Le patron de Thales sur un siège éjectable

C’est en 2011 que l’on verra si la stratégie mise en place il y a deux ans par LucVigneron, le patron de Thales, donne ses fruits. L’objectif du plan Probasis était alors d’améliorer la marge opérationnelle du groupe et de dégager un gain de productivité de 1,3 milliard d’euros sur cinq ans, avec à la clé une profonde réorganisation.

En attendant, Thales, contrôlé par l’Etat et Dassault Aviation, avec respectivement 27% et 25,9% du capital, connaît une période agitée, avec des baisses de commandes dues pour une part aux réductions des dépenses militaires en Europe et un climat social alourdi par l’annonce de suppression d’emplois, des tensions salariales et une « crise de gouvernance » dénoncée par les syndicats.

Plusieurs dossiers déterminants attendent pas ailleurs le groupe français d’électronique. Il est ainsi question d’un rapprochement avec Nexter (ex-Giat industries), avec lequel il a remporté l’appel d’offres concernant le contrat d’architecture du programme Scorpion, pour le compte de l’armée de Terre, en compagnie de Sagem.

A cela s’ajoute la possible montée dans le capital de DCNS, le constructeur naval, au terme d’un pacte d’actionnaire conclu avec l’Etat, lequel arrivera à échéance en mars 2012. Seulement, si le gouvernement souhaite cette opération, le patron de Thales n’en veut pas. Enfin, l’échange d’actifs avec Safran est toujours voulu par le ministère de la Défense, sans pour autant aboutir pour le moment, en raison de l’intransigeance des deux groupes.

Outre ces perspectives, des bruits – qui ont même fait l’objet d’un courrier évoqué par La Tribune sans plus de précisions – indiquent que Thales se retrouverait « très affaibli chez ses clients » et parlent d’engagements « non honorés » et de marchés définitivement « inaccessibles », ce qui mettrait « le groupe en danger », avec d’autres suppressions d’emplois, ce qui n’est pas très bon à la veille d’une année électorale.

Aussi, toujours selon le quotidien La Tribune, qui cite une « source proche du dossier », « Luc Vigneron a été lâché par l’Etat » lors d’un conseil sur la politique de défense, qui s’est tenu le 31 janvier dernier, en présence du président Sarkozy. Autrement dit, l’actuel patron de Thales est sur un siège éjectable, lequel pourrait fonctionner si Dassault Aviation, qui l’a imposé à la tête du groupe en mai 2009, est d’accord. Ce qui n’est pas encore le cas. Du moins, pour le moment.

Quoi qu’il en soit, cela explique la surprenante charge de Charles Edelstenne, le Pdg du constructeur aéronautique, contre l’ancienne direction de Thales, le 2 février dernier, à l’Assemblée nationale. Et le prédécesseur de LucVigneron, Denis Ranque, en a pris pour son grade puisqu’il a été rendu responsable d’avoir signé des « contrats avec des pertes astronomiques » et d’avoir pris des décisions « dans un esprit fire and forget ».

Cela étant, il reste à voir si Dassault Aviation finira par se ranger aux côté de l’exécutif, qui souhaite par ailleurs faire de Thales l’un des pilliers de la consolidation de l’industrie de défense française. La réponse sera sans doute donnée à l’occasion de l’assemblée générale du groupe, en mai prochain.

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