Le Sénat est « plutôt optimiste » sur la validation de la prochaine phase du SCAF par le Parlement allemand

La semaine passée, Dassault Aviation et Airbus Defence & Space, qui représente les intérêts de l’Allemagne et de l’Espagne, ont fini par trouver un accord sur le partage des tâches dans le cadre de la phase 1B du programme SCAF [Système de combat aérien du futur], dont les travaux sont dirigés par la France.

L’enjeu de cette phase 1B est de mettre au point un démonstrateur du « New Generation Fighter », l’avion de combat sur lequel reposera le SCAF, d’ici 2026.

Jusqu’alors, estimant avoir déjà fait beaucoup trop de concessions à Airbus, Dassault Aviation n’entendait plus rien céder sur les questions de propriété intellectuelle ainsi que sur le partage des tâches les plus sensibles. Céder sur ces points reviendrait pour l’industriel français à renoncer à la maîtrise d’oeuvre qui lui a pourtant été confiée.

Aussi, si on ne connaît pas le contenu de l’accord qui a été transmis aux trois États impliqués dans le programme [France, Allemagne et Espagne], il est peu probable que Dassault Aviation ait capitulé face aux exigences d’Airbus Defence & Space. Et sans doute que le plan B évoqué par son Pdg, Éric Trappier, a fait bouger les lignes…

Quoi qu’il en soit, le président de la commission sénatoriale des Affaires étrangères et de la Défense, Christian Cambon, a publié un communiqué, le 6 avril, pour se « réjouir » de cet accord. Il s’agit, sauf erreur, d’une première réaction officielle.

Dans cette affaire, la commission présidée par M. Cambon a joué un rôle important, notamment en auditionnant les industriels concernés.

Aussi, « d’après la presse, les auditions publiques successives au Sénat ont joué un rôle de catalyseur des négociations », n’a pas manqué de relever M. Cambon. « Dans ces dossiers qui touchent directement à la souveraineté et à la sécurité des générations à venir, on a trop tendance, en France, à oublier l’importance du Parlement. Sur de tels enjeux, le débat démocratique et l’information transparente de l’opinion publique sont indispensables », a-t-il ajouté.

Cependant, la phase 1B n’est pas lancée pour autant. Il faut l’accord entre Dassault Aviation et Airbus Defence & Space soit validé par les États. Puis il devra être examiné par le Bundestag [chambre basse du Parlement allemand], qui a toujours son mot à dire dès qu’un investissement supérieur à 25 millions d’euros doit être effectué.

En 2020, au moment de lancer la phase 1A, les députés d’outre-Rhin firent des difficultés, estimant que les intérêts de l’industrie allemande étaient insuffisamment pris en compte dans ce programme. Cependant, ils finirent pas donner leur feu vert, mais en exigeant des garanties industrielles et que le projet franco-allemand de char du futur [MGCS – Main Ground Combat System] avançât au même rythme que le SCAF.

Qu’en sera-t-il cette fois-ci, après les débats de ces dernières semaines sur le partage des tâches et les questions de propriété intellectuelle? D’autant que l’accord sur la phase 1B doit être validé d’ici l’été prochain, c’est à dire avant les prochaines élections fédérales allemandes, à l’issue incertaine.

« De mes échanges récents avec plusieurs de mes collègues du Bundestag, je suis plutôt optimiste, ce qui n’était pas le cas il y a encore quelques semaines. Je les appelle à appuyer ce projet historique qui donne un contenu très concret à l’autonomie stratégique européenne », a indiqué Christian Cambon.

Cela étant, le NGF – le pilier n°1 du programme – est une chose… La motorisation du futur avion de combat en est une autre. Sur ce point, La Tribune indique, ce 7 avril, que le français Safran et l’allemand MTU se sont mis d’accord pour que le démonstrateur soit doté de moteurs M-88 [ceux du Rafale] améliorés, écartant l’espagnol ITP, qui plaidait pour l’Eurojet, le réacteur de l’Eurofighter.

Cela étant, même si les députés allemands donnent leur accord, le programme SCAF n’en aura probablement pas terminé avec les soucis. Et l’un d’eux pourrait bien être budgétaire.

En effet, fin mars, le ministre allemand des Finances, le social-démocrate Olaf Scholz, a dévoilé les grandes orientations budgéraires pour les quatre prochaines années. S’il progressera de 5% en 2022, pour s’établir à 49,29 milliards d’euros [contre 46,9 milliards cette année, ndlr], le budget de la Bundeswehr [forces armées allemandes] devrait diminuer assez significativement par la suite.

Ainsi, le plan de M. Scholz prévoit d’allouer à la Bundeswehr 46,3 milliards d’euros en 2023, puis 46,1 milliards en 2024 et 45,6 milliards en 2025. Rien ne dit que cette trajectoire financière sera respectée : cela dépendra des élections de septembre prochain… et des couleurs de la coalition gouvernementale qui prendra les rênes du pays.

En attendant, pour la ministre allemande de la Défense, Annegret Kramp-Karrenbauer, le compte d’y est évidemment pas. D’autant plus que la Bundeswehr doit financer une quinzaine de programmes majeurs d’armement. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle avait dit espérer un budget de 61,5 milliards d’euros pour 2025… En clair, il lui manquera une quarantaine de milliards sur la période 2022-25.

« Nous recevrons 2,5 milliards d’euros supplémentaires l’année prochaine. Cependant, à la fin de la planification financière à moyen terme, les dépenses de défenses seront équivalente à 1,2% du PIB. Je ne pense pas que ce soit acceptable. […] C’est pourquoi les prochaines négociations pour former une coalition seront cruciales. En cela, les grands projets d’armement doivent être sécurisés pour l’avenir. La sécurité est une mission centrale pour l’ensemble du gouvernement », a fait valoir Mme Kramp-Karrenbauer dans un entretien donné à RedaktionsNetzwerk Deutschland.

Outre les projets menés en coopération qu’elle a cités [SCAF, MGCS], la ministre allemande a insisté sur le remplacement des chasseurs-bombardiers Tornado [pour répondre aux exigences de l’Otan, notamment au niveau des plans nucléaires] ainsi que sur celui des avions de patrouille maritime P-3C Orion. Elle a également évoqué l’acquisition d’un nouveau système de défense aérienne tactique et d’hélicoptères de transport lourd [HTL].

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