Pouvant emporter la torpille nucléaire « Poseidon », le sous-marin russe Belgorod aurait pris la mer

Lors de l’allocution qu’il a prononcée le 21 septembre dernier pour annoncer la mobilisation de 300’000 réservistes et son soutien aux référendums d’annexion devant être organisés dans quatre régions ukrainiennes contrôlées par ses troupes, le président russe, Vladimir Poutine, a promis d’utiliser « tous les moyens à [sa] disposition » pour protéger « l’intégrité territoriale » et « l’indépendance de la Russie », après avoir dénoncé des « menaces occidentales » ayant « dépassé toutes les limites ». Et d’avertir : « Ceux qui essaient de nous faire chanter avec des armes nucléaires doivent savoir que la rose des vents peut tourner dans leur direction ».

Ce n’était pas la première fois que le chef du Kremlin évoquait le possible emploi de l’arme nucléaire. Ceux « qui tenteraient d’interférer avec nous doivent savoir que la réponse de la Russie sera immédiate et conduire à des conséquences que vous n’avez encore jamais connu », avait-il en effet prévenu quelques heures après le début de l’invasion de l’Ukraine. Et, trois jours après, Moscou mit ses forces stratégiques en alerte, alors que celles-ci venaient de participer, une semaine plus tôt, à l’exercice Grom 22, dont l’objectif était d’évaluer leur état de préparation.

Depuis, l’offensive lancée par la Russie contre l’Ukraine ne se déroule pas conformément aux plans établis par son état-major : la tentative de prendre Kiev s’est soldée par un échec, les forces russes ont revu leur dispositif pour se concentrer sur les régions du Donbass et de Kherson. Après avoir progressé difficilement, elles sont désormais mises en grande difficulté par une contre-attaque de l’armée ukrainienne, laquelle peut compter sur le soutien matériel des Occidentaux.

Aussi, les menaces de M. Poutine prennent sont à prendre au sérieux. Elles ne concernent pas seulement le recours à l’arme nucléaire… étant donné qu’elles peuvent prendre la forme d’actions difficilement attribuables [mais aux effets potentiellement dévastateurs], comme celles relevant des opérations sur les fonds marins, voire dans l’espace.

Quoi qu’il en soit, et selon des images diffusées via les réseaux sociaux, le président russe entend peut-être démonter qu’il ne « bluffe » pas. Ainsi, des vidéos ont montré un convoi ferroviaire transportant des blindés légers de type BPM-97 Vystrel à Serguiev Possad, localité située à une soixantaine de kilomètres au nord de Moscou.

Or, selon l’analyste militaire Konrad Muzyka, cité par le quotidien « The Times », ces BMP-97 « Vystrel » seraient armés d’une tourelle de 30 mm. Et de tels véhicules sont exclusivement utilisés par la 12e Direction principale du ministère russe de la Défense [GUMO], chargée du transport, de la sécurité et du stockage des armes nucléaires.

Pour autant, et comme on ignore la destination de ce convoi ferroviaire, il serait imprudent de tirer la moindre conclusion pour le moment. Il est en effet possible que des unités de « contre-sabotage » soient déployées dans les régions ukrainiennes contrôlées par la Russie, où des sites militaires ont semblé avoir fait l’objet d’opérations « spéciales ». Ou bien encore qu’il ne s’agisse que de la préparation à une nouvelle édition de l’exercice Grom, qui a habituellement lieu en octobre.

Cela étant, d’autres images sont plus explicites : elles montrent un long convoi ferrorivaire transportant des tracteurs-érecteurs-lanceurs [TEL] de missiles balistiques Iskander [code Otan : SS-26 Stone]. Pouvant emporter une charge nucléaire ou conventionnelle et ayant une portée de 50 à 500 km, ces engins sont suceptibles d’être utilisés comme des missiles tactiques. La vidéo aurait été prise le 2 octobre [ce qui ne peut pas être vérifié] et aucune donnée de géolocalisation n’est disponible.

Dans un autre registre, le quotidien italien La Repubblica a fait état, le 2 octobre, d’un rapport de l’Otan selon lequel le sous-marin nucléaire K-329 Belgorod aurait quitté la base de Severodvinsk, probablement pour des essais en mer Blanche. Pour rappel, ce navire a été officiellement remis à la marine russe le 8 juillet dernier par le chantier naval Sevmash.

Or, ce sous-marin nucléaire lanceur de missiles de croisière appartenant à la classe Oscar II été modifié pour le compte de la « Direction principale de la recherche en haute mer du ministère de la Défense de la Fédération de Russie » [GUGI]. Il peut ainsi emporter des sous-marins à propulsion nucléaire de type Losharik [2000 tonnes de déplacement pour 78 mètres de long] ou Kashalot, de dimensions plus modestes. Mais, surtout, il est en mesure de mettre en oeuvre six exemplaires de la torpille nucléaire « dronisée » Poséidon, laquelle fait partie des armes « invincibles » dévoilées par M. Poutine en mars 2008. D’une portée illimitée, elle pourrait naviguer à la vitesse d’environ 70 noeuds, à une profondeur de 1000 mètres.

D’après la Repubblica, « l’alerte vient d’un rapport de renseignement envoyé par l’Otan aux commandements alliés les plus importants ces derniers jours. Il concerne les mouvements du sous-marin nucléaire Belgorod, devenu opérationnel en juillet. Actuellement, il serait déployé dans le grand Nord et il est à craindre que sa mission soit de tester pour la première fois la super-torpille Poséidon ». Ce qui n’est pas impossible puisque le Belgorod n’a, a priori, pas encore effectué de déploiement de longue durée afin de vérifier ses capacités militaires.

Présidente de Doctrine & Strategy Consulting et ancienne analyste de la Defense Intelligence Agency [DIA, renseignement militaire américain], Rebekah Koffler a estimé que le K-329 Belgorod ne serait pas pleinement opérationel d’ici 2027. Cependant, a-t-elle confié à Fox News, la Russie « pourrait tester » une torpille Poseidon, ce qui serait une « façon d’intimider à la fos l’Ukraine et ses alliés de l’Otan », avant de souligner la discrétion des sous-marins russes.

« Il y a eu des moments où des sous-marins d’attaque à propulsion nucléaire russes, armés de missiles de croisière à longue portée, ont opéré sans être détectés pendant des semaines près des côtes américaines », a en effet rappelé Mme Koffler.

Photo : archive

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]