Le Pakistan annonce qu’il ne participera pas à la conférence de Bonn concernant l’avenir de l’Afghanistan
Les circonstances dans lequelles des appareils de l’Otan ont été amenés à réaliser des frappes aériennes contre une position de l’armée pakistanaise situées de l’autre côté de la frontière afghane (une vingtaine de tués, le bilan varie selon les sources) demeurent troubles.
Selon les premiers éléments disponibles, qui s’appuient sur des déclarations faites anonymement par des responsables afghans et occidentaux, des forces spéciales afghanes et américaines auraient été prises à partie par des insurgés près de la frontière. Une demande d’appui au sol aurait alors été faite. Et c’est en poursuivant les assaillants qu’il y aurait eu méprise. Reste à déterminer si l’origine de ces tirs, s’ils sont avérés, venaient du Pakistan.
A noter que les responsables militaires des troupes américaines déployées dans l’est de l’Afghanistan ont déjà fait part d’une hausse de tirs de roquettes depuis le territoire pakistanais cette année. Ainsi, le 7 octobre dernier, 140 engins ont été lancés depuis le Pakistan sur un poste de combat situé dans la province afghane de Paktika. Et l’hypothèse d’un concours extérieur apporté aux insurgés lors de cette attaque, n’est pas totalement exclu.
Pour y voir clair, deux enquêtes ont été ouvertes. L’une est conduite par l’ISAF, l’autre, par le général Stephen Clark, de l’état-major de l’Air Force Special Operations Command, mandaté par l’US Centcom, le commandement américain pour le Moyen Orient et l’Asie centrale.
Cela étant, l’armée pakistanaise, qui parle « d’agression délibérée » de la part de l’Otan, a opposé un démenti aux allégations selon lesquelles ses soldats auraient ouvert le feu sur des troupes afghanes et américaines. « Cela n’est pas vrai. Ils se fabriquent des excuses » a déclaré, d’après l’AFP, son porte-parole, le général Athar Abbas. Et comme il ne s’agit du premier incident de ce type, l’officier a fait valoir que 72 militaires pakistanais avaient été tués au cours de ces trois dernières années par des tirs venant du côté afghan.
Quoi qu’il en soit, Islamabad a décidé de prendre des mesures de rétorsions pour protester contre cette « bavure », qui met les autorités civiles pakistanaises dans une mauvaise posture face à une opinion publique anti-américaine dans sa majorité et fait le jeu des radicaux islamistes.
« Vous ne pouvez gagner aucune guerre sans le soutien des masses, et nous avons besoin d’eux, (or) ce genre d’incident les éloignent » a ainsi déclaré le Premier ministre pakistanais, Yousuf Raza Gilani, lors d’un entretien accordé à CNN. « Nous ne traiterons plus comme nous le faisions d’habitude, il nous en faudra davantage pour que le pays soit satisfait », a-t-il averti, au sujet de la relation qu’entretient son pays avec les Etats-Unis.
En premier lieu, le gouvernement pakistanais a interdit le passage des convois de ravitaillement destinés aux troupes de la coalition engagée en Afghanistan via la passe Khyber. Si l’Otan a cherché des voies alternatives depuis maintenant quelques années, il n’en reste pas moins que 48% de la logistique passe par le Pakistan (30% pour la seule armée américaine). Et si les stocks permettent de tenir à court terme, il ne faudrait pas que cette situation dure trop longtemps.
Une autre mesure prise par Islamabad est plus surprenante puisqu’elle concerne la base aérienne de Shamsi, située dans le Balouchistan, et à partir de laquelle opéraient les drones Predator de la CIA, qui depuis, auraient été déplacés à Jalalabad, en Afghanistan. Le passé est de mise puisqu’en juillet dernier, le Washington Post a confirmé, sur la foi de déclarations de responsables américains et pakistanais, que cette emprise n’était plus utilisée par la centrale de Langley. Et l’on peut donc nourrir quelques interrogations quant à la demande adressée aux Etats-Unis d’évacuer cette emprise…
Enfin, la dernière décision pakistanaise concerne la prochaine conférence de Bonn portant sur l’avenir de l’Afghanistan. Si Washington n’a pas intérêt à se brouiller avec Islamabad (qui a, de sont côté, d’ailleurs besoin de l’aide financière américaine), c’est parce que les responsables américains comptent sur le Pakistan pour amener les taliban et autres insurgés afghans, soupçonnés d’être soutenus par les services de renseignement pakistanais, à la table des négociations afin de trouver une issue politique au conflit qui mine l’Afghanistan.
Or, il se trouve que le Pakistan a indiqué, ce 29 novembre, qu’il ne prendrait pas part à cette conférence, qui doit avoir lieu le 5 décembre prochain, en signe de protestation contre la « bavure » de l’Otan. Plus de 100 pays se réuniront à Bonn pour évoquer le sort de l’Afghanistan. Et il devrait donc manquer celui qui a le plus d’influence sur la scène afghane…