a été octroyé au consortium ULA (United Launch Alliance), un consortium formé par Lockheed-Martin et Boeing. Seulement, la procédure d’attribution de ce marché a été remise en cause par Elon Musk, le Pdg de SpaceX, une société qui livre, pour le compte de la Nasa, du fret à l’ISS via ses capsules Dragon.
Pour ce dernier, les principes de libre concurrence n’ont pas été respectés lors de l’appel d’offres alors que SpaceX a fait valoir que les coûts d’utilisation de ses lanceurs Falcon 1 et Falcon 9 étaient jusqu’à 4 fois moins chers par rapport aux tarifs proposés par ULA. Mais ce n’est pas tout : il se trouve que le consortium dispose, piur ses lancements, de fusées Delta et Atlas V.
Or, cette dernière, lancée pour la première fois en 2002, utilise des moteurs russes RD-180, commercialisés par RD Amross, une co-entreprise appartenant à Pratt & Whitney Rocketdyne et NPO Energomash. Et c’est justement cet aspect que SpaceX, par ailleurs soutenu par l’influent sénateur John McCain, a fait valoir devant l’US Court of Federal Claims.
Ainsi, le 30 avril, Mme le juge Susan Braden a interdit à ULA d’acquérir des moteurs RD-180, estimant que cela « violerait les sanctions américaines contre des responsables russes ». Cette décision implique également l’interdiction d’effectuer des paiements au motoriste russe, sous réserve, toutefois, que « les départements d’Etat, du Trésor et du Commerce spécifient que ces paiements ne sont pas une violation directe ou indirecte des sanctions ».
Reste à voir quelles seront les conséquences sur le programme des lancements des satellites militaires américains. Pour le moment, ULA peut toujours utiliser ses lanceurs Delta IV, conçus par Boeing. L’un d’entre eux a d’ailleurs mis sur orbite, en février, le satellite USA-248, destiné au système GPS (Global Positioning System).
Par ailleurs, un responsable du Pentagone avait confié, il y a quelques semaines, qu’ULA avait suffisamment de moteurs RD-180 pour deux ans.