Belgique : Les députés vont de nouveau mettre l’achat de 34 avions de combat F-35A sur la sellette

Le mois dernier, le chef d’état-major de l’US Air Force, le général Charles Q. Brown, a évoqué la possibilité de remplacer les actuels chasseurs-bombardiers F-16 en service par des avions de génération 4,5. « En fait, je veux être en mesure de construire quelque chose de nouveau et de différent qui ne soit pas le F-16 mais qui possède certaines de ses capacités », a-t-il dit.

Or, selon les plans du Pentagone, il est prévu de remplacer les F-16, les avions d’attaque A-10 Warthog ainsi qu’une partie des F-15 par 1.763 exemplaires du F-35A, développé, un appareil de 5e génération développé par Lockheed-Martin.

Aussi, les propos du général Brown suggèrent que l’US Air Force envisage sérieusement de réduire le nombre de F-35A qu’elle entend mettre en oeuvre dans les années à venir. Une telle hypothèse a déjà été évoquée par le magazine spécialisé Aviation Week, ce dernier ayant avancé que 1.050 exemplaires de l’avion de Lockheed-Martin pourraient finalement être commandés.

Dans le même temps, l’US Air Force espère pouvoir mettre prochainement en service l’avion de combat développé dans le cadre du programme NGAD [Next Generation Air Dominance], c’est à dire un appareil de 6e génération devant être au centre d’un « système de systèmes » comme le SCAF franco-germano-espagnol et le Tempest italo-britannique. Un démonstrateur a d’ailleurs effectué ses premiers vols d’essais, dans le plus grand secret.

Évidemment, les déclarations du général Brown au sujet du F-35 ont de quoi faire douter certains pays qui ont acquis ce type de chasseur-bombardier pour moderniser leurs forces aériennes. En tout cas, elles ont trouvé un écho en Belgique, qui, en octobre 2019, a fait part de son intention de s’en procurer, aux dépens d’une solution européenne, 34 exemplaires pour 3,8 milliards d’euros, afin de remplacer ses F-16 MLU. Il a même été question, en janvier 2020, d’en acquérir 14 de plus.

L’une des raisons de ce choix est la capacité qu’aura l’avion américain à emporter la bombe nucléaire tactique B-61, dans le cadre des plans nucléaires de l’Otan, dont fait partie la Belgique. Une autre concerne les retombées promises par Lockheed-Martin à l’industrie aéronautique belge.

Seulement, ces dernières tardent à se concrétiser. Qui plus est, comme l’a indiqué le quotidien économique « L’Echo », leur niveau ne s’élèverait finalement qu’à 700 millons d’euros. « Ce montant concerne les scénarios les plus optimistes et porte à la fois sur une participation à la fabrication d’éléments du F-35 et sur la maintenance des appareils pendant au moins une quinzaine d’années », a-t-il écrit, en mars 2020. Mieux même : les États-Unis ont proposé à la Belgique de reprendre les F-35 initialement destinés à la Turquie… Ce que Bruxelles a refusé.

Quoi qu’il en soit, certains politiques belges n’ont pas ménagé leurs critiques contre cet achat de F-35A, notamment lors d’un débat à la Chambre des représentants, en novembre dernier. Ainsi, le député centriste Georges Dallemagne aura été sans doute le plus sévère. « Les États-Unis nous ont vendu une dinde pour financer leur aigle », a-t-il taclé. Et d’ajouter, en forçant le trait : « Lockheed-Martin consacre désormais toutes ses capacités et tous ses budgets au successeur du F-35, un avion de chasse de sixième génération dont un prototype a déjà volé en septembre. »

Pour autant, la nouvelle ministre belge de la Défense, Ludivine Dedonder, entend maintenir le cap. « Ce dossier a été longuement débattu par le passé. J’ai dit qu’a priori, je ne reviens pas sur cet accord car c’est déjà allé assez loin, voire trop loin. Pour faire marche arrière, le coût serait considérable même s’il n’est pas établi. Cette capacité, ces avions, il faut les avoir », confiera-t-elle au quotidien Le Soir, le 3 décembre.

Pour autant, certains députés ne désarment pas, d’autant plus qu’ils sont confortés par les récents propos du général Brown, mais aussi ceux de Will Roper l’ex-secrétaire à l’Air Force chargé de la technologie et des acquisitions. Ce dernier avait en effet déclaré, avant de quitter ses fonctions, que « les coûts exorbitants du cycle de vie du F-35 signifient que l’US Air Force ne peut pas se permettre d’acheter autant d’avions dont elle a besoin pour combattre et gagner une guerre aujourd’hui, ce qui rend d’autant plus important le programme NGAD. »

Aussi, le député Denis Ducarme a ainsi demandé que soit organisée une réunion « en urgence » de la commission de la Défense, à la Chambre des représentants, pour mettre à nouveau l’achat des F-35 sur la sellette. « Il y a quelques jours, le général Charles Brown, commandant en chef de l’US Air Force, a annoncé vouloir réduire ses commandes d’achat de plus de 1.700 F-35 et investir dans un programme de développement d’un chasseur plus léger, plus maniable et moins onéreux. On ne peut pas s’empêcher de poser des questions quant à l’achat par notre Défense de 34 de ces appareils. On doit réagir », a-t-il justifié.

Et le député a obtenu gain de cause auprès de Peter Buysrogge, le président de la commission de la Défense. « Une session de questions à la ministre de la Défense est agendée pour le mercredi suivant [soit le 10 mars, ndlr] », a-t-il dit à l’agence Belga.

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