Un comité stratégique plaide pour un renforcement significatif des capacités militaires de la Belgique

Durant plusieurs années, coupes budgétaires, sous-investissement chronique et restructurations auront été le lot de la Défense belge. Au point que l’un de ces chefs d’état-major se risqua à dire qu’elle était « sur les rotules » et que les États-Unis, via leur ambassadeur en poste à Bruxelles, se démandèrent, en 2015, si la Belgique pouvait encore être considérée comme un « allié fiable » au regard de la faiblesse de ses dépenses militaires.

Cela étant, en décembre 2015, et compte tenu de l’évolution du contexte international, le ministre belge de la Défense d’alors, Steven Vandeput, dévoilé une « vision stratégique », visant à moderniser les capacités militaires du pays à l’horizon 2030. Une enveloppe de 9,2 milliards d’euros devait alors permettre d’acquérir de nouveaux avions de combat, des drones MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance], de renouveler les frégates, de renforcer la composante terrestre ainsi que les moyens dans les domaines du cyber et du renseignement. Seulement, il était aussi question de réduire une nouvelle fois les effectifs, ces derniers devant passer de 32.000 à 25.000 personnels.

Depuis, ce plan s’est concrétisé l’achat de 34 avions de combat F-35A et de drones MQ-9B Skyguardian, ainsi qu’avec le lancement du programme CaMo qui, mené en coopération avec la France, vise à acquérir 382 véhicules blindés multi-rôles [VBMR] Griffon et 60 engins blindés de reconnaissance et de combat [EBRC] Jaguar. En outre, dans le domaine naval, le renouvellement des capacités en matière de guerre des mines a été mis sur les rails, en coopération avec le Pays-Bas. De même que l’achat de deux frégates.

Étant donné que le contexte international est toujours lourd de menaces, par ailleurs accentuées par la pandémie de covid-19, et qu’un conflit de « haute intensité » fait désormais partie des hypothèses, cet effort de modernisation reste insuffisant aux yeux des rédacteurs d’un rapport qui, commandé en janvier dernier par Ludivine Ludivine Dedonder, a été présenté au Parlement le 23 juin [.pdf].

« En dépit d’importantes acquisitions au cours de la législature précédente, nos capacités sont encore insuffisantes. De plus, les capacités doivent être rééquilibrées entre la sécurité collective et la défense collective du territoire [une tâche négligée depuis la fin de la Guerre froide] », ont en effet estimé les auteurs de ce document.

Aussi, poursuivent-il, il est « urgent de recapitaliser le personnel afin de répondre aux exigences des missions et des capacités »… et de faire un effort sur les équipements, en particulier sur ceux de la composante terrestre, qui est celle qui « présente le plus de lacunes ».

« Les partenaires de la Belgique au sein de l’Otan attendent de notre pays une brigade motorisée pleinement opérationnelle, prête au combat, durable et déployable. Le projet CaMo ne permet pas d’atteindre cet objectif », avancent les experts, estimant que les moyens d’appui-feu indirect et direct et des systèmes de défense aérienne tactique font défaut.

Pour y remédier, le rapport préconise de poursuivre le plan de développement défini dans la Vision stratégique adoptée en 2016, en particulier pour ce qui « concerne l’application du feu indirect [artillerie], mais également la défense aérienne basée au sol [GBAD]/les systèmes aériens sans pilote [C-UAS] et leurs capteurs associés ». Et il évoque également une éventuelle participation de la Belgique au programme franco-allemand MGCS [Main Ground Combat System], qui doit aboutir au développement d’un nouveau char de combat ainsi qu’à d’autres systèmes associés.

S’agissant de la composante navale, les experts belges ne font pas de recommandation précise, si n’est qu’il font le constat qu’elle « ne dispose pas des plates-formes nécessaires pour garantir une présence permanente à la mer ». Et d’ajouter : « Dans le cadre de la révision de la stratégie maritime de l’UE et compte tenu de l’importance de la liberté de navigation pour une économie ouverte comme la Belgique, il est essentiel de réévaluer les moyens nécessaires pour contribuer à nos responsabilités internationales et les assumer ».

La modernisation de la composante aérienne de la Défense belge a fait couler beaucoup d’encre ces derniers mois, notamment avec l’acquisition de 34 avions F-35A. Dernièrement, ce contrat a encore fait des vagues, quelques députés d’outre-Quiévrain l’ayant une nouvelle fois remis en cause après les critiques faites par des responsables américains à l’égard de l’appareil de Lockheed-Martin.

Comme on pouvait s’en douter, le nombre d’avions de combat commandés est insuffisant… comme l’avait d’ailleurs estimé l’Otan, pour qui la Belgique devrait disposer d’au moins 45 F-35A.

Cet avis est partagé par les auteurs du rapport puisqu’ils recommandent d' »augmenter le petit nombre envisagé de 34 F-35 au moyen de plates-formes multirôles supplémentaires et de drones d’appui loyaux, de missiles air-air à très longue portée et de missiles de croisière ».

Il n’est pas clair s’il s’agit de passer une nouvelle commande de F-35A ou s’il est question de compléter leurs capacités avec d’autres moyens…

Quoi qu’il en soit, les experts évoquent une contribution de la Belgique à la défense antimissile de l’Otan, par « des capacités antibalistiques, en tenant compte des changements induits par les systèmes hypersoniques ». Quant aux drones MALE MQ-9B, ils recommandent de les doter d’une capacité de frappe au sol.

Évidemment, tout cela nécessite des investissements conséquents que l’actuel budget la Défense ne permet pas de couvrir. D’autant plus que, comme le souligne le rapport, il doit diminuer de 0,89% en 2021.

« Conformément à la note de politique générale de notre ministre de la Défense, l’objectif est de porter nos dépenses de défense à 1,24 % du PIB pré-COVID-19. […] Cette augmentation du pouvoir d’achat sera essentielle si nous voulons continuer à accomplir nos tâches
principales et si nous voulons rester un partenaire fiable pour nos alliés. Maintenir notre budget en adéquation avec nos missions et nos tâches sera le principal défi », préviennent les experts. La balle est maintenant dans le camp des responsables politiques belges…

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