La mise au point du Pdg de Dassault Aviation

Donnant le bras à Serge Dassault lors du dernier salon du Bourget, le président Hollande lâcha cette petite phrase : « C’est l’Etat qui soutient Dassault… comme d’habitude ». Et ce mot fut élu « blagounette hollandaise de l’année » par un jury de 48 journalistes réunis à La Rochelle à l’occasion des universités d’été du Parti socialiste. Cela montre à l’évidence une méconnaissance du constructeur français.

Que se serait-il passé si Dassault Aviation n’avait jamais existé? La composante aéroportée de la dissuasion nucléaire française n’aurait très probablement pas vu le jour sans le Mirage IV, l’armée de l’Air disposerait de F-16, voire d’Eurofighter et la Marine nationale alignerait des F-18. Comme il se poserait la question du renouvellement de ces appareils, l’on discuterait actuellement de l’opportunité d’acquérir des F-35 Lightning II, voire des Gripen au vu de l’état des comptes publics. Quant au marché de l’aviation d’affaire, il serait partagé entre Gulfstream et Bombardier, la France ayant à se priver des taxes et autres impôts qui tombent dans ses caisses grâce au succès de la gamme des Falcon.

Car c’est un fait : l’essentiel de l’activité de Dassault Aviation a trait au civil et non au militaire, qui ne représentent que 30% environ de son chiffre d’affaires. D’où la mise au point de son Pdg, Eric Trappier, dans les colonnes du quotidien Le Monde.

« Il faut en finir avec cette idée selon laquelle Dassault ‘vit aux crochets de l’Etat’ depuis des années. Affirmer que nous sommes un arsenal revient à nier la réalité des faits », a-t-il ainsi lancé. « Nous avons été capables de proposer des avions répondant aux besoins des armées, comme l’ont montré les récents conflits. Nous avons aussi tenu les budgets tout en maintenant volontairement les emplois en France, malgré les charges élevées », a-t-il expliqué.

Quant au Rafale, Eric Trappier a rappelé qu’il est le fruit d’un « choix fait dans les années 1980 » par le gouvernement français. « Il s’agissait de développer un avion répondant à des besoins opérationnels nationaux qui ne seraient pas satisfaits par l’Eurofighter, un appareil moins polyvalent et qui coûte aujourd’hui plus cher » que l’appareil de Dassault d’après « les rapports des Cours des comptes des pays concernés ».

« Et qu’aurait-on dit si la France avait acheté américain? Aujourd’hui, nous n’en aurions même pas les moyens car, à force de déraper, le développement de l’avion de combat F-35 coûte cinq fois plus cher que celui du Rafale », a encore souligné le Pdg de Dassault Aviation, après avoir admis que la « France a permis (le) développement » du groupe qu’il dirige, comme d’ailleurs cela aussi été le cas pour d’autres entreprises. « Sur les cinquante dernières années, plus de 60 % de notre production militaire a été exportée », a-t-il également fait observer.

Le prédécesseur d’Eric Trappier, Charles Edelstenne, avait carrément menacé, en 2002, de mettre un terme à l’activité militaire du constructeur aéronautique. « Dassault Aviation peut très bien vivre sans avions de combat », avait-il affirmé. « Je ne vois pas pourquoi on resterait dans le militaire si le gouvernement ne le souhaite pas. Compte tenu de l’objectif de réduction des déficits publics et de la priorité affichée pour la sécurité intérieure, je n’ai pas le sentiment qu’il relance l’effort de défense », avait-il fait valoir… il y a plus de 10 ans!

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