La Russie ne veut pas perdre le Nord
Pour reprendre les mots de l’ethnologue Jean Malaurie, l’ambassadeur de l’UNESCO pour les régions polaires, l’Arctique est comparable à l’Arabie Saoudite des années 1920, époque où ont été découverts les premiers puits de pétrole qui ont fait la fortune du royaume.
Les ressources de cette région sont en effet d’autant plus prometteuses qu’elles seront plus facilement exploitables en raison du changement climatique observé, ce qui les livrera à des convoitises qualifiées de « féroces » par Michel Rocard, le nouvel ambassadeur français chargé des négociations internationales portant sur cette région.
Ainsi, les pays qui bordent l’océan Arctique – les Etats-Unis, la Russie, le Canada, la Norvège et le Danemark avec le Groenland – se livrent une bataille, pour l’instant juridique et scientifique, pour déterminer les zones sur lesquelles ils pourront exercer leur souveraineté.
La Convention des Nations unies sur le droit de la mer indique que les pays concernés sont autorisés à étendre leurs droits pour l’exploitation des ressources naturelles au-delà de 200 milles marins à condition d’établir que cette extension soit « la prolongation naturelle du plateau continental ».
Or, cette disposition donne lieu à des revendications territoriales portant sur la dorsale de Lomonossov, découverte en 1948. Pour la Russie, qui a envoyé une expédition scientifique en 2007 sur cette chaîne de montagnes sous-marine pour y planter un drapeau à 4.000 mètres de profondeur, il ne fait aucun doute que cette dorsale est une extension de son plateau continental. Ce qui est contesté par le Canada et le Danemark qui ont apporté des preuves en 2008 qui « démontrent que la dorsale de Lomonoissov se rattache aux plaques continentales de l’Amérique du Nord et du Groenland ».
Cela étant, et en attendant que cette question soit tranchée, la Russie a élaboré une stratégie pour l’Arctique, approuvée en septembre 2008 par le président Dmitri Medvedev et récemment mise en ligne sur le site Internet du Conseil de sécurité russe.
« Il est nécessaire de créer des unités militaires (…) dans la zone arctique de la Fédération de Russie afin d’y assurer la sécurité militaire » indique le document, selon lequel, par ailleurs, la « surveillance des côtes » sera assurée par le Service fédéral de sécurité, le FSB, c’est à dire le successeur du KGB. L’idée de Moscou est « d’utiliser la zone arctique (…) en tant que base stratégique de ressources naturelles ».
La stratégie russe se décline en trois phase. La première (2010-2010) consiste à fixer « les frontières de la Russie dans l’Arctique » sur la foi d’études géologiques et géographiques. A partir de là, il sera ensuite possible d’obtenir la reconnaissance officielle des frontières des différents Etats ayant une façade maritime sur l’Arctique, ce qui constitue la seconde étape dont le terme est fixé à 2015. Enfin, la dernière phase doit permettre à la Russie de faire de l’Arctique sa « base stratégique de ressources ».