Le ministre britannique de la Défense vise un budget de 100 milliards de livres sterling à l’horizon 2029-30

A priori, la revue stratégique publiée par Londres en mars 2021 a donné lieu à des duels à fleurets mouchetés entre Rishi Sunak, alors chancelier de l’Échiquier [c’est à dire le Trésor britannique] et Ben Wallace, le ministre de la Défense. Ce qui a contraint ce dernier à des arbitrages, faits principalement aux dépens de la British Army, le format de celle-ci devant alors être de nouveau réduit à seulement 72’500 soldats [contre 82’000 actuellement] et, entre autres, à 148 chars de combat Challenger 3.

Pour justifier de telles décisions, il avait été avancé, à l’époque, que la British Army devait miser sur les évolutions technologiques [et sur la robotique en particulier] afin de se préparer aux « guerres de demain » et non à celles d’hier. Tel est « l’élément de langage » généralement servi en pareil cas. Sauf que, à force de penser à demain, on en viendrait à oublier le présent. Et c’est ce que rappelle la guerre en Ukraine.

En mai dernier, et alors qu’il s’apprêtait à quitter ses fonctions, le général Sir Mark Carleton-Smith, alors chef d’état-major de la British Army, confessa qu’il ne se sentait « pas à l’aider avec une armée de seulmeent 73’000 hommes ». Et lors de l’élaboration de la revue stratégique de 2021, il assura avoir plaidé en faveur du maintien à un format de 82’000 soldats. « Devoir se limiter à 73’000 hommes a été surprenant. C’est un chiffre un peu arbitraire », confia-t-il à Soldier Magazine.

Quoi qu’il en soit, ayant soutenu la candidature de Liz Truss à la succession de Ben Johnson, démissionnaire de son poste de Premier ministre, M. Wallace a depuis été maintenu au ministère de la Défense [MoD]. Et Rishi Sunak, qui avait aussi l’ambition d’occuper le 10 Downing Street, n’est plus le chancelier de l’Échiquier… Et ce qui avait été décidé il y a un an n’est désormais plus valable, notamment à la lumière des enseignements tirés de la guerre en Ukraine.

La nouvelle cheffe du gouvernement britannique ayant promis de porter le niveau des dépenses militaires à 3% du PIB d’ici à 2030, Ben Wallace a confirmé cette ambition, dans un entretien publié par le quotidien « The Telegraph », le 25 septembre. Et, au passage, il a réglé ses comptes avec M. Sunak [voire aussi avec ses prédécesseurs].

Déjà, Mme Truss a indiqué qu’une autre revue de défense et de politique étrangère va être élaborée afin de corriger la précédente. Et ce sera dans le cadre de celle-ci que s’inscrira la hausse très significative des dépenses militaires britanniques.

« La raison pour laquelle j’ai soutenu Liz Truss était que les risques que nous étions prêts à accepter au milieu de la décennie ne sont plus ceux que je veux tolérer à la lumière de l’agression russe. […] Il y a certains risques que nous ne pouvons plus vraiment prendre. Et c’est pourquoi j’ai écrit au chancelier [de l’Échiquier] en mars dernier pour lui dire que nous avons besoin des choses que nous n’avons pas reçues dans la revue stratégique [de 2021] alors que nous les avions demandées », a-t-il dit.

S’il admet que les réductions budgétaires décidées arprès la Guerre Froide étaient normales, M. Wallace a déploré que le Trésor ait par la suite mené une sorte de « raid d’entreprise » [fait de diriger ou d’orchestrer une prise de contrôle hostile d’une entreprise, ndlr] contre le MoD, au point d’influer sur le format des forces armées.

Quoi qu’il en soit, si l’on s’en tient à l’ambition décrite par M. Wallace, les dépenses britanniques de la Défense pourraient atteindre les 100 milliards de livres sterling à l’horizon 2030 [soit 112 milliards d’euros au taux de change actuel, ndlr]. En clair, Londres dépensera 52 milliards de livres de plus pour ses armées par rapport à aujourd’hui.

« Sans ce changement, nous nous dirigeons vers moins de 2%. Mais selon les prévisions actuelles, cela représente environ un budget de 100 milliards de livres sterling en 2029-30. Nous sommes actuellement à 48 milliards de livres sterling. Voilà donc la différence. En huit ans, c’est une somme énorme », a détaillé M. Wallace. Visiblement, Londres n’entend pas être en reste par rapport à Berlin, qui veut faire de ses forces armées la « pierre angulaire » de la défense européenne » dans le cadre de l’Otan.

À noter que, lorsqu’il était Premier ministre, Boris Johnson a signé un investissement de 24 milliards de livres sterling, sur quatre ans, au profit des forces armées britanniques.

Pour autant, la manne évoquée par M. Wallace ne se traduira forcément pas par la réactivation de régiments dissous… Mais plutôt par des investissements plus conséquents dans certaines capacités clés, dont l’artillerie, le renseignement électromagnétique, la guerre électronique et la lutte anti-drones. Ce serait une « perte totale de temps » de simplement rétablir les troupes comme elles étaient dans les années 1980″, a-t-il fait valoir. En tout cas, les leçons de l’Ukraine « seront tirées », a-t-il dit.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]