Comment faire circuler l’information pour rendre les armées plus efficaces?

En 1918, et au terme de quatre ans de guerre, l’armée française avait su devenir la plus moderne et la plus puissante du monde. Et cela malgré un potentiel démographique, économique et industriel moindre par rapport aux autres belligérants.

Dans une récente Lettre du Retex, le colonel Michel Goya, dont le dernier livre, « Sous le feu : La mort comme hypothèse de travail« , fait beaucoup parler, et en bien), avance que cette « transformation » a été acquise grâce à « l’avancement en fonction des résultats obtenus » mais qu’elle a été aussi (et surtout) le fruit d’une « gestion des idées particulièrement efficace » reposant sur « la culture scientifique des officiers d’active et la culture militaire des élites civiles », « l’acceptation de l’expérimentation et d’investissements ‘exploratoires’ dès le temps de paix », une « circulation rapide des informations verticalement comme horizontalement entre les unités », le « soutien aux innovateurs militaires » et « l’acceptation de débats internes ».

Repérer les innovations possibles en matière d’armement venant de la « base », c’est à dire de ceux censés les utiliser, voilà ce qui pourrait permettre de gagner en efficacité. Et l’exemple français en 14-18 le montre. En outre, avec les technologies de l’information telles que nous les connaissons aujourd’hui, rien ne serait plus facile de faire circuler les idées, tant « horizontalement » que « verticalement ».

En tout cas, aux Etats-Unis, cette approche est privilégiée : l’US Army a en effet mis en ligne le site Internet ArmyCoCreate.com, destiné à recueillir les idées et les avis des soldats américains, qu’ils soient encore en activité ou non. « En ce moment, l’armée est pleine de ressources, avec ces soldats qui reviennent d’Afghanistan avec une richesse opérationnelle », a expliqué, en novembre dernier le colonel Steven Sliwa, le directeur de la Rapid Equipping Force (REF). « Il est important de maintenir ces connaissance » a-t-il ajouté.

Dans la même veine, la Darpa, l’agence de recherche et de développement du Pentagone, a pris l’initiative de mettre en ligne un catalogue d’applications « open source », afin de pouvoir « rapidement développer des logiciels pertinents pour le gouvernement » en espérant réunir des « experts » intéressés.

Et en France? L’on ne peut pas dire qu’aucune intiative n’ait été prise. Lors de l’élaboration du dernier Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale (LBDSN), une plate-forme « participative » avait été ouverte sur Intradef, le réseau interne du ministère de la Défense. « Je compte sur vous, sur vos idées et ce site est l’un des moyens pour les faire entendre », avait déclaré le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, aux marsouins du 3e RIMa, lors de l’annonce de la création de cet espace.

Trois mois après, le Secrétariat général pour l’administration (SGA) fit savoir, en parlant de succès, que l’audience de ce site interne s’élevait à 1 million de pages vues pour 135.000 visites, avec seulement 1.450 militaires et agents civils de la défense inscrit. En outre, 4.000 contributions furent envoyées par ce biais. Que sont-elles devenues par la suite? Quelle a été leur traduction dans le LBDSN? Pour ne pas faire de mauvais esprit, on se gardera de tenter d’y répondre…

Sans doute que la dernière initiative en date de l’Etat-major des armées, prise en collaboration avec le SGA et la Direction générale de l’armement (DGA), donnera lieu à davantage d’action concrètes. Dans le cadre du « choc de simplifications » souhaité par le président Hollande, une autre « plateforme participative » a en effet été mise en ligne sur l’Intradef depuis le début du mois, afin de faire remonter les propositions des militaires et des agents civils de la Défense visant à simplifier les tâches et les procédures de soutien au sein du ministère. Il est également possible de commenter les idées émises, à la condition que cela se fasse avec un « esprit constructif ».

Visiblement, cette initiative a l’air de marcher car, d’après le ministère de la Défense, 66 mesures ont déjà été répertoriées et validées, dont « 26 à mettre en œuvre, 24 à l’étude, et 16 particulièrement emblématiques réalisées récemment ». Et d’ajouter : « Cette plateforme devrait faire émerger rapidement de nouvelles pistes de simplification exploitables. C’est bien là son objectif ».

Faire donc en sorte que l’information circule pour gagner en efficacité… L’armée de l’Air, avec son concept de « base aérienne virtuelle », y travaille. L’idée est de développer une sorte de réseau social ouvert à tous les aviateurs.

« L’intérêt est d’instaurer une grande interactivité. Il sera possible de proposer la création de nouvelles communautés et un animateur sera désigné dans chacune d’entre elles pour faire vivre le dialogue, relancer les débats ou lancer de nouveaux sujets », avait expliqué, dans les colonnes d’Air Actualités (mai 2013), le colonel Delerce, délégué du personnel auprès du chef d’état-major de l’armée de l’Air (CEMAA). Et les grades ne seront pas affichés, « car nous ne souhaitons pas qu’il y ait un lien hiérarchique dans les conversations. Chacun sera l’égal de l’autre », avait-il ajouté.

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