Des avions russes de patrouille maritime à Djibouti?
D’un point de vue stratégique, Djibouti ne manque pas d’atouts. Situé entre le golfe d’Aden et la mer Rouge, par où transite 30% du trafic pétrolier, ce territoire sert de point d’appui à la lutte contre la piraterie maritime qui sévit au large des côtes somaliennes tout en permettant de garder un oeil sur la Somalie et ses milices islamistes affiliées à al-Qaïda ainsi que sur le Yémen, pays destabilisé par plusieurs crises.
Après les attentats du 11 septembre 2001, Djibouti a intéressé l’armée américaine, qui y a pris ses quartiers un an plus tard, sur le camp Lemonnier, une ancienne emprise militaire auparavant occupée par une unité française, à savoir le 5ème Régiment Interarmes d’Outre-Mer (RIAOM). Pour le Pentagone, il s’agit de mener depuis cette implantation des opérations de contre-terrorisme, de surveillance et de lutte contre la piraterie maritime.
Le Japon a également ouvert une base permanente à Djibouti, afin de soutenir ses missions contre la piraterie somalienne. Pour Tokyo, c’était une décision qui s’imposait, étant donné que 90% des exportations nippones passent par le golfe d’Aden.
Enfin, la France a maintenu à Djibouti une importante présence militaire, même après le départ pour les Emirats arabes unis de la 13ème Demi-Brigade de la Légion étrangère (DBLE). Les deux pays sont en effet liés par un accord de défense signé en 1977 et revu en décembre 2011.
Dans le détail, l’armée française y dispose de plusieurs unités, dont le 5ème RIAOM, un détachement de l’ALAT, l’escadron de chasse 3/11 Corse et l’Escadron de transport d’outre-Mer 88 Larzac, tous les deux installés sur la base aérienne 188 « Colonel Emile Massart » ainsi que 2 chalands de transport de matériel. Elle a en outre la charge de l’hôpital Bouffard et arme le Centre d’entraînement au combat et d’aguerrissement (CECAD).
Aussi, dans le cadre d’un réunion du Conseil de coopération franco-russe sur les questions de sécurité, organisée à Paris le 31 octobre, le ministre russe de la Défense, Anatoli Serdioukov, a exprimé son intérêt pour la BA 188 en demandant l’autorisation à la France d’y déployer deux avions de patrouille martime Il-38 May « pour lutter contre la piraterie maritime. »
Les forces russes disposent encore d’une trentaine d’exemplaires du Il-38 May. Ce quadrimoteur, entré en service à la fin des années 1960, a été modernisé il y a une dizaine d’années, avec l’installation d’un système ELINT et d’un FLIR (Forward Looking Infrared). Cet appareil doit en principe être remplacé à partir de 2015.
En attendant, l’on ignore si Paris a donné son accord à cette demande russe. Ce que l’on sait, en revanche, c’est que les ministres de la Défense de deux pays ont souligné « leur volonté de poursuivre leur coopération dans la lutte contre la piraterie maritime. » Ce qui voudrait dire que la requête émise par Moscou a des chances d’aboutir, à condition que Djibouti donne également son accord.
La marine russe a lancé ses premières opérations anti-piraterie dans le golfe d’Aden à partir d’octobre 2008. Et elle a fait parler d’elle, notamment l’an passé, en mettant en avant des méthodes pour le moins musclées.