Le renseignement américain doute de la volonté de Pyongyang à renoncer à l’arme nucléaire

Le 12 juin, à l’issue d’une rencontre avec Donald Trump, le président américain, Kim Jong-un, le chef du régime nord-coréen, a réaffirmé « son engagement ferme et inébranlable en faveur d’une dénucléarisation complète de la péninsule coréenne. » Cependant, aucun calendrier n’a été fixé pour atteindre cet objectif. Pas plus qu’il n’a été prévu de mettre en place un mécanisme d’inspection pour vérifier la réalité du démantèlement du programme nucléaire de la Corée du Nord.

En revanche, Kim Jong-un a obtenu une invitation à la Maison Blanche (ainsi que la promesse d’une visite de M. Trump à Pyongyang) ainsi que la suspension des exercices militaires conjoints entre les forces américaines et sud-coréenne. Qui plus est, certaines voix (Russie et Chine) suggèrent désormais un allégement des sanctions prises contre la Corée du Nord par le Conseil de sécurité des Nations unies pour ses essais d’armes nucléaires et de missiles balistiques intercontinentaux.

Cela étant, on ignore l’étendue exacte des activités nucléaires nord-coréennes. Si certains des sites relatifs à ce programme sont connus, d’autres restent secrets. D’où, d’ailleurs, l’importance d’un mécanisme d’inspection…

Quoi qu’il en soit, plusieurs éléments tendent à mettre en cause la sincérité de l’engagement de Kim Jong-un au sujet de la dénucléarisation de la péninsule coréenne.

Ainsi, le 27 juin, le site 38 North, édité par le Stimson Center, a publié des images du complexe nucléaire de Yongbyon, prises quelques jours plus tôt par les satellites français « Pléiades » [mis en oeuvre par le CNES, ndlr]. Leur analyse montrent que d’importants travaux sont en cours.

« Les images de satellites privés datées du 21 juin montrent que des améliorations sur les infrastructures du Centre de recherche scientifique de Yongbyon se poursuivent à un rythme rapide » écrit 38 North. De nouveaux bâtiments d’ingénierie ont été construits et une nouvelle pompe de refroidissement a été installée sur le réacteur nucléaire du site.

Pour rappel, le complexe de Yongbyon, situé à une centaine de kilomètres de Pyngyang, avait fourni le matériau le premier essai nucléaire nord-coréen, en octobre 2006. Il est estimé qu’il peut produire jusqu’à 2 kg de plutonium par an.

Cependant, les analystes de 38 North ont invité à ne pas tirer de conclusions hâtives, les équipes chargées d’exploiter ce site ayant continué leur travail en attendant des « ordres spécifiques » de Pyongyang avant d’y mettre fin.

Mais, trois jours plus tard, le Washington Post a apporté de nouveaux éléments en citant des rapports de la Defence Intelligence Agency [DIA], c’est à dire l’agence de renseignement du Pentagone. Selon l’estimation de cette dernière, qui s’appuis sur des informations recueillies après le sommet du 12 juin, les autorités nord-coréennes « étudient les moyens de tromper » leurs homologues américaines « sur le nombre d’ogives nucléaire et de missiles, ainsi que sur les types et le nombre de leurs installations, considérant que les États-Unis ne sont pas au courant de leurs activités. »

Outre le complexe de Yongbyon, la Corée du Nord disposerait d’un second site d’enrichissement d’uranium à Kangson. Et ses capacités seraient même deux fois plus importantes que le premier. La DIA ainsi que d’autres responsables du renseignement américain estiment qu’il existe d’autres installations cachées.

Plus tard, la chaîne de télévision NBC a confirmé les informations du Washington Post, en citant des propos tenus sous le sceau de l’anonymat par « plus d’une douzaine de responsbles américains ». Selon eux, le régime nord-coréen cherche à obtenir le plus de concessions possibles de l’adminitration Trump tout en voulant conserver ses armes nuclaires « qu’il croit essentielles à sa survie. » Qui plus est, Pyongyang aurait même augmenté sa production d’uranium enrichi alors même que les discussions diplomatiques commençaient pour aboutir au sommet du 12 juin.

« Il y a beaucoup de choses que nous savons et que la Corée du Nord a essayé de nous cacher depuis longtemps », a commenté l’un de ces responsables.

Mais il n’y a pas que sur son programme nucléaire que Pyongyang ferait des cachotteries. Ce 2 juillet, le Wall Street Journal a en effet révélé qu’un chantier était en passe de se terminer sur le site d’une importante usine de fabrication de missiles balistiques à combustible solide et de véhicules d’entrée pour les ogives, située à Hamhung. Telle est la conclusion de chercheurs du Centre James Martin, qui dépend de l’Institut d’études internationales de Middlebury [Monterey, Californie], après l’analyse d’images satellitaires fournies par Planet Labs.

Par rapport à ceux à combustible liquide, les missiles à combustibles solides ont l’avantage d’être plus faciles à stocker et à déplacer.

« L’expansion de l’infrastructure de l’usine de fusées à combustible solide suppose probablement que Kim Jong-un ne prévoit pas d’abandonner son programme nucléaire », estime David Schmerler, un analyste de l’institut californien.

Invité de CBS News, la veille, John Bolton, le conseiller à la sécurité nationale du président américain, a expliqué les États-Unis espéraient voir le démantèlement de l’arsenal nucléaire nord-coréen d’ici un an. Refusant de commenter les informations du Washington Post, il a réfuté toute naïveté de la part de l’administration Trump. « Nous avons vu comment les Nord-Coréens se comportaient avant », a-t-il dit.

Et M. Bolton d’ajouter : « Le président a été très clair : il ne commettra pas les mêmes erreurs que les administrations précédentes, nous allons continuer et nous verrons ce qui se passera. »

Avant la diffusion de ces informations relatives au programme nucléaire nord-coréen, le président Trump s’était dit confiant. « J’ai fait un deal avec lui [Kim Jong-un]. Je lui ai serré la main. Je crois vraiment qu’il est sérieux », avait-il dit, dans un entretien donné à Fox News. « Je pense qu’ils veulent le faire. Nous avons une très bonne alchimie », avait-il ajouté.

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