Une augmentation du format de l’aviation de combat française paraît inéluctable

Dans le cadre de la réforme des armées conduite en 2008, l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE] a dû réduire le format de son aviation de combat, fermer une quinzaine de bases aériennes [dont celles de Dijon, Cambrai, Colmar, Reims, etc] et supprimer 18’500 postes. Cela s’est traduit par la dissolution de plusieurs escadrons, alors dotés d’avions dont la fin de vie opérationnelle était proche [comme pour le Mirage F1, par exemple… ou encore certains Mirage 2000].

En outre, au nom du principe de « stricte suffisance » de la dissuasion nucléaire, et à la faveur de l’entrée en service progressive du Rafale B, les Forces aériennes stratégiques [FAS] ne comptent plus que deux unités dotées du missile ASMP-A [Air-Sol Moyenne Portée Améliorée], après la dissolution des escadrons 1/4 « Dauphiné » et 3/4 « Limousin ».

La réforme de 2008 était censée adapter le format des forces françaises au contexte international de l’époque, tout en générant de substantielles économies [ce qui ne s’est pas produit….].

Or, les contrats opérationnels qui avaient été fixés par le Livre blanc sur la défense, publié la même année, furent largement été dépassés par la suite, fragilisant ainsi les forces françaises.

« Nous sommes engagés sur trois théâtres d’opérations extérieures alors que les contrats opérationnels n’en prévoient qu’un, engagés à partir de 3 bases aériennes projetées au lieu d’une, avec 20 avions de combat au lieu de 12 » et le tout avec « une intensité d’engagement trois à quatre fois supérieure à la norme d’activité annuelle pour les avions de chasse », avait ainsi souligné le général André Lanata, en 2017, alors qu’il était chef d’état-major de l’armée de l’Air.

Ayant pour finalité d’amorcer la remontée en puissance des forces françaises dans un contexte marqué par le retour de la compétition entre puissances [et de l’hypothèse de la « haute intensité »], la LPM 2019-25 a fixé l’ambition 2030, laquelle prévoit de doter les forces aériennes de 225 Rafale [185 pour l’armée de l’Air et 40 pour la Marine nationale] et de 55 Mirage 2000D rénovés. La question est de savoir si un tel format est suffisant…

Ces dernières années, pour tenir son contrat opérationnel, l’AAE a profité de la polyvalence du Rafale pour solliciter davantage les deux escadrons des FAS, ceux-ci ayant été régulièrement engagés sur des théâtres d’opérations extérieurs, tout en assurant des missions relevant de la posture permanente de sûreté aérienne [PPSA]… mais sans renoncer évidemment pour autant à tenir l’alerte nucléaire, qui exige des entraînements aussi soutenus que réguliers.

« Ces sollicitations ne laissent chaque matin aux commandants d’escadrilles, responsables de l’organisation de l’activité aérienne des équipages, qu’un nombre d’avions juste suffisant pour assurer l’entraînement à bon niveau de leurs équipages, d’autant que le volume d’heures de vol nécessaires pour atteindre ce niveau sur un avion omni-rôle est nécessairement plus important que sur un chasseur mono-mission. Outre les conséquences en termes de sécurité des vols, cette limitation porte en elle le germe de difficultés à maîtriser pleinement un système d’arme complexe », prévient ainsi le général Bruno Maigret, ancien commandant des FAS, dans son livre « Opération Poker ».

En outre, avant d’en arriver à un éventuel raid nucléaire, des opérations conventionnelles seront certainement menées… Ce qui entraînera une attrition, et donc une baisse du nombre d’avions de combat disponibles. Dans le même temps, il faudra que l’AAE soit en mesure de tenir l’alerte nucléaire ainsi que la protection de l’espace aérien national.

« Le nombre d’appareils en excédent par rapport aux appareils nécessaires » à ces deux missions [PPSA et alerte nucléaire] « représente la marge disponible permettant au président de la République d’agir dans le mode conventionnel avant d’entamer un dialogue stratégique d’une autre nature », souligne le général Maigret. Et cela ne peut donc que poser la question du format de l’aviation de chasse.

Au minimum, et comme un Rafale ne peut se trouver à deux endroits différents au même moment, il faudrait sans doute au moins deux escadrons de chasse supplémentaires, ceux-ci pouvant suppléer ceux des FAS dans leurs missions conventionnelles. Ce qui suppose un investissement minimum [et au doigt mouillé] de 6 à 7 milliards d’euros. Car, outre l’achat des avions [Rafale] et des munitions, cela suppose de recruter, de former et d’entraîner des nouveaux pilotes… mais aussi des techniciens [et plus généralement, tous les spécialistes qui leur permettront de décoller]. Et cela entraîne d’autres problèmes à régler, comme les capacités en matière de formation et les infrastructures.

À ce sujet, une autre question porte sur l’affection de ces deux hypothètiques escadrons, après les nombreuses dissolutions de bases aériennes… Celles de Luxeuil et d’Orange pourraient cependant éventuellement convenir dans la mesure où, par le passé, elles ont abrité jusqu’à trois escadrons [contre un seul actuellement]. En tout cas, ces fermetures de ces plateformes aéronautiques, il y a dix ans, peuvent être préjudiciables de nos jours, étant donné qu’elles privent actuellement l’AAE d’une capacité de dispersion de ses moyens.

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