Situation confuse au Burkina Faso, où le président Kaboré a été arrêté par des soldats mutins

Depuis maintenant plusieurs années, le Burkina Faso passe pour être le « maillon faible » du combat contre les organisations terroristes jihadistes qui sévissent au Sahel. Et cela pour au moins deux raisons.

La première est que, délaissée par Ouagadougou, une partie de la population de la province du Soum [nord du pays] a été séduite par le discours « social » et la remise en cause des chefferies coutumières prônés par le groupe jihadiste Ansarul Islam [lié à al-Qaïda], bien qu’affaibli par les coups portés par la force française Barkahne. Qui plus est, il faut ajouter des tensions intercommunautaires entre Peuls et Mossis, les seconds, majoritaires dans le pays, accusant les premiers d’avoir des accointances avec les terroristes.

La seconde raison tient aux capacités insuffisantes des forces de sécurité locales, dont la situation ne s’est pas arrangée après le départ – forcé – du pouvoir de Blaise Compaoré, en octobre 2014. Celles-ci ont en effet été désorganisées, avec la dissolution d’unités d’élite, comme le Régiment de sécurité présidentielle [RSP].

Pour faire face à des attaques jihadistes toujours plus nombreuses, en particulier dans le nord et l’est du pays, le gouvernement burkinabè a décrété l’état d’urgence dans plusieurs régions, renforcé la coopération militaire avec la France, en donnant un cadre juridique à toute éventuelle intervention de Barkhane sur son sol, et mis sur pied une force supplétive composée de civils, appelés « Volontaires pour la défense de la patrie » [VDP].

Pour autant, ces mesures se sont révélées insuffisantes, le Burkina Faso ayant encore été, ces derniers mois, la cible d’attaques particulièrement meurtrières, comme celle ayant visé la localité de Solha, dans la nuit du 4 au 5 juin 2021 [160 tués]. Comme le Mali, ce pays est par ailleurs le théâtre de luttes d’influence…

Ainsi, en septembre dernier, Ouagadougou a signé un accord militaire avec la Turquie. Et, plus récemment, on a pu voir des drapeaux russes brandis par des manifestants ayant tenté de bloquer un convoi de la force Barkhane. Et certains d’envisager un recours au groupe paramilitaire russe Wagner, comme l’a fait, début janvier, un éditorialiste du quotidien « Le Pays », qui est l’un des plus populaires au Burkina Faso.

Quoi qu’il en soit, et comme on a pu déjà le voir au Nigéria, où certaines unités militaires engagées contre les groupes jihadistes Boko Haram et État islamique en Afrique de l’Ouest [ISWAP] ont protesté contre le manque de moyens et d’équipements, des mutineries ont éclaté dans plusieurs casernes des forces burkinabè, le 23 janvier. Soit deux semaines près qu’une tentative de coup d’État a été déjouée avce l’arrestation de huit militaires, dont le lieutenant-colonel Emmanuel Zoungrana, chef du corps du 12e régiment d’infanterie commando.

Ainsi, les mutins ont réclamé le départ des chefs de l’armée ainsi que des « moyens adaptés » au combat contre les groupes armés terroristes. Les casernes de Sangoulé Lamizana et de Baba Sy, de même qu’à la base aérienne de Ouagadougou, à Ouahigouya [où quatre militaires français ont été blessés par un engin explosif improvisé, la semaine passée] et à Kaya.

Plus tard, à Ouagadougou, des manifestants, disant soutenir les militaires mutinés, ont incendié le siège du Mouvement du peuple pour le progrès [le parti au pouvoir, ndlr], avant d’être dispersés par les forces de l’ordre. Puis, dans la soirée, alors qu’un couvre-feu avait été décrété, des tirs ont été entendus dans le quartier de Patte d’oie, où est située la résidence du président burkinabè, Roch Marc Christian Kaboré.

Et, selon plusieurs sources cités par RFI et France24, celui-ci a été arrêté par des mutins. Il serait actuellement retenu dans un camp militaire de Ouagadougou. Une déclaration devrait être faite « dans les prochaines heures », a confié un officier burkinabè.

D’après l’AFP, le président Kaboré serait « aux mains des soldats », à la caserne Sangoulé Lamizana, à Ouagadougou. Il ne serait pas le seul : le chef du Parlement et plusieurs ministres auraient également été arrêtés.

À noter que ce camp militaire abrite également la Maison d’arrêt et de correction des armées [Maca] où est incarcéré le général Gilbert Diendéré, un proche de l’ancien président Blaise Compaoré [renversé par un coup d’État en octobre 2014, ndlr] et condamné à 20 ans de prison pour une tentative de putsch en 2015.

Pour le moment, seule la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest [Cédéao] a réagi en disant « suivre avec une grande préoccupation » la situation à Ouagadougou tout en demandant aux militaieres de « demeurer dans une posture républicaine et de privilégier le dialogue avec les autorités ».

Évidemment, et après le Mali, un coup d’État au Burkina Faso, par ailleurs membre du G5 Sahel, risque de compliquer davantage les opérations anti-terroristes menées par les forces françaises [et, désormais, européennes, avec Takuba] dans la région. Pour rappel, le groupement de forces spéciales Sabre, qui relève de Barkhane, est présent dans ce pays.

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