Général Lecointre : « Le confinement s’est arrêté au moment où nous commencions à taper dans le dur »

À en croire le chef d’état-major des armées [CEMA], le général François Lecointre, il s’en est fallu de peu pour que les armées soient plongées dans une situation critique à cause du confinement, décidé en mars dernier afin de freiner l’épidémie de covid-19.

Cette crise a mis en lumière un point qui en aura sans doute surpris plus d’un. En effet, et comme l’avait indiqué le quodidien Les Échos, le 31 mars, il apparut que la défense n’avait « pas d’obligations de production particulières par rapport à d’autres secteurs ». Aussi, quand le confinement fut décidé, plusieurs entreprises de la base industrielle et technologique de défense [BITD] fermèrent leurs portes, sans concertion avec leurs partenaires et le ministère des Armées.

Ce qui donna lieu à une période de flottement… et à une réaction ferme de la ministre, Florence Parly, qui rappela aux entreprises concernées qu’elles devaient continuer leurs activités « sans transiger sur les mesures barrières dont le respect strict est indispensable pour endiguer la propagation du virus ». Et cela afin de soutenir l’activité opérationnelle des armées, par ailleurs très sollicitées durant le confinement, tant sur le territoire nationale [opération Résilience, dissuasion, posture permanente de sûreté, etc] que sur les théâtres extérieurs.

Finalement, et après plusieurs jours passés à concevoir des plans de continuité de leurs activités, les industriels de la défense reprirent, en « mode dégradé », leurs productions ainsi que leurs livraisons de pièces détachées.

Cela étant, lors d’une audition à l’Assemblée nationale, en juillet [le compte-rendu vient seulement d’être publié, ndlr], le général Lecointre est revenu sur cet épisode. « Nous n’avons pas mesuré entièrement la dépendance aux flux logistiques. En réalité, le confinement s’est arrêté au bout de trois mois, au moment où nous commencions à ‘taper dans le dur’, a-t-il dit.

Pire : « S’il avait duré plus longtemps, les conséquences sur les capacités opérationnelles des armées auraient été bien plus importantes. Il aurait suffi d’assez peu de semaines supplémentaires pour que nous commencions à avoir des difficultés à tenir la garde haute et à maintenir la condition opérationnelle des équipements engagés sur les théâtres d’opérations extérieures comme de l’ensemble de nos bâtiments et de nos avions. Nous avons puisé dans des réserves qui étaient assez faibles », a expliqué le CEMA aux députés.

« Aujourd’hui, nous ne savons pas mesurer notre dépendance réelle aux flux logistiques, notamment aux stocks, car nous ne connaissons pas la dépendance secondaire, celle des industriels vis-à-vis de leurs sous-traitants et des sous-traitants de ceux-ci. Ce point, qui est en cours d’analyse par la DGA [Direction générale de l’armement], doit être mesuré finement, afin de ne pas être conduits à une situation de dépendance envers nos fournisseurs étrangers », a ensuite conclu le général Lecointre.

Devant les sénateurs, en mai, le CEMA avait déjà parlé d’une « dette organique » contractée par les arméesf ace à la crise liée à l’épidémie de Covid-19.

« Cette dette aura un impact en termes de préparation opérationnelle, en portant préjudice au maintien en condition de nos matériels, ainsi qu’à la qualité de notre ressource humaine. Nous préparons certes les grandes relèves prévues à l’été sur nos théâtres d’opérations, mais la dette s’accroîtra à mesure que la crise se poursuivra », avait-il en effet prévenu, après avoir dénoncé les « précédentes LPM [Lois de programmation militaire] et la révision générale des politiques publiques », lesquelles privilégièrent « le management sur le commandement, l’efficience sur l’efficacité, la logique de flux sur celle de stock. »

Photo : © armée de Terre

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]