Chypre s’intéresse aux frégates multimissions françaises

Le FMI et la zone euro, via le Mécanisme européen de stabilité (MES), ont lancé un programme d’assistance financière qui prévoit de verser 10 milliards d’euros en 3 ans à Chypre, qui, victime collatérale de la crise grecque et d’une économie réelle atone, a frôlé la faillite au printemps dernier. En contrepartie, Nicosie a accepté un plan d’économies ainsi qu’une restructuration drastique de son secteur financier.

Cependant, la situation économique chypriote n’est pas prête de s’améliorer. Déjà en récession avant la crise qui a failli l’emporter, la Commission européenne estime que le PIB de Chypre devrait se replier de 8,7% cette année et de 12,6% en 2014. Pour autant, ces sombres perspectives ne semblent pas empêcher Nicosie d’envisager à renforcer ces capacités militaires, en particulier dans le domaine naval.

Cela peut paraître surprenant. Mais ça l’est moins quand on sait que d’importants gisements gaziers ont été découverts en 2011 en Méditerranée orientale, et donc, au large de Chypre.

Ainsi, d’après l’Institut d’études géologiques américain (US Geological Survey), le bassin du Levant, situé entre Israël et Chypre, recèlerait pas moins 3.400 milliards de mètres cubes de gaz naturel. Ce que les premiers forages ont confirmés. En décembre 2011, l’exploration de la zone appelée « Aphrodite », l’un des douze parcelles qui appartiennent à la zone économique exclusive chypriote, par le groupe américain Noble Energy, a permis de découvrir un gisement de 224 milliards de mètres cube.

La perspective d’exploiter ces ressources, dont la valeur est sans commune mesure avec les 17 milliards qu’il fallait au gouvernement chypriote pour renflouer son économie, a conduit Nicosie et Tel Aviv à signer des accords de coopérations, notamment au niveau militaire. Car, de son côté, Israël entend bien exploiter les gisements de Tamar et de Leviathan, tout aussi prometteurs que ceux découverts au large de Chypre.

Mais qui dit ressources gazières ou pétrolières dit aussi risques de conflit. En août 2012, l’Egypte a ainsi revendiqué une partie du champ gazier chypriote. Mais pour le moment, il y a d’autres problèmes plus urgents à régler au Caire… Quant à la Turquie, qui ne reconnaît que la République turqye de Chypre-Nord, elle voit d’un mauvais oeil l’exploitation de gaz naturel par Chypre dans des eaux qu’elle considère en partie comme étant les siennes. Aussi, Ankara a multiplié les exercices militaires près de la zone contestée et menacé d’exclure les compagnies gazières et pétrolières tentées de faire affaire avec Nicosie.

Et dans ce dossier, l’Union européenne est aux abonnés absents. Déjà, elle a manqué le coche en ne voulant pas gager le prêt de 10 milliards d’euros sur les recettes tirées de l’exploitation du gaz chypriote. Et puis elle se garde bien de prendre partie, car soutenir Chypre reviendrait à en faire de même avec Israël… Et cela froisserait la Turquie, toujours en négociation pour intégrer l’espace européen.

Quoi qu’il en soit, Nicosie a besoin de protéger sa poule aux oeufs d’or. D’où ses projets de renforcer sa « Garde nationale », actuellement forte de 12.000 hommes, répartis en trois composantes. Mais du point de vue capacitaire, cette armée ne pèse pas grand chose : elle ne dispose ni d’avions de combat (et seulement des hélicoptères), ni de navires de haute-mer. Ce qui est gênant si l’on veut protéger des sites d’exploitation off-shore.

« La priorité est maintenant d’obtenir des équipements modernes, à la pointe de la technologie, qui seront achetés dans les limites que nous permettent nos budgets, afin que nous puissions au moins être prêts pour tout incident possibles ou, au minimum, patrouiller et préserver correctement notre zone économique exclusive », a ainsi justifié le ministre chypriote de la Défense, Fotis Fotiou.

Dans son édition du 11 juillet, le journal chypriote Cyprus Daily a cité une source militaire du pays indiquant que le ministère de la Défense avait l’intention de se procurer deux frégates multimissions (FREMM) françaises.

Le ministre chypriote aurait ainsi mis en place un comité spécial chargé d’étudié la faisabilité de cette éventuelle acquisition. Or, pour le moment, et compte tenu de la situation économique de l’île, l’achat de deux FREMM s’annonce compliqué, pour ne pas dire compromis. Sauf à éventuellement les louer.

En tout cas, et toujours d’après le Cyprus Mail, cette question a été évoquée lors d’une rencontre entre M. Fotiou et l’ambassadeur de France à Chypre, Jean-Luc Florent. Selon une source militaire, le diplomate français aurait fait savoir que Paris était « ouvert à toutes discussions sur le sujet. »

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