Le blocage d’un convoi de Barkhane au Burkina Faso souligne l’importance de la lutte informatique d’influence

Depuis maintenant deux ans environ, la force Barkhane est visée par des campagnes de fausses informations [ou « infox »] qui, notamment diffusées sur les réseaux sociaux, visent à alimenter un sentiment anti-français afin de servir, visiblement, les intérêts d’autres puissances.

« Il est clair que le Sahel est […] un enjeu d’influence entre les grandes puissances. Alors certains de ces acteurs, dont il faut souligner qu’ils n’y sont pas engagés militairement, cherchent néanmoins à nous concurrencer. […] Pour citer quelques pays, il y a évidemment la Turquie et il y a la Russie. L’une comme l’autre cherchent à s’imposer, s’infiltrer dans les interstices et toujours à nous discréditer », avait encore dénoncé Florence Parly, la ministre des Armées, lors d’une audition parlementaire, en janvier.

D’où l’élaboration d’une doctrine en matière de « lutte informatique d’influence » pour contrer de telles campagnes de désinformation, qui profitent de la sensibilité des opinions publiques sahéliennes aux discours anti-coloniaux pour prospérer.

« Je ne supporte plus ces rumeurs, ces allégations et ces accusations mensongères qui font un mal absolument terrible et des ravages dans les opinions publiques des pays que nous venons aider », s’était emporté le général François Lecointre, alors chef d’état-major des armées [CEMA], à l’antenne de RFI, en novembre 2019.

La trame de ces discours est en effet que la présence militaire française au Sahel se justifierait par l’exploitation des ressources minières des pays de la région… Ce qui est factuellement faux. « Les interventions de l’armée française n’ont pas permis à l’ancienne puissance coloniale de compenser son déclin économique en Afrique, y compris en Libye depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011 », ont ainsi avancé, chiffres à l’appui, Marc-Antoine Pérouse de Montclos, directeur de recherches, Institut de recherche pour le développement [IRD] et Thierry Hommel, Economiste, École des Ponts ParisTech [ENPC].

Quoi qu’il en soit, ces rumeurs et autres « infox » commencent à produire des effets sur le terrain. En témoigne la difficulté qu’éprouve actuellement un convoi militaire français pour traverser le Burkina Faso.

Parti, la semaine passée, d’Abidjan [Côte d’Ivoire] pour rejoindre Gao [Mali], ce convoi d’une soixantaine de véhicules [dont des Griffon de commandement], a été bloqué une première fois dans les environs de Bobo-Dioulasso par des manifestants ayant répondu à l’appel de la « Coalition des patriotes africains – Burkina Faso » [COPA-BF]. Ayant pu reprendre sa progression, il a de nouveau été arrêté à la hauteur de la ville de Kaya, par plusieurs centaines de personnes, dont certaines, selon au moins une vidéo, ont exhibé un drapeau russe. Et Là, la situation a failli dégénérer le 21 novembre.

Ne pouvant plus avancer, les véhicules du convoi militaire français ont été rassemblés sur un terrain vague. Seulement, des manifestants ont tenté de s’approcher du périmètre, ce qui a donné lieu à des tirs de sommation. Quatre personnes auraient été blessées selon une source hospitalière locale, dont les propos ont été rapportés par l’AFP.

Les gendarmes burkinabés ayant aussi effectué des tirs de sommation, il n’est pas possible, en l’état, de savoir par qui ont été blessés ces civils.

« Un groupe de manifestants a tenté de découper le grillage pour rentrer dans l’emprise et les gendarmes burkinabés ont tiré des grenades lacrymogènes pour disperser la foule. Les soldats français ont effectué quelques tirs de sommation au-dessus de la foule », expliqué l’État-major des armées [EMA] à l’AFP. « Il n’y a aucun blessé du fait de l’action des militaires français. Nous n’avons connaissance d’aucun blessé, même suite aux tirs de grenade lacrymogène », a-t-il assuré.

Puis, dans la nuit du 20 au 21 novembre, le convoi a quitté Kaya pour revenir à Ouagadougou. Et, selon RFI, il se trouve désormais à Loango, à une trentaine de kilomètres de la capitale, dans une zone sécurisée par les gendarmes burkinabés. « L’objectif était d’éviter tout simplement une nouvelle journée de face à face avec la population afin de faire redescendre la tension », a expliqué le colonel Pascal Ianni, le porte-parole de l’EMA.

Quand ce convoi pourra-t-il reprendre la route? Cela paraît compliqué pour le moment, des manifestants s’étant déjà mobilisés dans d’autres localités qu’il est susceptible de traverser, comme à Fada N’Gourma.

Jusqu’à présent, les militaires français n’avaient jamais eu de problèmes particuliers pour traverser le Burkina Faso… Mais une attaque lancée le 14 novembre par des jihadistes présumés contre un détachement de la gendarmerie burkinabée à Inata [53 morts, dont 4 civils, ndlr] a fait monter le ressentiment contre la force Barkhane, laquelle se trouve faussement accusée de livrer des armes aux terroristes par la COPA-BF.

« Nous avons donné le mot d’ordre dans tout le pays : ils ne passeront pas. La France est complice des terroristes. On ne peut pas accepter que ses militaires traversent notre territoire avec de l’armement qui pourrait être livré à nos ennemis », a affirmé Roland Bayala, le porte-parole de la COPA-BF.

« Il y a des manipulateurs, par les réseaux sociaux, les fausses nouvelles, l’instrumentalisation d’une partie de la presse, qui jouent contre la France. Certains, parfois même inspirés, par des réseaux européens. Je pense à la Russie », a accusé Jean-Yves Le Drian, le ministre français des Affaires étrangères, lors de l’émission « Le Grand Jury RTL/LCI/Le Figaro », le 21 novembre. Et de rappeler qu’au Sahel, « il y a cinq pays qui demandent l’aide de la France pour lutter contre le terrorisme. Nous répondons à leur demande, avec l’appui des Nations-Unies ».

Photo : capture d’image

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