Il est impossible de savoir ce que sont devenus les 16000 soldats formés par la mission européenne EUTM Mali

L’un des axes de la stratégie française pour la bande sahélo-saharienne [BSS] est de favoriser la montée en puissance des forces armées locales tout en mettant les groupes armés terroristes [GAT] à la portée de ces dernières. Pour cela, la Mission de formation de l’Union européenne au Mali [EUTM Mali] tient un rôle important.

Lancée dès 2013, cette mission européenne a vu la portée de son mandat élargi en mars 2020. Avec un budget de 133,7 millions d’euros pour une période de quatre ans, elle devra en effet être en mesure de contribuer à la formation des soldats appartenant aux forces armées locales et, par extension, à la Force conjointe du G5 Sahel.

Reconnaissant l’apport d’EUTM Mali, dont l’arrêt des activités pendant sept mois, en raison de la pandémie de covid-19 et du coup d’État survenu à Bamako en août 2020, s’est « immédiatement ressenti sur le niveau d’entraînement des Forces armées maliennes » [FAMa], les députées Sereine Mauborgne [LREM] et Nathalie Serre [LR], qui viennent de rendre un rapport sur l’opération Barkhane, estiment qu’il « conviendra de se montrer vigilant pour qu’élargissement [de seon mandat] ne se transforme pas en dispersion ».

Et cela d’autant plus, a souligné Mme Serre, que l’EUTM a ses « propres fragilités, liés à un effet Tour de Babel et au ‘turn over’ de ses personnels. »

Ces fragilités avaient déjà été soulignées lors d’une communication faite par le Sénat, en 2018. En effet, le président de la commission sénatoriale des Affaires étrangères et de la Défense, Christian Cambon, avait expliqué que le manque d’instructeurs francophones et le recours aux traducteurs « ne facilitaient pas la meilleure compréhension entre tous les acteurs ». En outre, il avait été déploré que l’EUTM Mali ne formait de sous-officiers, alors que ces derniers sont la colonne vertébrale d’une force armée.

En outre, les sénateurs relevèrent un autre problème : le manque de suivi des soldats formés par l’EUTM Mali à Koulikoro. « Les Maliens […] éparpillent les stagiaires au lieu de les projeter en unités constituées, alors même que les stages de 5 semaines de formation ont créé le minimum de cohésion qui fait si cruellement défaut à leurs unités », avait en effet constaté M. Cambon.

Trois ans plus tard, on en est au même point. « 16.000 militaires maliens ont été formés depuis 2013 par l’EUTM Mali. Mais en l’absence d’un système de gestion de ressources humaines performant, il est impossible de savoir avoir précision ce qu’ils sont devenus », a indiqué Nathalie Serre.

Et cela rejoint un autre problème : celui de la « bancarisation », c’est à dire l’obligation pour les militaires maliens d’ouvrir un compte en banque afin de pouvoir percevoir leurs soldes. Or, cela ne concerne que les seuls officiers, sous-officiers et militaires du rang ne percevant leurs salaires qu’en argent liquide.

Évidemment, cela ne peut que favoriser les détournements et les fraudes, comme on l’a vu en Irak, où il fut mis en lumière, en 2014, que les forces armées comptaient 50.000 soldats fictifs… qui percevaient des soldes bien réelles [mais qui allaient dans la poche d’officiers peu scrupuleux].

Quoi qu’il en soit, cette question sur la bancarisation des soldes a été une « surprise » pour les deux députées.

« Nous croyions dur comme fer que la bancarisation des soldes étaient bien avancée et, en fait, à notre grande surprise, on a découvert que […] seuls les officiers bénéficient de la bancarisation », a déclaré Mme Mauborgne, qui n’a pas pu être en mesure de donner les raisons d’un tel choix.

Mais au-delà, a continué la députée, « il faut bien avoir conscience de la difficulté […] d’assurer l’ensemble du soutien ». Notamment en raison de l’élongation des distances mais aussi à cause du risque de détournements. Cela vaut pour les pièces détachées, l’essence et la nourriture. « Sur la question des munitions, il y a aussi des problématiques importantes qui peuvent parfois expliquer l’absence de volonté de combattre » parmi les FAMa, a relevé Mme Mauborgne.

Photo : EUTM MALI

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