Frapper les installations nucléaires iraniennes sera très compliqué pour l’aviation israélienne

« Israël est le garant central de sa propre sécurité. C’est notre rôle en tant qu’armée. L’Etat d’Israël doit se défendre lui-même » a déclaré, le 18 février, le général Benny Gantz, le chef d’état-major de Tsahal, à l’antenne de la télévision publique israélienne, au sujet d’une éventuelle opération militaire contre le programme nucléaire iranien, lequel est soupçonné d’avoir une dimension militaire par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).

Cet avertissement lancé par l’officier israélien a fait réagir son homologue américain, le général Martin Dempsey. « Je pense qu’il serait prématuré de prendre exclusivement une décision indiquant que le temps est venu pour une option militaire » a-t-il affirmé lors d’un entretien accordé à CNN, le lendemain. « Je pense que les sanction économiques et la coopération internationale que nous avons été capables de rassembler autour des sanctions commencent à avoir un effet » a-t-il plaidé. « Notre opinion est que le régime iralien est un acteur rationnel. Et pour cette raison, nous pensons que la voie que nous avons choisie est la plus prudente pour le moment » a-t-il aussi ajouté.

Seulement, cet appel à la prudence et les mises en garde quant aux conséquences d’une éventuelle opération militaire contre l’Iran ne semblent avoir aucun effet en Israël. « Le message d’Israël à Washington doit être le suivant : finissons-en ensemble avec la menace nucléaire de l’Iran, une menace qui pèse sur la paix mondiale. Si vous (Américains, ndlr) dirigez, tant mieux. Si nous sommes acculés à le faire (…) alors ce sera notre devoir d’assumer ce rôle » a réagi le général Uzi Dayan, l’ancien chef du Conseil de sécurité israélien.

Ainsi, ces propos tenus par des militaires israéliens, dont il a été dit qu’ils n’étaient pas très chauds pour une opération contre l’Iran, indiquent – ou font mine de le faire – qu’Israël serait prêt à agir seul sans avoir besoin de solliciter un quelconque soutien.

Seulement, l’aviation israélienne est-elle en mesure d’aller bombarder seule des sites cruciaux pour le programme nucléaire iranien? Rien n’est moins sûr… Car la tâche s’annonce autrement plus compliquée que le raid mené contre la centrale irakienne d’Osirak en 1981 ou la frappe contre un site présumé nucléaire syrien il y a maintenant un peu plus de quatre ans.

Pour retarder durablement les projets iraniens en matière nucléaire, il faudrait viser – et détruire – quatre sites. A commencer par ceux de Natanz et de Fordo, où est enrichi l’uranium. L’un est sous terre, l’autre a été construit dans la montagne. Pour traiter ce type d’objectif, l’aviation israélienne dispose de bombes américaines GBU-28, capables de transpercer 6 mètres de bêton armé. La question est de savoir si cette capacité sera suffisante… Les deux autres cibles probables sont le réacteur à eau lourde d’Arak et l’usine de yellowcoke d’Ispahan.

Mais désigner les objectifs est le plus facile à faire. Encore faut-il pouvoir les atteindre, larguer les munitions et revenir en Israël. Aussi, trois voies sont possibles pour les aviateurs israéliens.

La première, dite « nord », implique un survol de la Turquie et de la Syrie. Pour des raisons politiques, il est hautement improbable que des avions de combat israéliens soient autorisés à entrer dans l’espace aérien de ces deux pays. Idem pour la seconde voie, dite « sud », qui suppose un passage par l’Arabie Saoudite, et cela, même si une frappe contre le programme nucléaire iranien ne serait pas forcément mal vécu à Ryad.

Il reste donc la route dite « centrale », qui offre le double avantage d’être directe par rapport aux deux précédentes et de passer par l’Irak, dont l’espace aérien n’est pas protégé (et il ne n’est d’ailleurs plus par l’aviation américaine depuis décembre dernier). Cependant, les avions israéliens devront survoler pendant un court moment la Jordanie.

Une autre difficulté est la distance des objectifs iraniens susceptibles d’être visés. Et les appareils chargés de bombes consommeront davantage de carburant. Le temps passé sur les cibles devrait être bref. Autrement dit, il ne faudra pas se louper… D’autant plus que, selon les sources, l’Israeli Air Force ne dispose seulement que de 7 avions ravitailleurs KC-707 Saknaï (un autre exemplaire devrait être livré en 2012) et de 5 KC-130 Qarnaf.

Selon le New York Times, qui a interrogé des experts du Pentagone sur les besoins qu’une telle opération exigerait, il faudrait à l’aviation israélienne engager au moins une centaine d’appareils. Et outre les chasseurs bombardiers F-15 et F-16, il est aussi nécessaire de mobiliser des avions de guerre électronique pour neutraliser les défenses aériennes iraniennes. En mai 2009, une étude du Center for Strategic & International Studies (CSIS) était arrivée pratiquement à la même conclusion, à la différence près qu’il y était question de bombarder trois sites iraniens, celui de Fordo étant alors inconnu.

Le rapport du CSIS avait également évoqué, à l’époque, une attaque israélienne faisant appel à des missiles balistiques, lesquels seraient lancés contre les cibles iraniennes. En effet, Israël est relativement bien armé dans ce domaine, avec la gamme des engins « Jericho ». Selon l’étude, il faudrait 42 missiles Jericho III pour détruire au moins trois objectifs, à condition qu’ils puissent frapper la zone cible avec assez de précision, ce qui est loin d’être totalement garanti.

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