France/Allemagne : Sur le SCAF, Mme Parly ne transigera pas sur les principes essentiels

Lors des négociations visant à obtenir un accord devant permettre le lancement de la phase 1B du programme SCAF [Système de combat aérien du futur], mené par la France en coopération avec l’Allemagne et l’Espagne Dassault Aviation a déjà fait beaucoup de concessions face à Airbus.

Pourtant désigné pour être le maître d’oeuvre du « New Generation Fighter » [NGF], c’est à dire l’avion de combat de 6e génération sur lequel reposera le système, le constructeur français a déjà consenti de n’avoir qu’un tiers de la charge de travail, les deux autres tiers allant à Airbus Allemagne et Airbus Espagne. Donc à Airbus. En outre, il a accepté qu’environ 50% de tâches spécifiques [les « work packages »] se fassent sans qu’il y ait un responsable désigné… Et que l’autre moitié soit partagée en trois. En clair, il ne lui reste plus qu’un tiers des tâches où il peut assumer son rôle de direction.

Cela étant, et malgré les concessions de Dassault Aviation, les discussions se trouvent actuellement dans l’impasse, l’Allemagne ayant encore fait monter les enchères, notamment sur les questions de propriété intellectuelle.

En outre, déjà désigné maître d’oeuvre pour deux autres piliers du programme [les effecteurs connectés et le « cloud » de combat], Airbus voudrait avoir la responsabilité de tâches « stratégiques », comme les commandes de vol, le cockpit, l’architecture fonctionnelle et l’interface homme-machine. En clair, Dassault Aviation n’aurait plus les leviers qui lui étaient pourtant promis.

Interrogée lors d’une discussion du « Club de l’Économie » du quotidien Le Monde, la ministre des Armées, Florence Parly, a évoqué les problèmes que connaît actuellement le SCAF. Et si elle s’est dit « optimiste » car « déterminée » à aboutir sur ce dossier, elle a toutefois exprimé des doutes.

« Nous avons demandé, avec ma collègue, la ministre allemande de la Défense, Mme Kramp-Karrenbauer, aux industriels de poursuivre les discussions pour aboutir, si possible, à un accord », a déclaré Mme Parly. On notera évidemment le « si possible »…

Cela étant, la ministre a ensuite rappelé les « grands principes » auxquels elle n’entend pas déroger et qui ont d’ailleurs « été posés dès par le président de la République [Emmanuel Macron] et la chancelière [Merkel] dès le départ » car ils « sont les clés du succès de ce programme. »

Ainsi, le premier d’entre-eux, a continué Mme Parly, est qu’il « faut identifier des responsables sur les différents chantiers de ce programme. Autrement dit, il faut éviter de reproduire des erreurs qui ont été commises dans le passé pour des programmes en coopération », comme l’A400M, « où la question de la responsabilité de ‘qui fait quoi’ n’était pas clairement identifiée, ce qui a conduit à des dépassements non seulement de budget mais également à des dérapages du point de vue du calendrier. »

En clair, il n’est pas question d’accepter que la moitié des tâches relatives au NGF se fassent sans responsable désigné, comme Airbus l’a apparemment demandé [et obtenu].

Le second grand principe sur lequel « on ne peut pas transiger », a poursuivi la ministre, « c’est le fait que, sur chacun des lots ou sur chacune des technologies, nous soyons absolument certains que c’est le meilleur qui est en charge. » Et d’ajouter : « Autrement dit, on ne peut pas, pour des raisons de stricte répartition de la charge, se dire ‘bon, tant pis, on va confier cela à tel industriel. Ce n’est pas le meilleur mais c’est politique. »

« Nous sommes absolument déterminés à faire prévaloir ces principes là. C’est la garantie, in fine, que nous aurons des équipements qui répondent aux spécifications de performances opérationnelles pour nos armées – ce qui est quand même essentiel – et puis c’est la garantie qu’on tienne les budgets et les calendriers, ce qui n’est pas non plus un objectif secondaire », a fait valoir la ministre.

« Nous avons donc demandé aux industriels de poursuivre les discussions en ayant bien en tête ces deux principes car c’est ceux-là qui constituent la garantie du succès. […] Je crois qu’il est vraiment important que les industriels aillent au bout de cette discussion pour que nous soyons, nous, les États, certains que nous avons lancé ce programme sur de bons rails », a insisté Mme Parly.

Le rappel de ces deux principes essentiels par la ministre conforte Dassault Aviation… puisque cet exactement cette logique que l’industriel défend… En revanche, il peut être vu comme étant une pierre dans le jardin d’Airbus… et du Bundestag, qui a le pouvoir de bloquer le programme s’il estime que les intérêts de l’industrie allemande ne sont pas suffisamment pris en compte.

Par ailleurs, Mme Parly a rappelé également qu’il y a des règles en matière de propriété intellectuelle. Aussi, trouve-t-elle normal qu’un « industriel qui a construit seul sa propriété intellectuelle pendant des dizaines et des dizaines d’années souhaite la conserver ». Voilà encore un gage donné à Dassault Aviation… « En revanche, a-t-elle continué, il est tout à fait normal que les innovations qui seront créées conjointement par les industriels dans le cadre de ce programme puissent être partagées.

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